Les organisations politiques de l’opposition démocratique rwandaise réagissent aux propos de M. Martin Kobler.

COMMUNIQUE DE PRESSE

Les organisations politiques de l’opposition démocratique rwandaise réagissent aux propos de M. Martin Kobler. L’analyse de Monsieur Martin Kobler sur la situation au Rwanda est grossièrement erronée. 

Dans une interview diffusée le 17/08/2014 sur la chaine RFI, Monsieur Martin Kobler, chef politique de la Monusco appelle les réfugiés rwandais en RDC à rentrer « vivre paisiblement au Rwanda ». Il est revenu sur la question des FDLR, insistant sur le fait que l’option militaire serait toujours sur la table.

Les organisations politiques de l’opposition rwandaise : FDU-Inkingi, Rwanda National Congress (RNC), Parti Social Imberakuri, PDR Ihumure, PDP Imanzi et  Amahoro People Congres signataires du présent communiqué s’étonnent qu’un haut responsable de l’ONU disposant de tout un réseau de renseignements fasse de telles déclarations comme si les réfugiés rwandais restaient en exil de leur plein gré.

Les réfugiés rwandais en RDC dont parle Monsieur Martin  Kobler sont des rescapés des massacres perpétrés par l’armée rwandaise depuis les années 1996-1997, jusqu’à ce jour. Ces massacres sont documentés de façon très minutieuse dans le fameux Mapping Report approuvé dans son intégralité par l’ONU [1].  Ce rapport fait état de « violations les plus graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire, pouvant être qualifiées de génocide par un tribunal compétent ».

Les  recommandations de ce rapport n’ont jamais été mis en application et l’armée qui a perpétré ces massacres est toujours la même au Rwanda. Monsieur Martin Kobler comprendra que les réfugiés ne sont pas dupes pour se jeter dans les bras de cette armée.

Monsieur Kobler semble aussi ignorer les nombreux autres rapports encore plus récents sur la situation des violations des droits de l’homme au Rwanda qui ne peuvent que freiner tout rapatriement volontaire. Nous citerons à titre d’exemple :

  1. Le rapport du département d’Etat américain sur les arrestations arbitraires et disparitions sous le couvert de la lutte contre les infiltrations des rebelles des FDLR,
  2. La déclaration du gouvernement britannique sur le même sujet,
  3. Le rapport de l’organisation Human Rights Watch sur la répression transfrontalière du 28.01.2014.[2]

La situation des droits civiques et politiques, dont le résultat est la décapitation de l’opposition démocratique (tous les chefs des partis sans exception sont sous le coup d’inculpation et/ou ont été condamnés à de lourdes peines de prison pour avoir exercé leurs droits à la liberté d’expression). La presse indépendante et les organisations des droits humains ne sont pas épargnées. Ceci transparaît encore une fois et de la manière la plus nette, dans le dernier rapport du Rapporteur Spécial de l’ONU sur la liberté de rassemblement et d’association, Rapport Maina Kiai  du 10 juin 2014.[3]

Dans une résolution datée du 22 juillet 2014  l’Union Européenne elle-même reconnaît la précarité  de la situation au Rwanda.  Les services de Monsieur Kobler ont sûrement eu accès à tous ces rapports.[4]

Les organisations politiques signataires tiennent à rappeler également à Monsieur Martin Kobler que les services de sécurité du régime de Kigali vont jusqu’à aller assassiner les réfugiés dans leurs pays d’asile. L’ancien Ministre de l’intérieur du gouvernement  FPR Seth Sendashonga, et son chauffeur ont été assassinés à Nairobi en plein jour.  L’assassinat du colonel Patrick Karegeya, ainsi que les multiples tentatives d’assassinat contre le général Kayumba Nyamwasa, les meurtres de réfugiés en Ouganda, au Mozambique et en République Centrafricaine ne sont que quelques exemples. Le régime ne s’est pas gêné de se féliciter pour ces meurtres. Human Right Watch a compilé la majorité de ces faits et plusieurs autres dans un rapport intitulé « Une répression transfrontalière : attentats et menaces contre les opposants et détracteurs du gouvernement rwandais se trouvant à l’étranger ».[5]

Il importe d’ajouter à cela les nombreuses déclarations de guerre du président Paul Kagame contre l’opposition, qui font froid au dos. Nous citerons celle du 5 juin 2014 à Nyabihu dans laquelle le président a publiquement  menacé de tirer à vue, en plein jour, sur  tout ce qui, à ses yeux, menace la sécurité du régime. Il réagissait aux inquiétudes exprimées par le gouvernement américain sur les disparitions de personnes arrêtées par les services de renseignement.

Le représentant de l’ONU parle de 11.000 réfugiés rentrés au pays. Mais il ignore leur sort une fois au pays, tout comme le nombre de citoyens rwandais qui ont fait le chemin inverse depuis. Dans une déclaration du 2 juin 2014, le ministre de l’intérieur, James Musoni, reconnaissait que 16.000 personnes de la région de Ngororero étaient sans nouvelles. De même, lors des rapatriements forcés de 1996-1997, certains réfugiés rentrés au Rwanda ne sont pas restés plus d’un mois avant de regagner l’exil. Un mois avait suffi pour se rendre compte de l’évidence : la situation était invivable. De plus, dans son rapport du 30 juillet 2014, le Service correctionnel du Rwanda fait état de 30.000 condamnés au TIG qui manquent à l’appel. Où ces gens sont – ils disparus ?[6]

Il pense aussi être sur la même longueur d’ondes que tout le monde sur l’option militaire et cite nommément la SADC. Il oublie de mentionner que l’initiative de la SADC parle aussi de dialogue politique qui à notre sens est la seule voie susceptible de déboucher sur la paix au Rwanda et dans la région.

Les organisations politiques signataires rappellent que depuis 17 ans, l’option militaire a toujours été sur la table. Les nombreuses incursions de l’armée rwandaise, les opérations militaires Kimia I & II, ainsi que l’opération Umoja Wetu sont des exemples. Mis à part le fait que ces opérations ont engendré des millions de victimes innocentes congolaises et rwandaises, si non, elles ont été un échec total sur le plan politique. C’est ce qui pousse la SADC et les organisations politiques  démocratiques rwandaises à demander de leurs vœux, un dialogue politique.

Aucune opération militaire, quelle que soit son envergure, ne résoudra la question des réfugiés rwandais, tant que les raisons politiques et sécuritaires qui le sous-tendent, et qui sont au Rwanda ne seront pas résolues.

Nul ne connaît mieux la situation au Rwanda que les réfugiés rwandais eux-mêmes. S’ils ont choisi de rester dans des forêts de la RDC pendant autant d’années, c’est qu’ils ont des raisons légitimes de craindre pour leur sécurité au Rwanda.

Ne pas reconnaître cette réalité et appeler les réfugiés rwandais à rentrer « vivre paisiblement au Rwanda » non seulement relève de la politique de l’autruche, mais aussi et surtout d’un manque de compassion pour des êtres humains tant meurtris et abandonnés à leur triste sort depuis deux décennies.

Les organisations politiques signataires exhortent ardemment le responsable de la Monusco à ne pas retomber dans les travers des précédentes initiatives qui ont échoué et à aborder courageusement le problème dans sa globalité. En clair, la solution se trouve d’abord au Rwanda. Le régime doit mettre en place des conditions sécuritaires et politiques propices au retour pacifique des réfugiés et à l’arrêt de nouveaux exodes vers l’extérieur.

 

Les organisations politiques signataires

Pour le  PDP–Imanzi

Munyampeta Jean-Damascène

Secretary General

Brussels, Belgium

[email protected]

 

Pour le PDR –Ihumure

Rusesabagina Paul

President

San Antonio-TX, USA

[email protected]

 

Pour le PS–Imberakuri

Ryumugabe Jean Baptiste

Coordinator

Brussels, Belgium

[email protected]

 

Pour le RNC–Ihuriro

Dr Rudasingwa Théogène

Coordinator

[email protected]

 

Pour les FDU-Inkingi

Dr Nkiko Nsengimana

Coordinateur

[email protected]

 

Pour Amahoro People’s Congress

Etienne Masozera

President

[email protected]

 


[2] Rapporteur spécial sur le droit de réunion pacifique et d’association

http://www.ohchr.org/FR/Issues/AssociationReunionPacifique/Pages/SRFreedomAssemblyAssociationIndex.aspx

[3] Rwanda : la Grande-Bretagne inquiète après la vague d’arrestations : http://www.rfi.fr/afrique/20140610-rwanda-grande-bretagne-inquiete-apres-vague-arrestations/

[4] The EU notes its ongoing concern at constraints faced by opposition  parties, including the shrinking of political space and by reports of disappearances and actions against human rights defenders  and civil society