Le vaudeville d'Evode Uwizeyimana, qu'en retenir ?

Evode Uwizeyimana, pour qui ne connaissent pas, c’est l’autre qui a quitté le parti de Faustin Twagiramungu avec grand fracas. Oui, avec tambours et trompettes qui sur Internet, qui sur les ondes. C’est ce spécimen d’une génération qui nous a fait douter de la capacité du lion Rukokoma à (encore) rugir. Oui, Evode c’est cette voix qui, régulièrement sur les ondes deAuntie Beeb, entonnait un refrain aujourd’hui connu de tous et qui pourra lui être rappelé à tout bout de champ : « le Fpr est un repaire de bandits ». C’est cet Evode-là qui vient de s’évader. Non, que dis-je ? Il a déclaré qu’il n’était li(got)é que par les sous de son contrat avec la BBC, pas par une collaboration avec ceux sur qui il crache vaniteusement aujourd’hui, les opposants au régime de Kigali. Comme saint Pierre, il renie sans gêne l’évangile qu’il a publiquement prêchée, allant jusqu’à traiter certains de ses ex-compagnons de dictateurs

Lorsque ce qualificatif a été appliqué à Rukokoma, le bruit courait que ce dernier avait brimé la parole (et les idées « novatrices ») des jeunes loups de son parti Rdi. De là, à choisir un flirt avec le pire des dictateurs, il y a un grand fossé que n’a pas hésité à franchir le virevoltant Evode. Un fossé fait de fourberie et de retournement de veste, de cécité et de mauvaise foi. Reste que, depuis qu’il a quitté le navire Rdi, les soit-disant idées brimées ont été aux « abonnés absents » et il y a fort à parier que dans la corbeille de la mariée qui accompagne le quidam à Kigali, il y a du… vent. A une autre époque, Evode aurait fait penser à une taupe de la DMI. Non, n’exagérons rien ; il n’en a pas tout simplement pas la carrure (d’habitude c’est un rôle dévolu aux soldats). Certes, le Fpr a ses mille et un défauts, mais on ne va pas systématiquement lui attribuer l’inconsistance et la cupidité de tous les opportunistes de la trempe de ce juriste qui vient de « défroquer ». Non, trop facile. Le timing de sa sortie trahit une partie de son agenda (caché) : donner la réplique à son ex-président de parti qui, lui, est en pleine exercice de redorer son blason.

Le présent vaudeville révèle toutefois et ce, pour une énième fois, que le régime afande ne se suffit plus. Que sa voix ne porte plus aussi loin qu’il y a dix ans, d’où la désespérante résolution de transformer la maisonnée de Kagame en un vaste marché dont l’accès n’est commandé que par un seul impératif : disposer d’une monnaie d ‘échange. Pour les uns, il s’agira d’un lourd passé, fait le plus souvent d’un dossier réel ou techniqué, pour beaucoup d’autres, il s’agira d’une avarice politique, d’un ventriotisme exécrable, mais savamment présenté comme un patriotisme de bon aloi (kujya gufatanya n’abandi kubaka igihugu). Mon œil ! Evode, il n’y a pas de doute, relève de cette deuxième classe. Malheureusement, tout indique que, dans les jours à venir, il risque d’être suivi par bien d’autres personnages qui lancent déjà des ballons d’essai à l’intention du public. Si les uns succombent assez facilement aux sirènes du Fpr, les autres eux, font monter les enchères avant de rendre les armes.

Petit rafraîchissement : c’est qui encore qui disait fièrement et avec défiance « Twiyubakiye igihugu none barashaka kuza ngo kugitegeka » ? Qu’ils ne viennent donc pas demain pour ergoter sur la Toile que le Rwanda est notre pays à tous (où en est-on déjà avec le visa de… Rukokoma ?) alors qu’il n’est ouvert qu’à une catégorie de Rwandais. Que retenir donc de cette partition de maître Evode ? Primo, que l’exil démange (ubuhunzi buraryana) ; deuxio, que tout ce qui crie n’est pas opposant et, tertio, que, plus que jamais, les « vrais » opposants devraient serrer leurs rangs et colmater ces brèches (devenues des boulevards) dans lesquelles s’engouffrent les dollars que Kagame alloue à la débauche de « faux » opposants. Rentrer au bercail est un droit non négociable ; qu’on en altère donc pas le sens en ne le reconnaissant qu’à ceux qui savent trouver des longues fourchettes pour s’asseoir à la table du diable.

Dernière question : qu’y a-t-il à gagner ou à obtenir aujourd’hui d’un Fpr qui périclite ? Tous ceux qui l’ont porté sur les fonts baptismaux ont été diaboliquement déshonorés, ceux qui l’ont rejoint à la vingt-cinquième heure sont marginalisés ou sur le point de l’être. Qu’adviendra-t-il donc de cette cohorte des ouvriers de la vingt-sixième heure qui, comme Evode, croient qu’ils peuvent moissonner là où ils n’ont pas semé ?

Cecil Kami