Assassinat d’Olivier Maniliho ou chronique d’une mort annoncée.

Par Philibert Muzima

Le compte à rebours a commencé pour mon cousin Olivier Maniliho. La semaine dernière, une réunion de hauts responsables des services rwandais des renseignements a décidé de son exécution extrajudiciaire.

Cette réunion tenue dans les appartements de la National Security Services (NSS) à Kimihurura a connu la participation du Lieutenant Général Karenzi Karake, Secretary General de la NSS ; du Général Major Jack Nziza, RDF Inspector General; du Général Dan Munyuza, Deputy Inspector de la Police Nationale; du Lt-Col Franco Rutagengwa de la J2/Army ainsi que du Col Fredy Muziraguharara, chef direct de la victime qui est d’ailleurs l’architecte de toute l’intrigue qui mène Olivier Maniliho à la mort dans un dossier d’accusations accablantes qu’il a lui-même fabriqué de toutes pièces.

Lors de cette réunion, le Lt-Col Rutagengwa a reçu l’ordre de tuer Olivier Maniliho. Le bourreau commis a de son côté ordonné à son subalterne, Lieutenant Pascal Nzabilinda de la Contre Espionnage (Counter Intelligence) au J2/Army de mettre en exécution l’ordre reçu d’en haut. Ce pauvre rescapé du génocide originaire de Bugesera dispose d’un délai d’une semaine pour accomplir la sale besogne qui lui incombe.

La vie de mon cousin Olivier Maniliho doit donc s’arrêter d’ici la fin de la semaine comme tel a été décidée par la plus haute autorité des services renseignements rwandais. Le cri de détresse de ma famille auprès du Président Paul Kagame qui a reçu pour cela deux lettres d’alarme n’aura rien donné. En toute connaissance de cause, le Président Kagame a décidé de laisser ses sbires aller de l’avant et verser le sang d’un innocent. Je crains qu’il ne soit déjà trop tard pour le Président de préserver la vie de son citoyen et fidèle employé.

La mort d’Olivier Maniliho doit peser sur la conscience de tous ceux qui ont été informés de son kidnapping mais n’ont rien fait alors qu’ils savaient pertinemment qu’aucune charge ne pesait sur lui. Le Général Karenzi Karake en a été informé au mois de mars 2014. A ce moment là, l’irrémédiable pouvait être évité, mais il s’est limité à lire le rapport mensonger d’un Muziraguharara obnubilé par la soif du sang d’un innocent.

Fredy Muziraguharara ne disait-il pas à qui voulait l’entendre qu’il se fichait pas mal de ce que ce hadui-ennemi- soit innocent ou pas et cela sans étayer sur la nature de moindres soupçons qui pesaient sur Olivier ? A un ami commun qui lui demandait de libérer mon cousin, il déclara sans ambages qu’il était trop tard de ramener Olivier en public puisque les séquelles des tortures lui infligées étaient indélébiles!

Ma famille est en deuil. Consolée, la maman d’Olivier est quant à elle inconsolable. Avec l’assassinat de son fils aîné et après le massacre de sa famille biologique durant le génocide contre les Tutsi en 1994, Tante Consolée a perdu sa raison de vivre.

Avec la décision d’assassiner Olivier, les plus hauts responsables de la NSS viennent d’infliger une injustice irrémédiable à ma famille. Le geste qui sera posé très bientôt par le Lieutenant Pascal Nzabilinda d’ôter le dernier souffle à Olivier-kumumaramo umwuka selon le vocable précis prononcé dans les divers de la fameuse réunion- relève d’un crime d’État duquel nul ne pourra plaider l’ignorance lorsque sonnera enfin l’heure des comptes devant un tribunal libre, juste et équitable.

Que toute la bande d’assassins de mon cousin commence à préparer sa défense car tôt ou tard, au Rwanda ou ailleurs devant des juridictions étrangères ou internationales, ils auront à répondre de leurs actes.

Dès son kidnapping le 9 février 2014 à Kigali, Olivier Maniliho a été sauvagement torturé à Gikondo « Kwa Gacinya » en présence de Dan Munyuza qui en assurait la supervision puis à Nyarutarama dans une maison appartenant au Général Kayumba Nyamwasa avant d’être transféré à Kami où la victime a été placée sous l’autorité du Lt-Col Franco Rutagengwa qui a multiplié les sévices.

Mes remerciements à tous ceux et celles qui sont intervenus en sa faveur même si sans succès et à ceux et celles qui n’ont cessé de m’informer des différents endroits où mon cousin a été successivement détenu et torturé.

Adieu cher cousin. Tu va rejoindre dans l’au-delà tes oncles, ta tante-ma mère-, ta grand-mère et des dizaines de tes cousins. Tu leur diras qu’hélas, l’injustice elle, a survécu au génocide des Tutsi de 1994. A titre d’exemple, tu leur diras qu’en plus de ton assassinat ignoble au terme de huit longs mois de séquestration et de torture, des rivières charrient encore des cadavres et qu’ainsi, la prédication de Léon Mugesera aura trouvé preneur au sein du régime qui a succédé à celui qui les a tués.

Tu leur conteras combien tu auras cru naïvement en ce régime jusqu’au jour fatidique où un rescapé du génocide devenu bourreau malgré lui aura levé de sa main une hache sur toi.

Cher Olivier, je m’étais accroché à l’espoir de te revoir vivant. Mais c’était sans compter sur l’iniquité de tes ravisseurs. La pire espèce de tueurs qu’ils sont ne laissera même pas à la famille le droit de te donner une sépulture digne.

Nous aurions tout donné pour te ramener vivant à la maison, mais nous ne verrons même pas ton cadavre. Qu’à cela ne tienne, cher Olivier, nos cœurs seront ta tombe.

Adieu Olivier.