Les Kivus : retour à la case départ

Kinshasa/Bruxelles | 4 oct. 2012

La région des Kivus dans l’Est congolais connait une nouvelle recrudescence de la violence, notamment du fait d’une force rebelle soutenue par le Rwanda voisin. Afin de mettre fin au cycle de rébellions et d’éviter des massacres à grande échelle, les bailleurs occidentaux et les médiateurs africains doivent passer de la gestion de crise à la résolution de conflit en exerçant les pressions nécessaires sur Kigali et Kinshasa.

L’Est du Congo : pourquoi la stabilisation a échoué, le dernier briefing de l’International Crisis Group, analyse le conflit né de la mutinerie de Bosco Ntaganda en avril 2012 et de la création du Mouvement du 23 mars (M23). Malgré une apparence de nouveauté, les problèmes d’aujourd’hui sont en fait les problèmes d’hier car les accords de paix antérieurs n’ont jamais été véritablement mis en œuvre. Pour résoudre ce conflit vieux de deux décennies, les donateurs doivent tirer les enseignements de leurs erreurs passées.

« Les Kivus n’ont pas besoin d’une nouvelle approche stratégique. Ils ont besoin que les accords de paix et les programmes de stabilisation cessent d’être des promesses sans lendemain », explique Marc-André Lagrange, analyste principal de Crisis Group pour le projet Afrique centrale. « Mais cela nécessite de la part des donateurs une pression explicite et coordonnée sur les régimes rwandais et congolais ».

Suite à l’accord du 23 mars 2009 entre le gouvernement et le CNDP (Congrès national pour la défense du peuple), lequel était soutenu par le Rwanda, les autorités congolaises ont prétendu intégrer le CNDP dans les institutions politiques pendant que le groupe rebelle prétendait intégrer l’armée congolaise. Mais l’artifice n’a pas duré longtemps. En l’absence d’une véritable réforme de l’armée congolaise, la pression militaire sur les groupes armés n’a eu qu’un effet temporaire. Qui plus est, la reconstruction post-conflit n’a pas été accompagnée des essentielles réformes de gouvernance et d’un réel dialogue politique. La reprise de la violence n’était qu’une question de temps.

A l’instar des précédentes rébellions, le M23 a créé sa propre administration territoriale et son système de financement dans une partie du Nord Kivu. Profitant du vide sécuritaire, les groupes Maï-Maï prolifèrent dans les zones rurales et commettent des exactions qui exacerbent les tensions interethniques.

A court terme, il est urgent d’établir un cessez-le-feu entre l’armée congolaise et le M23, sous la supervision de l’ONU. Par ailleurs, les accords de 2009 doivent être évalués conjointement dans le cadre du comité de suivi international prévu à cet effet. Cette évaluation devrait servir de base pour la reprise du dialogue entre le gouvernement et le CNDP.

L’aide internationale au Rwanda devrait être suspendue tant que son ingérence dans les affaires congolaises n’aura pas cessé. Les donateurs doivent aussi dire clairement au gouvernement congolais que tout financement pour la stabilisation et le soutien institutionnel dépendra de l’ouverture d’un réel dialogue politique et de l’amélioration de la gouvernance de l’administration et de l’armée.

« Il est urgent de poursuivre les criminels de guerre, de mettre en œuvre les réformes de gouvernance, d’ouvrir un espace politique pour les acteurs légitimes et de mettre fin aux ingérences étrangères dans les affaires congolaises », affirme Thierry Vircoulon, directeur du projet Afrique centrale de Crisis Group. « Cela requiert une réelle volonté politique de la part de ceux qui paient les factures des régimes congolais et rwandais ».