CPI et amertume d'afande Supremo à New York

Oh, qu’il est d’un goût amer lorsqu’on veut le croquer… Lui, afande Supremo (AS), toujours prompt à croquer, non, à moudre les autres. Vingt-quatre ans après, on a toujours du mal à s’y faire. Quoi donc ? Ben, l’autre jour (il faisait une nuit noire chez moi), il a vu les autres défiler à la tribune des Nations-Unies, il les a entendu parler en attendant son tour et, hop ! il s’est lâché. Vraiment. Et là où on l’attendait le moins. Son hôte l’ayant bien auparavant mis en garde contre ses excessifs appétits territoriaux et miniers, afande Supremo a bien fait d’éviter le dossier Congo-M23. Dans tous les cas et quoi qu’il a à dire sur ce dossier, personne ne veut plus le croire. Un enfant pleurnichard est vite abandonné aux fourmis. Tout a été en effet dit par le sang des siens (300 000) massacrés à Tingi-Tingi ; tout a été écrit par les experts de cette même ONU sur la tribune de laquelle il discourait en cette fin septembre 2013. La tête de Turc du jour : la CPI. Pour les voisins de l’Ouest, on attendra certainement le carnaval de Toronto. Si quelques œufs ne viennent pas entre-temps pourrir la fête. Comme à Londres

CPI donc. On savait l’aversion du Supremo envers toute forme de justice qu’il ne contrôle pas. Fidèle donc à cette répulsion toute sienne, il a déclaré à New York : « Soutenir le consensus global contre l’impunité et créer une justice internationale pour la combattre, nous l’avons fait, en pensant qu’un tel système favoriserait la paix et la sécurité entre les nations. La Cour pénale internationale a violé ces principes. La CPI a fait preuve de préjugés à l’égard des Africains. Au lieu de promouvoir la justice et la paix, elle a négligé les efforts de réconciliation en humiliant les Africains et leurs leaders pour servir les intérêts politiques des puissants ». Tout juste s’il n’a pas sorti ses habituelles perles rhétoriques tel que kabwera (pute) ou nothing (vaurien) et c’est là sa seule concession. Pour le reste, il a bien menti et a très vite dénoncé la paille dans l’œil des autres, s’obstinant à ne pas s’apercevoir de la poutre qui dérange et menace la maison Rwanda. Nous l’avons fait ! En soustrayant ses officiers criminels de toute procédure ? En ne reconnaissant pas son propre rôle dans le deuil des Rwandais ? C’est gros comme mensonge, mais il les aimes comme ça. Comme Goebbels.

Reprenons encore cette critique d’AS et voyons s’il ne s’agit pas d’un lapsus linguae. « Soutenir le consensus global contre l’impunité et créer une justicenationale pour la combattre, nous l’avons fait, en pensant qu’un tel système favoriserait la paix et la sécurité entre les Rwandais. Les techniciens du Fpr et Gacaca ont violé ces principes. Le Fpr a fait preuve de préjugés à l’égard des Hutu et de tous ceux qui ne l’applaudissent pas. Au lieu de promouvoir la justice et la paix, il a négligé les efforts de réconciliation en humiliant les Rwandais et leurs vrais leaders pour servir les intérêts politiques des puissants ». Voilà la vérité. Il ne s’agit donc nullement d’un lapsus présidentiel puisque les les barrières de son Surmoi semblent ne pas avoir été déjouées. La CPI a été prise à parti parce que pour afande Supremo, la meilleure défense a toujours été l’attaque. Carla de Ponte, Jean-Louis Bruguière, Fernando Mereles, Steve Hege et bien d’autres encore ont fait les frais de cette maîtrise afandienne : l’accusation en miroir. Un ex-magistrat ayant servi AS (G. Gahima) aura ces mots dans Marianne : « L’accès au pouvoir est associé à un ensemble de privilèges dont ne bénéficient pas les populations hutus : l’accès à l’économie, à l’éducation, etc. Kagame n’est pas seulement un dictateur, c’est un dictateur minoritaire ». Et oui, et il ose parler réconciliation en disant « nous l’avons fait »…

Pour maquiller cette hypocrisie, AS a joué les avocats de Uhuru Kenyatta et William Ruto (président et vice-président du Kenya). La vérité est que Mister President a peur. Maîtrisant la terreur chez nous, il ne voit personne inquiéter (à court terme) sa dictature à part les trois lettres que sont CPI. Il sait aussi que les responsables kényans sont accusés de crimes contre l’humanité, en particulier d’avoir organisé des violences politico-ethniques après la réélection contestée du président Mwai Kibaki fin décembre 2007. Une crise qui avait fait un millier de morts et plus de 600 000 déplacés. Les chefs d’inculpation sont clairs : meurtres, persécutions et déportations. Voilà pourquoi de M23, il n’a point parlé. Demain c’est lui qui risque de chauffer le banc des accusés, expliquant la mort de plus de 4 millions de Congolais et plus d’un million de ses propres compatriotes. Une plainte dans ce sens est déjà à La Haye en plus des indiscrétions auxquelles peut se livrer Bosco Terminator Ntaganda et surtout d’un avertissement d’ « en haut ». Chris McGreal du Guardian écrivait en juillet 2012 ceci : « Stephen Rapp, who leads the US Office of Global Criminal Justice, told the Guardian the Rwandan leadership may be open to charges of « aiding and abetting » crimes against humanity in a neighbouring country – actions similar to those for which the former Liberian president, Charles Taylor, was jailed for 50 years by an international court in May».

C’est malheureusement et toujours la fin qui guette les durs d’oreille qui, comme Icare, ignorent l’interdit et prennent trop d’altitude. La chaleur finit par faire fondre la cire de leurs ailes. C’est là tout le sens de l’amertume d’afande Kagame à New York. Ceux qui danseront pour lui à Toronto feraient oeuvre utile en lui rappelant cette phrase de Jacques Deval dans Afin de vivre bel et bien : « Au moment où l’on te cause un tort, adoucis ton amertume par le souvenir de tous les torts que tu as causés ».

Cecil Kami