En attendant les conclusions de l’enquête des juges, aucune personne n’est disculpée, aucune personne n’est inculpée!

Ce mardi 11 janvier 2012, les experts mandatés par les juges Trevidic et Poux  ont livré leurs conclusions dans le cadre de l’enquête sur l’auteur de l’attentat terroriste du 6 avril 1994 ayant emporté la vie notamment du Président Juvénal Habyarimana et son homologue burundais le Président Cyprien Ntaryamira.

C’est devant un parterre d’une trentaine de personnes notamment les parties civiles, les avocatsCartographie du lieu ou les missiles auraient été tirés selon les experts, des suspects (des membres du FPR proches de Paul Kagame), les procureurs,que les experts ont livré leurs conclusions dans la salle des criées du Tribunal de grande instance de Paris devant un public attentif.
Pendant près de 4heures, de 14 à 18h, c’est le juge Trevidic lui-même qui a introduit le rapport d’un peu plus de 300 pages en compagnie de Nathalie Poux, la deuxième juge dans l’affaire.
Mais l’essentiel du contenu a été présenté par les experts présents pourl’occasion. Tour à tour, un expert géomètre, un export en explosifs, un expert en armements, une experte en aéronautique et un expert en acoustique qui a rejoint l’équipe en cours de route ont livré leurs conclusions en fonction de leurs domaines respectifs à l’assistance.
Selon les premières informations reccuiellies par Jambonews, les experts, en regroupant l’ensemble de leurs conclusions ont dégagé quatre certitudes.
La première certitude est que par élimination, l’avion a été abattu par un missile portable SA-16(SAM 16) de fabrication soviétique.
La deuxième certitude est qu’il y’a eu deux tirs, dont un missile qui a raté l’avion et un autre missile qui a touché l’avion.
La troisième certitude des experts est que les réacteurs n’ont pas été touchés par les missiles et sont restés intacts.
La quatrième certitude est que c’est l’aile gauche de l’appareil qui a été touchée. L’analyse des débris de l’appareil démontre en effet que le missile a touché le réservoir dans l’aile gauche.
A partir de ces différents éléments, la mission des experts, consistait à déterminer le lieu d’où les
missiles ont été tirés, un élément crucial dans le cadre de cette enquête sur l’acte ayant plongé le Rwanda dans l’horreur.
Aucun expert ne pouvait à lui seul déterminer le lieu des tirs, qui a été déterminé en recoupant l’ensemble des expertises et en analysant les témoignages, douze au total.
Au total 6 lieux possibles de l’origine des tirs ont été dégagés par les experts, qui ont procédé par élimination pour désigner le lieu le plus probable.
La position idéale d’un tireur expérimenté était, selon les experts, la position de Masaka (soit la
ferme soit la vallée). Mais les experts ont jugé qu’une telle piste était à écarter en raison de deux éléments jugés déterminants.
Le premier élément est le récit de trois témoins de premier plan, un militaire français et deux médecins militaire belges présent ce jour-là au camp Kanombe et qui ont affirmé avoir entendu le soufflement des
missiles. L’expert acoustique a estimé qu’il était impossible d’entendre le soufflement des missiles à partir de Masaka, situé à plus de 3km de là. Il estime qu’au vu de la distance, l’avion aurait déjà touché le sol avant d’entendre le souffle.
Le deuxième élément est l’impact du missile et l’occurrence que le missile ait touché l’aile gauche de l’appareil. En effet, selon les experts, les missiles suivent la chaleur de leur cible. Or, au moment où l’avion a été abattu, il avait déjà dépassé la colline de Masaka, ce qui signifie que si le missile était venu par derrière (et donc de Masaka), il aurait atteint le réacteur et non l’aile gauche de l’appareil. La conclusion des experts sur ce point étant donc que le missile est venu de l’avant avant d’atteindre l’aile gauche.
Toutefois, oralement, l’experte en aéronautique a avancé ne pas pouvoir être catégorique sur ce dernier élément, car étant donné que les experts s’accordent à dire qu’un premier missile a raté sa cible, il n’est pas
exclu que les pilotes aient changé la trajectoire de l’appareil.
Autre hypothèse avancée par les experts et aussitôt écartée, est celle de la porcherie qui se trouvait dans la parcelle du Président assassiné. Cette hypothèse a été balayée car les experts estiment que si le missile était parti de là, il aurait atteint le côté droit de l’appareil et non le côté gauche.
A la lumière de ces éléments jugés déterminants par les experts, ces derniers ont estimé que les missiles étaient donc « probablement » partis d’une des deux positions situées dans le camp militaire de Kanombe.
Autre éclairage apporté par les experts est que les Sams 16 utilisés pour abattre l’avion ont été
utilisés par des spécialistes, car leur utilisation nécessite une formation poussée de minimum 50 à 60 heures et ils sont également formels pour dire qu’il y’avait deux tireurs.
A la fin de la présentation, le juge Marc Trevidic qui a lu en alternance avec Nathalie Poux les conclusions des experts a annoncé que chacune des parties avait désormais trois mois pour apporter ses observations sur le rapport d’expertise et éventuellement demander une contre-expertise.
Après avoir recueilli l’ensemble des observations, les juges Trevidic et Poux devront juger le rapport d’expertise à l’aune des autres éléments du dossier, principalement les nombreux témoignages.
En attendant les conclusions de l’enquête des juges, aucune personne n’est disculpée, aucune personne n’est inculpée, ce qui n’est d’ailleurs pas le rôle des experts.
Il appartiendra aux juges Trevidic et Poux, à l’issue de l’enquête de rendre un rapport complet au sujet de l’éventuelle implication des membres du FPR soupçonnés d’être à l’origine de cet attentat et, le cas-écheant, inculper d’autres suspects.

Ruhumuza Mbonyumutwa
Source: Jambonews.net