LE GOUVERNEMENT DU ROYAUME-UNI AVAIT RAISON EN ARRETANT LE GENERAL KARENZI KARAKE

DÉCLARATION DU CONGRES NATIONAL RWANDAIS (RNC/CNR)

Le Rwanda est un petit pays plein de grandes tragédies. Une de ces tragédies s’est jouée le 20 Juin 2015 à l’aéroport d’Heathrow. Le Général Karenzi Karake, qui dirige le Service notoire de Sécurité Nationale et des Renseignements du Rwanda, a été arrêté par la police métropolitaine de Londres sous un mandat d’arrêt européen, en rapport avec un acte d’accusation espagnol de 2008 pour la mort d’espagnols ainsi que d’autres citoyens européens.

Le second et le plus spectaculaire événement a été le discours du président Paul Kagame au Parlement Rwandais le 25 Juin 2015. Réagissant à l’arrestation du général Karenzi Karake, le Président Kagame pouvait difficilement cacher sa colère et le désespoir total devant une audience sombre, lorsqu’il a lancé un mélange de lamentations de victime, de dénonciations virulentes contre les Britanniques et l’Occident, de rhétorique panafricaniste ainsi que d’insultes et de menaces devenues familières contre les Rwandais et tous ceux qui s’expriment contre l’injustice au Rwanda. Il a de nouveau fustigé le documentaire de la BBC de 2014, Rwanda’s Untold Story, et la récente Audition du Congrès Américain sur les violations des droits de l’homme au Rwanda, comme preuve que l’Occident « s’acoquine avec des voyous et des criminels » dans un mouvement de conspiration pour changer les héros (lui-même et ses associés) en assassins.

À un certain moment dans son discours de cinquante minutes, le Président Kagame pose deux questions dont il connaît les réponses, lesquelles il ne pouvait cependant pas fournir pour des raisons évidentes: «Depuis quand sommes-nous devenus des assassins?» et «Ce fut d’abord la France, puis l’Espagne et maintenant le Royaume-Uni. Qui est le prochain? »

Le président Paul Kagame est un homme accablé par plusieurs sordides secrets. Il constitue la pièce centrale et détient des informations de première main sur les violations des droits de l’homme commises par certains éléments de l’armée qu’il a commandée depuis 1990, y compris ceux documentés par le Rapport Gersony Robert, l’attentat contre l’avion du président Habyarimana, l’assassinat des évêques rwandais, les massacres de Kibeho, ceux documentés par le Rapport Mapping de l’ONU en République Démocratique du Congo, d’innombrables assassinats et disparitions, et évidemment son propre rôle dans le déclenchement du génocide de 1994.

Depuis son arrivée au pouvoir, il a détourné et bloqué toute tentative de donner un récit plus adéquat de l’histoire tragique du Rwanda qui, autrement, prouverait que toutes les communautés rwandaises- Hutu, Tutsi et Twa- ont énormément souffert de la destruction mutuelle, dirigées par des cliques à la tête du pays. Les systèmes nationaux et internationaux de justice post-1994 dominés par le FPR ont enquêté et puni les crimes contre les Tutsi, tout en ignorant intentionnellement les crimes commis contre les Hutu. L’obsession quasi-pathologique contre Rwanda’s Untold Story de la BBC, la fermeture indéfinie du Service Kinyarwanda de la BBC, les attaques virulentes contre les Britanniques en raison de l’arrestation du général Karenzi Karake, ainsi que les insultes contre les Rwandais qui sollicitent la recherche d’un changement basé sur la véritable histoire, font partie des stratégies de fin de jeu du président Kagame. Il est en train de tirer des dernières flèches restantes dans son carquois.

Une partie de la frustration du président Kagame est due au fait que le Royaume-Uni et les États-Unis qui, en raison de leur sentiment de culpabilité et des considérations stratégiques, l’épargnaient dans le passé de son devoir de rendre des comptes, prennent finalement des mesures pour s’exprimer et agir dans l’intérêt de tous les Rwandais. Le 25 Juin, le Département d’État américain a publié son rapport annuel 2014 sur les droits de l’homme au Rwanda qui décrit exactement l’extrême crise de gouvernance et de respect des droits de l’homme au Rwanda:

« Les plus importants problèmes de droits de l’homme au pays étaient les disparitions, le harcèlement par le gouvernement, l’arrestation et les mauvais traitements des opposants politiques, des défenseurs des droits de l’homme et des individus perçus comme menace à l’emprise du gouvernement sur le contrôle de la population et l’ordre social; le mépris de la primauté du droit par les forces de l’ordre et le système judiciaire, ainsi que des restrictions sur les libertés civiles. À cause des restrictions sur l’enregistrement et le fonctionnement des partis d’opposition et de l’absence de transparence dans le dépouillement des bulletins de vote, les citoyens ne disposaient pas de capacité de changer leur gouvernement à travers des élections libres et équitables …. Les autres problèmes majeurs de droits de l’homme incluaient les exécutions arbitraires ou extrajudiciaires, la torture, des conditions inhumaines dans des prisons et centres de détention, les arrestations arbitraires, de longues périodes de détention préventive, et de la transgression du droit à la vie privée des citoyens par le gouvernement. Le gouvernement limitait la liberté d’expression, de presse, de regroupement et d’association.»

Antérieurement, réagissant aux tentatives maintenant avancées de tripotage de la Constitution du Rwanda par le FPR au pouvoir de manière à permettre au Président Kagame de gouverner sans limite de mandats après 2017, le Département d’Etat américain a eu à déclarer ce qui suit:

« Les États-Unis estiment que la démocratie progresse mieux à travers le développement de fortes institutions et non d’hommes forts. Pour cette raison, comme le Secrétaire d’Etat Kerry a dit, nous ne soutenons pas la modification des constitutions au profit des intérêts personnels ou politiques d’individus ou de partis. Modifier des constitutions et supprimer les limites de mandats pour favoriser les sortants est incompatible avec les principes démocratiques et réduit la confiance dans les institutions démocratiques. Les États-Unis se sont engagés à soutenir une transition démocratique pacifique en 2017 vers un nouveau leader élu par le peuple rwandais.»

La critique grossière du président Kagame à l’encontre du Royaume-Uni, des Etats-Unis et de l’Occident en citant l’esclavage, la colonisation, l’assassinat de millions de gens, et « l’entrainement au tir sur les africains comme cibles » était une tentative de changement de sujet dans le but de mobiliser les Rwandais et les Africains contre le Royaume-Uni et les États-Unis dans leurs nouveaux efforts et leur appel public à l’imputabilité, et réduire ainsi, par l’intimidation, ses anciens alliés au silence et à l’inaction. De fait, il a besoin de se maintenir au pouvoir pour se protéger contre l’imputabilité grâce à l’immunité présidentielle.

Quant à ses prétentions panafricanistes, les faits racontent une histoire différente. Depuis son arrivée au pouvoir en 1994, le Président Kagame et son régime ont été une source d’agressions et d’instabilité dans la région des Grands Lacs. Dans la République Démocratique du Congo, ses incessantes interventions ont laissé près de six millions de morts selon certaines estimations. Il a combattu les troupes Ougandaises, Zimbabwéennes, Angolaises ainsi que Namibiennes. Il s’est fait ennemi de la Tanzanie et de l’Afrique du Sud parce que ces pays africains lui conseillaient d’adopter des politiques d’inclusion par des moyens pacifiques et de négociation, et d’abandonner ses actes terroristes dans les pays étrangers. A présent, il est engagé dans une campagne meurtrière de déstabilisation contre le Burundi voisin.

Le Congrès National Rwandais (RNC/CNR) accueille et approuve complètement l’arrestation du général Karenzi Karake par les autorités Britanniques dans la recherche de la justice.

Le Congrès National Rwandais (RNC/CNR) approuve et soutient pleinement les efforts des Etats-Unis et du Royaume-Uni dans leurs démarches concrètes et publics pour encourager une meilleure gouvernance, l’imputabilité totale dans les cas de violation des droits de l’homme, et la justice pour tous les Rwandais.

Le Congrès National Rwandais (RNC/CNR) s’est entièrement consacré à la recherche d’un changement pacifique et démocratique pour prévenir et contrer les risques de génocide et de guerres civiles devenues cycliques au Rwanda. La liberté et la justice sont nos objectifs fondamentaux primordiaux et constituent la prémisse sur laquelle tout le reste doit être construit. Sans eux, rien ne vaut la peine. Avec eux, les Rwandais peuvent vivre et déployer leur digne plein potentiel, dans la prospérité et la paix.

Pour établir et consolider durablement l’État de droit, la démocratie, la prospérité et la paix, nous avons urgemment besoin , dans l’ère post-Kagame en 2017, et au-delà:

1) de la réforme du secteur de sécurité pour rendre les institutions de sécurité inclusives et imputables afin de défendre tous les citoyens;

2) de l’espace participatif inconditionnellement libre et ouvert pour les partis politiques, la société civile, la presse et l’activité intellectuelle;

3) de préparer pour et mener un processus de vérité et de réconciliation sans restriction qui mènera à la justice réparatrice pour tous les Rwandais, vers une véritable réconciliation et une pleine guérison de cycles de traumatismes répétés.

Merci pour un acte courageux, Police Métropolitaine de Londres!

Dr. Théogène Rudasingwa *
Coordinateur
Congrès National Rwandais (RNC/CNR)
Washington DC.
USA
E-mail: [email protected]
3 Juillet 2015

*Dr. Théogène Rudasingwa a occupé les postes de Secrétaire Général du FPR (1993-1996), d’ambassadeur du Rwanda aux États-Unis (1996-1999), ainsi que de chef de cabinet du Président Paul Kagame (2000-2004). Il a témoigné devant les juges français Marc Trévidic et Natalie Poux dans l’enquête sur l’attentat contre l’avion du Président Habyarimana en 1994, ainsi que devant le juge espagnol Fernando Andreu Merelles dans l’affaire où le général Karenzi Karake et d’autres sont accusés. Il est l’auteur de Healing A Nation and Urgent Call.