Canada: un imbroglio rwando-rwandais qui explose la toile

Les passions se déchainent sur la toile depuis que le tabloïd Ikaze Iwacu a lancé une bombe en sein de la communauté rwandaise au Canada. Le 12 mars 2015, le journal en ligne accusait des rwandais immigrés au Canada d’être rien de moins que des « tueurs à gages » à la solde du gouvernement du Rwanda.

Le tabloïd nommait aussi certaines victimes potentielles. Ces derniers, sentant la menace sérieuse, crient au loup et en appellent au ministre canadien de la sécurité publique. Ils tiennent d’ailleurs une conférence de presse à Montréal le 22 mars 2015 dans les bureaux de Me John Philpot, avocat de Jean-Bosco Barayagwiza et de Jean- Paul Akayesu entre autre auprès du TPIR  dont un membre de famille, Robin Philpot est aussi menacé.

Au lendemain de cette conférence de presse, un article paru dans le journal Le Métro de Montréal provoque des réactions houleuses. Les tout premiers à réagir passionnément sont l’ex-diplomate rwandais David Bugingo Nkurunziza ainsi que l’actuel (futur ex?) diplomate Olivier Nduhungirehe. Depuis, des réactions fusent de partout et inondent la toile.

Et pour cause. Après les assassinats et tentatives d’assassinats de rwandais à l’étranger, après la condamnation en Suède de l’ex-journaliste rwandais Emmanuel Rubagenga pour espionnage et tentative d’assassinat de réfugiés rwandais suivie de l’expulsion du diplomate rwandais Evode Mudaheranwa en Suède, personne ne peut jouer les  naïfs et nier que les services secrets rwandais peuvent frapper au Canada. Et si c’est le cas, un « network »  doit faciliter dans la besogne.

C’est un imbroglio purement rwando-rwandais même si certains non rwandais se retrouvent dans le collimateur. Ainsi faut-il que la police s’en mêle pour démêler le vrai du faux. D’honnêtes gens -aussi bien parmi ceux et celles présumés menacés que parmi ceux accusés par le tabloïd de constituer une cellule dormante n’attendant que le mot d’ordre de leur commanditaire pour commettre au Canada des actes terroristes – marchent tête haute.

C’est difficile d’être traité injustement de tueur à gages, de faire partie d’une cellule terroriste dormante au Canada, surtout par les temps qui courent. Mais c’est également difficile de rester zen lorsque l’on croit  que sa tête a été mise à prix par un gouvernement étranger. Surtout après que le chef de ce même gouvernement ait dit publiquement et à haute voix, après l’assassinat de Karegeya que “they should have been those who have eliminated the deceased and they should not be ashamed for that ”. On comprend bien qu’il s’agit là d’une apologie du meurtre doublée d’un appel au même crime.

Malheureusement, on sait aussi que dans un radicalisme à la rwandaise qui ne veut pas mourir, un appel tel au meurtre à peine voilé lancé par la plus haute autorité du pays est considéré par ses inconditionnels comme une fatwa contre les ennemis supposés avec les conséquences dramatiques.

La police montée doit donc agir en amont pour ramener la confiance au sein de la communauté et garantir la sécurité pour tous. Les personnes nommées comme étant de cibles potentielles ont toutes les raisons de se sentir menacées et ont droit à jouir de leur quiétude. Celles faussement et injustement citées comme agissant à la solde de Kigali dans le but de perpétrer des attentats doivent également être rassurées puisqu’elles doivent maintenant croire leurs communications,  déplacements et transactions surveillés. Bref, elles craignent également pour leur sécurité et pour de probables intrusions dans leur vie privée.

Mais par-dessus le marché, c’est la cohésion sociale de toute une communauté qui est mise à rude épreuve. La méfiance  prend les proportions de la paranoïa. Les membres d’une même communauté se soupçonnent mutuellement de délateurs et d’informateurs du tabloïd Ikaze Iwacu d’une part et d’empoisonneuses de puits d’autres parts.

Il faut que ça cesse. Je demande donc qu’il y ait justice pour tous.

Philibert Muzima

Source:VEPELEX