Lettre ouverte à Son Excellence Madame Jeannette Kagame.

En ma qualité de coordinateur du CLIIR, je me permets de vous adresser ce cri d’alarme pour vous demander de sauver notre maison, le Rwanda, car elle est en train de brûler. Et ce depuis les 26 ans de pouvoir du régime totalitaire  mis en place par un petit noyau de chefs militaires regroupé autour de votre mari, Son Excellence le président Paul KAGAME. Je m’adresse à Vous parce que vous êtes une mère au même titre que Madame Victoire INGABIRE Umuhoza qui est rentrée au Rwanda le 16 janvier 2010. Cette femme, dont les qualités humaines et la compassion équivalent celle de Madame INYUMBA Aloysie, a été accueillie par la violence de votre mari et a passé Huit en prison. Cette brutalité du régime ne l’a pas ébranlée. Au contraire, pendant son séjour dans les « quatre murs » des prisons 1930 et Mageragere, elle a même réussi à redonner l’espoir au peuple rwandais opprimé et terrassé par la terreur d’Etat et l’injustice entretenues par votre mari.

Si j’ai choisi de vous écrire aujourd’hui ce 05 juillet, c’est qu’il s’agit d’une date « maudite » à laquelle deux généraux ont pris le pouvoir par la force avant de le perdre pour le Général Habyarimana dont le régime dictatorial a perdu la guerre les 04 et 05 juillet 1994. Pour appuyer ma présente lettre, je vous transmets quelques extraits de deux livres écrits par des « êtres de lumière » issus de deux confessions religieuses différentes, mais dont le dénominateur commun est l’Amour de l’autre qui favorise le dialogue et la compassion envers tous les êtres humains. Il s’agit des livres suivants :

La Colère : Transformer son énergie en sagesse » écrit par le Vénérable Thich Nhat Hanh, un maître bouddhiste.

« Ma religion, c’est l’amour » écrit par le prêtre catholique Guy Gilbert qui s’occupe des jeunes en difficulté en France.

Cette lettre m’a été surtout inspirée par le discours de votre mari prononcé le 10 décembre 2012 et dans lequel il a fait l’éloge de feu Honorable Aloysie INYUMBA née le 28 décembre 1964 et décédée le 06 décembre 2012. Cette courageuse fondatrice et Trésorière de l’UMURYANGO du FPR-Inkotanyi a été terrassée et emportée par un cancer de la gorge à l’âge de 48 ans. En cette Journée mondiale des droits de l’homme du 10 décembre 2012, Madame INYUMBA a eu droit au plus grand éloge présidentiel au cours duquel votre mari a reconnu les nombreuses qualités humaines qui ont caractérisé cette

« UMUKADA » (cadre politique) connue pour sa générosité, sa compassion, son esprit de sacrifice et ses talents de médiatrice hors du commun. Selon ceux qui l’ont connue, Mme INYUMBA a toujours réussi à privilégier la tolérance et à rétablir le dialogue dans des situations les plus désespérées.

Je reviendrai sur ce discours très élogieux du président Kagame dans mes prochaines lettres que je vous adresserai en ma qualité de chrétien ordinaire.

Je vous propose d’écouter également sur Youtube l’interview très intéressante  de Monsieur Gilbert MWENEDATA à la chaîne Radio TV Ku Mugaragaro. Dans son discours destiné surtout aux jeunes générations dont il fait partie, Mwenedata parle de son parcours politique exemplaire. Ce rescapé tutsi et chef du parti politique dénommé IPAD-Rwanda (Initiative du Peuple pour l’Alliance Démocratique). A la suite du rejet de sa candidature aux élections présidentielles de 2017 et suite aux multiples menaces, il a été contraint de fuir son pays. Parmi les conseils qu’il a donnés, M. Mwenedata a recommandé aux gens incapables de construire une société juste et paisible de NE PAS faire des enfants.

Puisque votre couple présidentiel a des enfants, ce discours pourrait vous faire réfléchir sur l’avenir de vos propres enfants. Vous souhaitez, comme tous les parents, vivre assez longtemps pour voir vos petits-enfants et probablement vos arrières petits-enfants. Et c’est ce bonheur que je vous souhaite sans hypocrisie.

Selon l’écrivain et philosophe français, Albert Camus, « Les gouvernements, par définition, n’ont pas de conscience ». Les institutions onusiennes, européennes ou autres éprouvent probablement le même problème de conscience. C’est pourquoi, je m’adresse à Vous en votre qualité d’épouse du Président Kagame. Vous êtes une personne en chair et en os et vous êtes doté de conscience qui vous permet d’assumer vos responsabilités. Je ne doute pas de votre capacité d’être le cœur de votre foyer (umutima w’urugo rwanyu). Je compte sur votre bonté humaine et votre conscience pour éteindre le feu de la colère de votre époux qui veut continuer à faire éliminer physiquement ses opposants en toute impunité. Après l’assassinat de « Mutagatifu » Kizito MIHIGO, le peuple rwandais n’a plus besoin d’autres martyrs en la personne  des opposants politiques et pacifiques tels que Mlle Diane RWIGARA, Mme Victoire INGABIRE, M. Bernard NTAGANDA, M. Déogratias MUSHAYIDI, Dr Théoneste NIYITEGEKA et tous les autres opposants qui croupissent arbitrairement dans les prisons mouroirs du Rwanda. Je vous demande d’éteindre le feu de sa colère pour sauvegarder notre pays avant qu’il soit trop tard. Nous ne voulons plus de guerre civile dans notre pays. Le peuple a assez souffert depuis le déclenchement de la guerre en octobre 1990.

« Vivre, ce n’est pas se résigner » selon Albert Camus. La résignation du peuple rwandais dure depuis 26 ans. Je vous informe que ce peuple est au bord de la révolte parce que tous ses droits et ses libertés sont bafoués. Vous pouvez vous rappeler les qualités humaines de Mme INYUMBA Aloysie énumérées par votre époux le 10/12/2012 devant les autres sénateurs venus pour son inhumation. Pourquoi votre époux ne pourrait-il pas marcher sur les pas de cette femme tant appréciée ?

Vous avez le devoir de sauvegarder notre maison : le Rwanda. « Si l’incendie ravage votre maison, la chose la plus urgente à faire est de tenter de l’éteindre, et non de courir après celui que vous croyez être responsable. Si vous le pourchassez, les flammes réduiront votre maison en cendres. Il ne serait pas sage d’agir ainsi. Vous devez absolument tout faire pour l’éteindre. De même, lorsque vous êtes en colère, en continuant à vous disputer avec l’autre personne, en cherchant à la punir, vous agissez exactement comme celui qui court après l’incendiaire pendant que sa maison est dévorée par les flammes », nous conseille le vénérable Thich Nhat Hanh. Vous avez intérêt  à éteindre le  feu de colère de votre mari et à lui conseiller de dialoguer avec ses opposants plutôt que de terroriser le peuple. Je vous transmets en annexe les extraits des deux livres ci-haut cités pour renforcer le message contenu dans ma présente lettre. Je vous supplie d’atténuer les souffrances qui maintiennent votre mari dans la violence extrême. La méthode de l’Abbé Guy Gilbert peut vous inspirer.

Je vous prie d’agréer l’assurance de ma considération très distinguée.
Fait à Bruxelles, le 05 juillet 2020

Pour le CLIIR, MATATA Joseph, Coordinateur