La faillite.

S’engagera, s’engagera pas ? Telle est, en ce mois de juillet, la question que doivent se poser tout ce que l’Afandie compte comme cellules de crise. Il s’agit bien entendu de déterminer à quel moment et surtout sous quel prétexte « acceptable » l’armée rwandaise passera la frontière au grand jour pour aller réanimer le corps d’un M23 de plus en plus moribond puisqu’ostracisé. Il s’agit sans nul doute de ne pas perdre la face devant un monde qui semble (enfin) se réveiller face aupharisianisme des gouvernements Kagame. Les temps sont en train de changer pour le maître chanteur des Grands lacs africains et il lui est de plus en plus difficile de garder la main dans ce qui furent ses domaines favoris, à savoir l’exploitation éhontée du génocide et la martyrisation à outrance du voisin congolais. Y en aura-t-il cette fois-ci qui viendront au secours de l’enfant pleurnichard ? Qu’est-ce qui reste comme flèche dans le carquois jadis fourbi de monsieur Hitimana (transformation voulue de Hitman – Le cogneur, d’après l’incendiaire I will hit them de Kagame) ? Saura-t-il trouver d’autres larmes magiques pour ameuter ses « amis » ?
Il a en effet fait semblant de pleurer depuis qu’il a été mis là où il est, l’ex-stagiaire de Leavenworth. Et cela lui a plutôt bien réussi. A la mort de Rwigema par exemple. Pour qu’il soit exonéré de toute responsabilité, mais surtout pour qu’on lui laisse la voie libre à une prise en main totale du Front patriotique rwandais. Avec un art de la zizanie dont seul il détient le secret depuis ses quartiers généraux de Basiima House, le « Ponce » a su remarquablement phagocyter un parti initialement conçu pour rassembler. Il en a fait une machine à tuer en plus d’un escabeau lui permettant d’accéder et de se maintenir à un pouvoir devenu aujourd’hui tyrannique. Le pauvre Fpr n’existe plus et, à sa place se dresse cyniquement un fantôme multicéphale (comme le T shirt de B. Rucagu, tiens !) qui applaudit avant même que son chairman n’ouvre la bouche, qui crie lorsque le chef n’a fait que susurrer et qui anathématise lorsque ce dernier a froncé ses sourcils. Une corporation des béni oui-oui en quelque sorte, rien à voir avec une organisation qui a fait rêver des milliers de compatriotes et séduit bien de progressistes africains. Le Fpr c’est aujourd’hui un parrain qui gère des milliards pendant que son peuple tire la queue du diable. Non vraiment, cela ne se passe pas en Corée du nord, mais bel et bien au Rwanda. Pardon, au « Singapour » de l’Afrique.
Le Rwanda. Ce pays que Kagame croit posséder en exclusivité. Et qui, pour forcer le monde à l’admettre, a bâti quelques mythes qui sont en train de s’écrouler sous ses yeux, au grand désespoir de ses thuriféraires. Les tous derniers développements dans la région, s’ils n’emportent pas son régime, secoueront fortement et durablement celui-ci au point de pas résister à un prochain vent démocratique bien pensé. « Ils vont revenir parachever le génocide qu’ils ont commis ici », s’écriait-il mécaniquement il y a encore quelques jours, ravi d’être relayé par des officines de relation publique en mal de trésorerie. Cette phrase magique faisait peur et recette en même temps. Sans qu’on n’analyse vraiment la tromperie contenue dans cette affirmation afandesque, on laissait l’armée de Kagame (et ses phalanges RCD-CNDP-M23) envahir, piller et tuer des Congolais selon le sacro-saint droit de poursuite… A ce jour, cela a donné plus de 300 000 morts rwandais et 4 millions de Congolais. Un vrai « triomphe » pour le généralissime récipiendaire de moult parchemins de pacotille, ses fameux doctoratshonoris causa. Et il s’est cru tout permis. Il a alors emprisonné, empoisonné, méprisé, ridiculisé, insulté, assassiné, bref, tout le contraire du phenergan que, fièrement, il administre en guise de dignité (agaciro, dit-il).
Et puis vinrent les paroles présidentielles de Jakaya Kikwete. Quatrième (et dernier ?) séisme politique de l’ère Kagame après les instructions des juges Jean Louis Bruguière et Fernando Mierelles, le retour de l’opposante Victoire Ingabire et le Mapping report. A chacune de ces étapes, le roi était effectivement dénudé par la révélation de ses méthodes criminelles et antidémocratiques. Et si l’homme a pu s’en tirer relativement à bon compte, c’est moins grâce à son bilan économique somme toute techniqué tel un véritable window dressing, mais plutôt à la sensibilité bienveillante de certains bailleurs de fonds face aux pleurs déguisés des afande. En invitant au dialogue ces derniers, le président tanzanien a révélé que plus personne n’y croit désormais. On ne peut pas concevoir sa diplomatie sur une culpabilisation éternelle de ses partenaires ; c’est cela la terrible faillite de la pensée Kagame. Comment, par ailleurs, en arriver à culpabiliser un enfant pour un crime qu’il n’a pas commis alors que dans son propre gouvernement des personnalités au passé problématique paradent à longueur de meetings ? Comment faire passer toute une ethnie (hier encore inexistante dans la sémantique idéologique d’Afandie) pour des criminels juste bons pour le pénitencier ?
Dans tout ce qu’il a politiquement et militairement entrepris, le général Kagame a toujours singé divers dictateurs, plus particulièrement son mentor ougandais. Ayant épuisé le registre Museveni, il ne sait malheureusement plus quoi inventer (à part un troisième mandat synonyme de présidence à vie) et Dieu sait quelle mouche est en train de le piquer pour qu’il se croit le droit de nous singer un Yom Kippour façon afande. Le grand pardon. Celui des autres bien sûr, jamais le sien. Et si les Belges l’ont fait, pourquoi pas les Hutu ? La faillite, écrivais-je. De tout un système, à commencer par le juridique. Même les rescapés d’Ibuka (une fois n’est pas coutume) s’opposent publiquement à ce non sens. Un fou, disait Cristian Bobin dans « Une petite robe de fête », c’est un homme sain d’esprit qui n’a plus les moyens de sa folie, qui perd les eaux de sa folie, d’un seul coup. Il fait faillite.
Cecil Kami