C’est pour ma famille que je me suis rendu:Témoignage d’un policier de Goma

Le M23, qui contrôle la ville de Goma depuis hier, a appelé les policiers et les soldats des FARDC présents dans la ville à rendre leurs armes et à se faire enregistrer. Un policier du quartier du Volcan explique pourquoi il a décidé de se plier aux instructions des rebelles.

L’appel des rebelles du M23 pour identifier les policiers et militaires restés à Goma s’est transformé en meeting populaire, mercredi matin, au stade du Volcan, où de nombreux Gomatriciens s’étaient rendus pour écouter les déclarations du porte-parole, le colonel Vianney Kazarama.

Selon le M23, plus de 2 000 soldats loyalistes et 700 policiers se seraient déjà fait « enregistrer » depuis mardi. Nos Observateurs se sont rendus ce matin au stade et ont pu constater que les soldats du M23 récoltaient effectivement les armes dans les tribunes. Selon eux, beaucoup de soldats des FARDC ont fui la ville, abandonnant jusqu’à leurs chaussures, casques et uniformes et se sont changés en civil pour éviter de se faire tuer par les M23.

« Je ne comprends pas comment nous, policiers, on peut continuer notre travail et protéger la ville s’ils nous prennent nos armes’ »

Bwamungo (pseudonyme) est policier du bataillon PPG (Police de la police de Goma). Il exerce dans le quartier du Volcan. Il s’est fait enregistrer ce matin auprès des rebelles du M23 et va rendre son arme demain.

J’ai pris la décision de me présenter à l’enregistrement du M23 parce que la déclaration du colonel Vianney Kazarama m’a rassuré. Les rebelles ont invité tout le monde à leur réunion sans distinction et il ont dit qu’ils ne voulaient que du bien à la population civile.

Surtout c’est pour ma famille que je me suis rendu : j’ai une femme qui est enceinte, j’ai trois enfants dont le plus âgé à 6 ans. J’avais peur qu’en fuyant, je saute sur une bombe ou que les soldats du M23 me prennent pour un militaire des FARDC et me tuent. Je ne pouvais pas me permettre d’abandonner ma famille.

« M23 ou gouvernement, peu importe qui contrôle la ville, ma mission est de continuer à protéger la population »

Durant le meeting d’aujourd’hui, les rebelles nous ont dit qu’ils allaient former les policiers et les ex-soldats des FARDC et nous enseigner ce qu’ils appellent ‘l’idéologie’ du M23 dans le camp de Mubambiro [un centre de regroupement de la police situé à environ 1 km de Sake], à une vingtaine de kilomètres à l’ouest de Goma sur la route de Bukavu. Cela signifie d’ailleurs qu’après Sake et Bukavu, les rebelles comptent également prendre cette ville. Pour l’instant, ils nous ont dit qu’on devait continuer à travailler dans les quartiers auxquels nous étions postés avant leur arrivée.

Je me suis fait enregistrer, mais je n’ai pas encore déposé mon arme. Je suis policier, ma mission est de protéger la population, je dois continuer à travailler ; ça ne change rien que ce soit sous une ville contrôlée par le M23 ou par le gouvernement. Je leur ai dit que j’avais une arme et que j’allais leur ramener demain. Ils m’ont demandé pourquoi je l’avais gardé, et m’ont sommé de la ramener demain matin au plus tard. Mais je ne comprends pas comment nous, policiers, on peut continuer notre travail et protéger la ville s’ils nous prennent nos armes

« Le M23 a dit que le salaire des policiers allait augmenter. J’espère qu’ils tiendront leurs promesses à l’inverse du gouvernement actuel »

Je ne sais pas du tout de quoi vont être fait les prochains jours. Le M23 a promis qu’il n’y aurait plus de fraudes, plus de pots-de-vin à payer lors des passages aux frontières et qu’ils puniraient de mort toute personne, civil comme soldat, qui serait surpris en train de piller. Ils ont aussi promis que le salaire des policiers allait augmenter.

Aujourd’hui, je ne gagne que 45 000 francs congolais (soit 38 euros) par mois. Même si les rebelles du M23 sont restés très flous dans leurs annonces et que je suis conscient que c’était avant tout pour nous rassurer, j’espère qu’ils tiendront leurs promesses et qu’ils ne vont pas mentir comme le gouvernement actuel qui n’a rien fait pour nous.

L’interview a été réalisée par Charly Kasereka de direct.cd à Goma, puis traduite du swahili au français. Billet écrit avec la collaboration d’Alexandre Capron (@alexcapron), journaliste à FRANCE 24.