Instrumentalisation, diabolisation , et souvent boucs émissaires: les jeunesses des partis politiques africains. Cas du Rwanda et du Burundi.

la jeunesse du parti au pouvoir, l'ancienne rébellion tutsi du FPR dite “ Intore” s'entraîne ouvertement au maniement des armes et le message qui leur est délivré est on ne peut plus clair: vous devrez éliminer l'ennemi du Rwanda ( entendez tout opposant au FPR) où qu'il soit , au Rwanda comme à l'étranger

Introduction

Tous les partis politiques organisent leurs militants selon des schémas convenus mais généralement en tranches d’âge et du genre. C’est ainsi qu’ils comptent tous des sections des jeunes ou des organisations de femmes affiliées à ces partis. Rien de plus normal. Mais en limitant notre étude à la situation dans  certains pays de la Région des Grands Lacs en Afrique nous constatons que ce schéma d’organisation des partis , surtout l’aile “jeunesse” de ces partis a été et est encore l’objet de grandes manipulations , d’instrumentalisation et de désinformation de la part des faiseurs d’opinion mondiale et cela depuis des décennies. Etudions le cas du Rwanda et du Burundi qui ont tous les deux accede a l’Independance la même date le 01 juillet 1962. L’évolution politique de ces deux pays jumeaux illustre parfaitement ce phénomène des jeunesses des partis parfois qualifiés de “milices” selon le cas, comme nous allons le voir.

1. Quand le parti est au pouvoir

Quand le parti est au pouvoir, son aile jeunesse est vantée, glorifiée et est souvent redoutée et redoutable par ses adversaires. Tant que ce parti reste au pouvoir, les actes répréhensibles et même les crimes que commet sa jeunesse resteront occultes ou impunis. 

L’on se souviendra de la tristement célèbre Jeunesse Révolutionnaire Rwagasore ( JRR), l’aile jeunesse du parti UPRONA qui a régné sur le Burundi depuis l’indépendance en 1962 jusqu’au milieu des années 90. Cette milice qui fut chaque fois le fer de lance des régimes tutsi successifs dans la répression des hutu (1965) et surtout dans le génocide contre les hutu de 1972 sous le Colonel Micombero ne fut jamais inquiétée ni même dénoncée ni par les médias ni par la Communauté Internationale durant tout le règne du parti unique UPRONA dont elle était l’émanation.

2. Quand le parti perd le pouvoir

Quand le parti perd le pouvoir surtout par les armes, son aile jeunesse devient le bouc émissaire de tous les maux et crimes imputés au régime déchu. Elle devient plus que jamais une “milice” et ses actions même les plus normales pour tout militant d’un parti politique ( défilés, séances d’animation…) sont décrites comme diaboliques, à se demander comment elles furent permises.

Le cas le plus illustratif est celui des INTERAHAMWE , la jeunesse du parti MRND au pouvoir au Rwanda de 1975 à 1992 Cette aile du parti jadis unique jusqu’en 1991 fut fondée dans la foulée du multipartisme qui a vu la naissance de plusieurs autres partis et la transformation du MRND pour s’adapter à la nouvelle situation. C’est donc dire que les partis qui ont composé le gouvernement de coalition de 1992 avaient tous une aile jeunesse dans leurs structures. Les INKUBA du MDR ou les ABAKOMBOZI du PSD…n’avaient rien à envier aux  Interahamwe du MRND. Conséquence: toutes ces jeunesses (Inkuba, Abakombozi, Interahamwe…) ont subi ensemble l’ assaut final du FPR d’avril à juillet 1994 qui parachevait sa conquête du pays entamée en octobre 1990 venant d’Ouganda. 

Mais comme le FPR qui venait de conquérir le pays et le pouvoir politique a choisi d’associer certains partis notamment MDR et PSD… à ce pouvoir , les jeunesses de ces partis ( Inkuba, Abakombozi) ne seront jamais citées dans les actes criminels imputés à leurs anciens compagnons des barrières Interahamwe dont le parti portera seul le poids de la défaite. Bien plus, même les actes des commandos du FPR infiltrés dans les rangs de ces jeunesses pour tuer des tutsi face caméras de la presse mondiale pour émouvoir l’opinion et montrer beaucoup de victimes tutsi, seront mises sur le dos des Interahamwe. (Recherches de Judy Rever)

3. En préparation du renversement d’un régime

La seule fois où la jeunesse d’un parti encore au pouvoir est décriée, c’est quand ce régime aurait déjà été condamné par ce qui est appelé “Communauté Internationale”. C’est donc un signe qui ne trompe pas dans le diagnostic d’un régime en sursis et déjà condamné. La diabolisation de la jeunesse du parti au pouvoir vise dans ce cas à préparer les esprits pour prendre comme coupables de tous les crimes ce parti une fois renversé.

Encore une fois le Burundi constitue un cas illustratif. En effet depuis 2015, la presse mondiale ne cesse de décrier la jeunesse du parti au pouvoir CNDD-FDD dénommée IMBONERAKURE. Les ONG l’ont quant à elles déjà qualifiée de “milice” Or il se fait que les jeunes du parti au pouvoir sont souvent victimes des actes des jeunes d’autres partis mais la victime devient le bourreau. L’on se souviendra que les Imbonerakure ont payé le plus lourd tribut dans le soulèvement de mai 2015 quand beaucoup de ces jeunes furent brûlés vifs ou décapités par les émeutiers sans que cela n’émeuve l’opinion internationale.

Paradoxalement dans le Rwanda voisin la jeunesse du parti au pouvoir, l’ancienne rébellion tutsi du FPR dite “ Intore” s’entraîne ouvertement au maniement des armes et le message qui leur est délivré est on ne peut plus clair: vous devrez éliminer l’ennemi du Rwanda ( entendez tout opposant au FPR) où qu’il soit , au Rwanda comme à l’étranger. Curieusement les mêmes médias et la même Communauté Internationale qui “crient haro” sur les Imbonerakure du CNDD-FDD au Burundi ne disent rien sur l’endoctrinement et l’appel au meurtre dispensés aux INTORE du FPR au Rwanda. Bien mieux, certaines ONG financent même ces séances d’endoctrinement

Pour comprendre ce paradoxe, l’explication est simple: La Communauté Internationale ( ou ce qui se font passer comme tel) voudrait renverser le régime burundais actuel et le remplacer par un régime “ à la Rwandaise” Dans cette entreprise, la diabolisation de la jeunesse du parti au pouvoir par les médias ainsi que la condamnation et les sanctions prononcées par les ONG constituent  des passages obligés.

Ainsi va le monde du 21e siècle.

Emmanuel Neretse