Israël couvre ses arrières en prévision d’une guerre contre l'Iran

Alors que la presse israélienne n’hésite pas à évoquer l’éventualité d’une attaque imminente contre les installations nucléaires iraniennes, Israël a renforcé ses mesures de sécurité nationale.

Après les propos alarmistes de dirigeants crispés par un programme nucléaire iranien jugé dangereux, c’est au tour de la presse israélienne d’évoquer, depuis le début de la semaine, l’éventualité d’une attaque d’Israël contre l’Iran. Et si sur le territoire national, les préparatifs s’accélèrent pour renforcer la sécurité des civils, la population ainsi que les analystes semblent peu touchés par cette agitation.

Dévoilant une stratégie de protection plus opérationnelle que jamais, Matan Vilnai, le ministre israélien sortant de la Défense passive, a affirmé mercredi 15 août, dans une interview au journal « Maariv », qu’Israël était préparé à un conflit qui pourrait durer trente jours et causer quelque 500 victimes parmi la population, en cas de représailles de la part de l’Iran ou du Hezbollah libanais. « Jamais auparavant, le front intérieur n’a été aussi bien préparé, » a-t-il indiqué.

Soupçonné de vouloir se doter de l’arme nucléaire, l’Iran est sous le coup de sanctions internationales alors que les négociations engagées entre Téhéran et les grandes puissances mondiales n’ont encore jamais abouti. « La possibilité que l’Iran devienne une puissance nucléaire se rapproche et il faut empêcher ce danger, » a déclaré le ministre israélien de la Défense Ehud Barak le 9 août.

Une défense nationale élaborée

Attaché à sa puissance militaire, l’État hébreu s’est lancé dans une démonstration de force, en matière de défense nationale cette semaine : kits antichimiques et bactériologiques mis à disposition de plus de la moitié de la population, construction de trois installations souterraines censées stocker armes, munitions, carburants et pièces détachées, amélioration des routes… Dans les semaines à venir, les batteries de missiles antimissile devraient également se voir équipées d’un nouveau système améliorant leurs capacités d’interception en vol.

Plus surprenant, un système d’alerte mobile, consistant en l’envoi de SMS à la population civile en cas d’attaque de missiles, a été testé à l’échelle nationale. Les conséquences économiques d’une guerre sont aussi envisagées. Le gouverneur de la banque d’Israël, Stanley Fischer, a affirmé que des dispositions avaient été prises afin de limiter l’impact sur l’économie qu’aurait inévitablement un conflit avec l’Iran. Le pays dispose notamment d’un matelas de devises étrangères de 75,3 milliards de dollars, une somme qui devrait permettre de financer des importations en cas de guerre.

Des paroles mais pas d’acte ?

Du côté de Washington, soutien de taille de l’État hébreu, on tempère ces ardeurs va-t-guerre. Selon le secrétaire américain à la Défense Leon Panetta, Israël n’a en effet pas pris la décision « à ce stade » de mener des frappes aériennes contre les installations nucléaires iraniennes.

Bien que l’administration Obama ait multiplié les visites diplomatiques en Israël récemment et renforcé ses sanctions financières envers l’Iran, elle s’est surtout illustrée par une attitude dissuasive envers son allié. « La population américaine est hostile à une nouvelle intervention au Moyen Orient, et Barack Obama le sait, » décrypte pour FRANCE 24 Majid Rafizadeh, chercheur et spécialiste du Moyen Orient basé à Washington. « Or, l’opinion des citoyens américains est primordiale pour le gouvernement sortant à quelques mois de la présidentielle de novembre. »

Le chef d’état-major interarmées américain, le général Martin Dempsey, a pour sa part remis en question le bien-fondé d’une telle attaque. Selon lui, des frappes israéliennes pourraient « retarder mais pas détruire les capacités nucléaires de l’Iran ».

Selon Robert Blecher, expert du conflit israélo-palestinien au sein d’International crisis group, la manière dont Israël va agir est difficile à déterminer. « À travers l’histoire, on peut noter que, généralement, lorsqu’Israël parle, il n’agit pas. On peut légitimement se demander si ce ne sera pas la même chose cette fois-ci, » analyse-t-il.

« Une offensive israélienne pourrait jouer en défaveur de l’État juif en inspirant de la sympathie pour l’Iran et servir les intérêts du régime de Mahmoud Ahmadinejad », ajoute Majid Rafizadeh. La république islamique dément en effet que son programme nucléaire civil ait des visées militaires. Peu impressionnée, elle a indiqué mardi 14 août ne pas croire à une attaque israélienne, « stupide ».

Délaisser Damas pour Téhéran

À l’heure où tous les regards sont tournés vers la Syrie, Israël entend, par cette attitude, attirer l’attention de la communauté internationale sur le sujet qui le préoccupe particulièrement, selon Robert Blecher. « Le nucléaire iranien est une menace existentielle pour Israël. Pour eux, tout le reste est secondaire. »

Du côté de la presse israélienne en tout cas, la guerre en Syrie a bel et bien été reléguée au second plan. Mais pour le correspondant de FRANCE 24 à Jérusalem, Gallagher Fenwick, l’impact des considérations des médias sur la population reste très limité, notamment en raison de la période de vacances. « Les gens ne se ruent pas dans les supermarchés pour acheter des masques à gaz et ne font pas de réserves dans les bunkers, » commente-t-il. « C’est un pays qui a l’habitude de la guerre. Ceci dit, nous ne sommes pas suffisamment près d’un conflit pour que les Israéliens soient réellement inquiets. « 

Source:FRANCE 24