L’umwiherero n°13: Lorsque Paul Kagame reste égal à lui-même

L’umwiherero n°12 ou lorsque Paul Kagame se fait taper sur les doigts par un certain Paul Kagame ». J’avais montré que le Président Kagame faisait subir à ses administrés  ce que Gregory Bateson a appelé la double contrainte.J’avais illustré mes propos par l’histoire du Diable qui met à l’épreuve Dieu.

J’écrivais alors que les hommes du Président  ont toujours techniqué  pour placer tous les hauts fonctionnaires et commis de l’Etat dans une situation d’éternels incapables. Quoi que ces derniers fassent, ils ne pourront jamais contenter Son Excellence. Cette réalité reste toujours d’actualité.

Dans l’umwiherero n°13, le  discours du président aura été, d’un côté, l’autocongratulation: il est le seul à bien travailler et de l’autre l’anathème et l’humiliation vis-à-vis des autres. Toujours égal à lui-même, maître Kagame devant ses écoliers. Sacré Kagame! Pauvres gens que je plains!

L’autocongratulation

Paul Kagame vient de confirmer que la raison du plus fort est toujours la meilleure. Eh oui, dans ce Rwanda, l’eau étant devenue une denrée de plus en plus rare, seul le plus gros taureau ( lui-même) sera privilégié au détriment de l’ensemble du troupeau (proverbe rwandais).

Dans son discours d’ouverture, notre cher Président a commencé par remercier et souhaiter la bienvenue aux nouveaux participants nouvellement élus. Il n’a pas oublié de leur dire ce qu’il espérait en eux: apporter une nouvelle dynamique dans la façon de travailler. Comprenez, les autres ne travaillent plus. Il venait de lancer le décor.

Nous ne sommes pas ici pour animer la galerie eu égard les coûts que cela occasionne, l’umwiherero ne doit pas être une cérémonie rituelle annuelle, l’umwiherero devrait être un lieu, un espace pour évaluer notre façon de travailler et pourtant, je constate que c’est toujours du pareil au même, avait déclaré Paul Kagame dans une litanie à n’en plus finir. Il n’a pas été avare dans ses litanies de moi et de je. Pour lui, le nous n’existe pas. C’est lui et lui seul.

Tenez, il  a fait comprendre que dans les préparatifs de ce grand messe national, il n’y était pour rien. Vous y croyez, vous? Moi, pas du tout. Ensuite, il avoue avoir constaté une médiocrité collective (lui exclu bien entendu). Qu’a-t-il fait?

L’anathème et l’humiliation

Le Gouverneur Aimé Bosenibamwe, le bien nommé, a été le premier à subir les ires de Magister. Quelle frustration, quelle humiliation pour n’avoir pas trouvé la réponse que Dieu le père voulait! Et vous savez quoi? La connexion internet dans toutes les habitations du Rwanda.

Voilà un peuple qui souffre, qui meure de faim, qui quitte le pays pour se réfugier en masse en Ouganda non pas  pour fuir la guerre mais plutôt la famine qui sévit au Rwanda et le Président de lui demander l’Internet dans les habitations? Pourquoi? Et surtout pour quoi en faire?

Saviez-vous que cette famine qui sévit au Rwanda n’est pas due aux aléas climatiques mais plutôt à une mauvaise politique agricole conçue et pensée sciemment pour affamer les populations rurales? C’est un crime contre l’humanité. Un génocide en cours. Un jour, les autorités actuelles répondront de ces actes criminels.

Revenons à la réponse du gouverneur Bosenibamwe. Il a répondu, le plus fidèlement et le plus innocemment possible, qu’une maison a besoin des briques cuites. Ce qui est tout à fait normal pour une construction en matériaux durables. Pour moi, cette réponse est appropriée.

En effet, en donnant cette réponse, le Gouverneur pensait en ce moment là, à  sa population à qui on demande d’arracher bananeraies , sorgho et consort pour planter les fleurs à la place.  La population de sa région mais aussi de tout le pays souffre.

Il est donc normal qu’on ne peut pas penser Internet dans sa maison alors qu’on a rien à manger. Sinon Abraham Maslow se retournerait dans sa tombe car sa pyramide des besoins n’aura servi à rien.

Tout au long du monologue ennuyant du Président, j’ai observé un homme: le premier ministre Anastase Murekezi. Un homme au visage défait, perché derrière le président. Un homme qui fait semblant de prendre des notes, qui passe son temps à se tourner le pouces et à se morfondre les lèvres, un homme qui tourne et retourne son stylographe dans ses mains.  Normal car dans ce monologue accusateur, il n y avait pas matières à prendre des notes. Il m’a fait pitié le premier ministre.

Au fond de moi je me disais que si le Président  lui  donnait l’occasion de parler, il allait emboiter le pas dans celui de son prédécesseur: « Monsieur le Président, nous avons tous failli, il n’ya que vous qui avez bien travaillé »

Paul Kagame le sait, tous ces gens qui sont conviés à l’umwiherero, enfermés dans le camps militaire de Gabiro, ont peur. C’est pour cette raison que lorsque Paul kagame projette son regard envers eux, ils baissent tous leurs têtes.

Mussa Fazil ne s’était pas trompé lorsqu’il avoua que lorsque le président s’approchait de lui, il baissait la tête, et plus encore, qu’il aurait aimé que la terre s’ouvre sous ses pieds pour qu’il disparaisse. Ou lorsque un autre disait qu’à peine sortis de la salle de l’umwihero, tout le monde a hâte de retrouver le bus de retour et ses occupations habituelles.

Quant aux   recommandations de l’umwiherero, il avoue que la plupart des convives sinon tous, les laissent dans la salle même. C’était à l’issue l’umwiherero n°12. C’est tout dire. Cette situation n’a pas changé.

Mais Paul Kagame adore cela. Il éprouve énormément de plaisir en regardant les gens trembler devant lui. Mais ça, c’est néfaste pour le pays mais aussi pour lui-même car un jour ou l’autre il l’apprendra à ses dépens.

Les enfants de rue de Kigali sont des déchets ménagers

Lorsque Paul Kagame a parlé des enfants de rue dans Kigali, je me suis dit ça y est enfin, une bonne nouvelle pour ces pauvres enfants. Nous faisons tout ce qui est possible pour que ces enfants puissent aller à l’école a-t-il dit. Je voie les enfants qui portent d’autres enfants sur leurs dos. Alors, qu’avez-vous fait monsieur le président? Rien. Plus loin, il avoue à demi-mots que ces sont les journalistes qui l’ont poussé à réagir. Radio Itahuka, avec les analyses d’Aloys Simpunga et de Joseph Ngarambe? Je n’en sais rien mais il y a des fortes raisons de le penser.

Réagir et agir dans le bon sens c’est une autre histoire pour notre Afandi national. Eh oui,  chasser le naturel, il revient toujours au galop, dit-on. Le président va hélas comparer ces enfants aux déchets ménagers dont on doit se débarrasser. Débarrassez la ville de ces déchets. Il se demande même comment ces déchets ont-ils refait surface. Umwanda ugaruka ute?,a-t-il dit. Comprenez donc que ces enfants doivent être éloignés de la ville. Ce qui veut dire que  l’avenir de ces enfants ne l’intéresse guère..

Une femme ministre qui avait la gestion des enfants de rue dans ses attributions vient de perdre son portefeuille ministérielle pour avoir permis ces déchets de refaire surface dans la ville de Kigali.

La pauvre, elle venait de perdre son frère, c’est pendant les funérailles que quelqu’un lui a soufflé à l’oreille qu’elle n’était plus ministre. Dans son sadomasochisme, Paul Kagame sait toujours remuer le couteau dans la plaie.

Pour Paul Kagame, ce qui compte c’est de toujours montrer un Rwanda dont le développement économique talonne celui des monarchies pétrodollars du Golfe. Le super Président vit dans des rêves et ce sont ces rêves des chimères qui ne tiennent pas compte des réalités du pays qui, un jour, le perdront.

Supprimer les missions des fonctionnaires pour faire des économies. Vraiment?

Dans son monologue, Paul Kagame va dénoncer les missions des fonctionnaires et commis de l’Etat à l’étranger. Il n’a pas hésité à malmener le ministre Businge pour ses déplacements répétitifs à Arusha alors qu’à mon avis ces déplacements sont justifiés. Pour notre Président c’est du gaspillage inutile. Le ministre Businge risque de le payer cher plutôt payer le pot cassé.

Mais, que dire des voyages ininterrompus du Président et toute sa famille  300 jours sur 365? Est-il toujours en mission pour l’avenir du pays? Je ne le crois pas.

Plus encore, Paul Kagame n’a pas hésité à choquer et humilier ses administrés lorsqu’il a dit que même si les fonctionnaires sont invités pour participer aux colloques internationaux quand bien même les frais du voyage et du séjour seront payés par l’organisation qui invite, pour lui, il n’en est pas question. c’est du gâchis pour le pays.

Il feint d’oublier qu’il n y a pas si longtemps, il était à l’université de Harvard.  Saviez-vous, que non seulement il paye son voyage et son séjour mais aussi ses invitations? Saviez-vous que tous les diplômes Honoris causa et les prix qui lui sont décernés sont achetés par ses hommes par avance?  Eh oui, il fallait le savoir. Le gâchis, il faut le chercher par là. La misère la plus noire qui sévit au Rwanda a une explication.

Pour régler les problèmes du gaspillage du denier public, Paul Kagame nous apprend qu’Il veut ( va) s’inspirer du nouveau Président Tanzanien Jonh Magufuli. Il  prend ces gens pour les derniers des imbéciles.

Hier devant les mêmes personnes qui applaudissaient,  il disait  qu’il allait tuer Jikaya Kikwete, son prédécesseur et maintenant John Magufuli, le successeur, devient son model comme par enchantement? Et les mêmes personnes ont encore applaudi. De qui se moque-t-on?

Pourquoi s’en prend-t-il  à la Communauté Est Africaine?

Le Rwanda de Paul Kagame a milité pour le rayonnement de la communauté des Pays de l’Afrique de l’Est au détriment de la Communauté des Pays des Grands Lacs  qui avait pourtant fait pas mal des réalisations dans le trois pays ( Rwanda-Zaïre-Burundi).

Paul Kagame et Yoweri Kaguta Museveni avaient les ambitions d’en faire un Etat fédéral avec une monnaie unique. Et du jour au lendemain, le Rwanda ne veut plus entendre parler de cette fameuse communauté? Non, il y a d’autres raisons. Mais, lesquelles?

Premièrement, Paul Kagame, Museveni et Kenyatta avaient voulu exclure la Tanzanie et le Burundi. Plus tard, les parlementaires kenyans ayant compris et découvert les manigances de Museveni et de Kagame, ils ont pris l’initiative d’aller demander pardon à la Tanzanie et de mettre leur Président en garde. Kenyatta a fait volte face. Le Président Museveni bien qu’il soit un vrai félon, c’est aussi un vrai félin. Il a fait volte face en douceur également. Paul Kagame s’est retrouvé isolé.

Deuxièmement, Paul Kagame qui a une dent contre Nkurunziza qu’il n’arrive pas à  renverser pour réinstaurer le pouvoir monoethnique au Burundi, vient de voir un Burundais remplacer un Rwandais à la tête de la communauté de l’Afrique de l’Est. Une humiliation plutôt une raclée de plus pour lui.

Troisièmement, les procès intentés par quelques Rwandais contre le Rwanda. Parmi ces procès il y a celui de madame Victoire Ingabire. L’internationalisation de cas Ingabire a surpris le cercle du pouvoir à Kigali. C’est d’ailleurs pour cette raison que Businge devra payer pour avoir laissé faire. Mais avait-il vraiment le choix?

Pour conclure, l’umwiherero n°13 n’a rien apporté de spécial. Pour moi la gabegie commence par là. Je plaide pour la fin de ces cirques. Sinon l’umwiherero n°14 ne sera pas différent des treize autres qui l’auront précédé pendant les treize dernières années.

Maurice SHANKURU