Le chanteur populaire Kizito MIHIGO n’aura pas été libéré pour autant…

Les médias et les réseaux sociaux ont largement commenté le cas du chanteur Kizito Mihigo condamné à 10 ans de prison par Kigali pour des raisons jusque-là très controversées.

Selon beaucoup d’observateurs, Kizito Mihigo a été contraint à plaider coupable sans avocat, pour espérer une remise en liberté mais cela n’aura réellement aucun effet sur la sentence prononcée le 27 février 2015.

Pour rappel, ce chanteur populaire est accusé par la justice rwandaise de conspiration contre le gouvernement de Kigali. Or, ce musicien d’environ 35 ans, rescapé du génocide, n’aura jamais eu d’ambitions politiques comme peuvent le témoigner les personnes qui le connaissent ou ses nombreux chants liturgiques et humanistes.

Une chanson qui mettra le feu aux poudres

Pour beaucoup d’observateurs, le chanteur Kizito Mihigo, militant pour la paix et la réconciliation, paie certainement une chanson qu’il a composée à la veille du 20ème anniversaire du génocide.

Selon le journal l’Express par exemple, Kizito Mihigo évoque, dans cette chanson, les crimes que le FPR est accusé d’avoir commis avant son arrivée au pouvoir, pendant l’offensive contre les militaires de l’ancien régime, puis lors des traques des présumés génocidaires qui ont suivi. «Ce sujet est encore extrêmement tabou dans ce pays d’Afrique des Grands Lacs», note l’Express du 27 avril 2015.

Voici un extrait de cette chanson dont la diffusion a été aussitôt suspendue sur tout le territoire rwandais: « la mort n’est jamais bonne, que ce soit le génocide, la guerre, les vengeances, les accidents ou les maladies. Je suis un rescapé du génocide, mais ce n’est pas pour autant que j’ignore la souffrance des autres ».

Susan Thomson, professeur à l’université Colgate de New York et auteur de livres sur le Rwanda, écrit quant à elle, que cette réaction de la justice rwandaise est un signe que le gouvernement est en ce moment sur la défensive. C’est un signe de faiblesse qui pousse le gouvernement à faire taire, par tout moyen, toutes les voix dissonantes.

Quel destin pour ce jeune chanteur rwandais ?

Pour l’instant, seuls le gouvernement rwandais et sa justice détiennent indéniablement la clé de la prison centrale de Kigali qui garde le chanteur dans ses murs. Suite aux cris d’exhortation envoyés aux autorités rwandaises par les Rwandais, suite aussi aux appels lancés par les médias nationaux et internationaux ainsi que par les défenseurs de droits humains, on espère que ce chanteur, qui a fait appel du jugement, sera relaxé dans les prochaines semaines.

La libération du chanteur Kizito Mihigo éviterait au gouvernement rwandais d’être toujours la cible de critiques des organismes de droits humains. Plus encore, la remise en liberté permettra au chanteur de continuer, sans nul doute, sa participation au processus de réconciliation des Rwandais dont les plaies du génocide et d’autres massacres ne sont pas encore totalement refermées.

L’incarcération de Kizito Mihigo ne fait pas franchement honneur et renvoie, dans la foulée, à d’autres cas préjudiciables à la réputation de Kigali. On citera à titre d’exemple, la détention de Victoire Ingabire, celle de Déo Mushayidi ou encore tout récemment celle du Dr Christophe Mpozayo, tous les trois emprisonnés pour des raisons jugées nébuleuses ou pour le moins contestables en matière des droits à la liberté d’expression.

Faustin Kabanza