Diane Rwigara, le courage de l’honneur

La conférence de presse qu’elle a donnée cette semaine à Kigali et dont le sujet était « les raisons derrière l’acharnement du régime à l’encontre de la famille Rwigara » appelle une révolte digne, en même temps qu’elle force une admiration louable. Elle, c’est bien sûr Diane Shima (une des filles du milliardaire Assinapol Rwigara assassiné par des « inconnus » que continue de protéger la justice d’Afandie); mais l’on pourrait tout aussi l’appeler Diane Courage Rwigara ou Diane Courage tout court. Elle a osé, elle s’est levée et elle a parlé. Au nom des siens. En moins d’une demi-heure seulement, Diane a stoïquement exposé trois des faces que le régime s’évertue, dès même son avènement, à cacher par un maquillage qui résiste de moins en moins aux mauvais temps que traverse la barque Kagame.

Cupidité et insouciance. Kubohoza. Vous souvenez-vous encore de ce mot qui a pris toute sa connotation négative après la victoire des troupes du Front patriotique rwandais ? Voitures, parcelles, immeubles, meubles, plantations, banques, usines, fils barbelés, câbles électriques… rien n’a échappé à l’avidité ni à la cupidité des maquisards qui venaient de conclure une atroce guerre qu’eux-mêmes avaient initiée quatre ans plus tôt. Tels des vulgaires rats-taupes qui se plaisent à amasser dans leurs galeries l’utile et le futile, cadres et officiers d’Afandie ont développé une insouciance à dépouiller le peuple : de sa maigre récolte aux actions des sociétés florissantes, ils ne reculent devant rien ni personne ; ils accaparent (kubohoza, disaient-ils). Lorsque cela ne suffit pas, les innombrables et étouffantes taxes font subrepticement l’affaire. La dignité du peuple a presque été réduite à sa résignation face à ce harcèlement.

Harcèlement. Conduite abusive qui se manifeste notamment par des comportements, des paroles, des gestes, des actes, des écrits pouvant porter atteinte à la personnalité, à la dignité ou à l’intégrité physique ou psychologique d’un personne (Marie-France Hirigoyen, psychanalyste). C’est exactement ce qu’en ce moment même vivent en silence beaucoup de Rwandais et c’est pertinemment ce silence qu’a courageusement brisé Diane Rwigara en s’exprimant devant la presse (13’25’’). Évoquant les tribulations de son paternel, Diane dira : « bari baramunanije psychologically na emotionally mbere y’uko bamwica pshysically. » Voilà dénoncée la méthode de la pieuvre qui a investi les Milles collines. Ils commencent par convoiter les biens de son père, l’assassinent et maintenant, ils veulent intimider sa famille pour effacer toutes les traces de l’activité paternelle ! Soit la famille se taira, soit elle s’exilera (barashaka ko duceceka cyangwa tukava mu gihugu). Et demain, l’hypocrisie du régime blâmera encore ceux qui hésitent toujours à rentrer au bercail…

Les délices de Capoue. Toute cette injustice laisserait penser que l’Afandie s’endort dans les délices de Capoue tellement bien des pontes du régime ont tendance à se laisser bercer par cette vie trop facile et sans contrainte. Le fait cependant qu’une voix, celle de Diane S. Rwigara, se soit élevée, contrairement à celle des opposants, dans l’antre même du lion prouve qu’il y a moyen de faire taire sa peur, mais surtout de faire face. De démonter les mensonges des clercs du régime (souvenez-vous lorsque le président en personne affirme que la famille Rwigara a eu une réponse quant à l’assassinant de son chef). Certes feu le père de Diane avait, par le passé, mis sur la table du diable des tonnes de liasses, mais sa mort devrait rappeler à tous ceux qui se méprennent encore sur les dessins du régime que « à la table du diable, il faut se munir d’une longue fourchette ».

Un proverbe romain dit : « Le courage croît en osant et la peur en hésitant ». Dans « Le livre de Seul », Pierre Billon écrivait quant à lui que « Le courage est le prix de la dignité ». Diane Shima Rwigara semble en effet l’avoir bien compris, elle qui a assuré avoir le courage (de se battre) pour l’honneur de son père. Inspirera-t-elle d’autres Diane ?

Cecil Kami