MEMORANDUM SUR LA SITUATION ALARMANTE DES CONGOLAIS RWANDOPHONES REFUGIES AU RWANDA ET INSTALLES DANS LE CAMPS DE KIZIBA DEPUIS 1996.

Justin Bahunga, Commissaire aux Relations Extérieures et Porte-parole des FDU-INKINGI

1. La genèse de leur statut de réfugié.

Les guerres successives et la dégradation sécuritaire qui s’en est suivi depuis 1996 jusqu’aujourd’hui en République Démocratique du Congo (DRC) ont provoqué l’exode de plusieurs milliers de Congolais vers les Pays limitrophes, dont le Rwanda. La région la plus affectée fut celle du Kivu sise à l’Est de la RDC dans laquelle vivaient la quasi totalité des
Congolais rwandophones de l’ethnie tutsi.

Jusqu’en 1996, ces congolais vivaient paisiblement sur leurs collines et n’avaient jamais eu de problèmes ni avec le gouvernement de Kinshasa, ni avec le gouvernement de Kigali. Leur calvaire a commencé en 1996 avec la guerre de conquête du dictateur Paul KAGAME qui s’est caché derrière Laurent Désiré KABILA et les Banyamulenges (ces tutsis congolais
rwandophones qui habitaient dans la région du Kivu).

En effet, force est de constater que de l’Alliance des Forces démocratiques pour la Libération du Congo-Zaïre de Laurent Désiré KABILA jusqu’aux M23 de Laurent NKUNDA en passant par le Congrès national pour la défense du peuple (CNDP) de Bosco NTAGANDA, la main du Rwanda n’est plus à démontrer. Sous prétexte que c’est pour sa propre sécurité, mais aussi et surtout pour la protection des Congolais rwandophones de l‘ethnie tutsi résidant dans la région du Kivu menacés d’extermination soit par le pouvoir central de Kinshasa, soit par les groupes armés hutus présents dans cette région de l’Est de la RDC, le Rwanda s’est déclaré défenseur et protecteur des congolais tutsis rwandophones de
l’autre côté de sa frontière et a soutenu militairement et économiquement toutes ces rebellions qui combattaient le pouvoir central de Kinshasa.

Malheureusement, après le divorce du Président Laurent Désiré KABILA avec le Président Paul KAGAME et les défaites successives que ces rebellions soutenus par Kigali ont essuyé, ces supposés défendus et protégés par KAGAME se sont vus lâcher par Kinshasa et sont même devenus la cible de plusieurs groupes armés qui se sont créés dans la région. Désespérés, ils ont été obligés de se réfugier dans les pays voisins, nombreux s’étant dirigés vers le Rwanda où ils ont été installés dans des camps de réfugiés éparpillés dans le Pays, dont celui de Kiziba.

Compte tenu de ce qui précède, on peut affirmer, sans risque de se tromper que le Président Paul KAGAME est à l’origine du statut de réfugié dans lequel se trouve actuellement ces Congolais Rwandophones, situation qui dure depuis plus de 20 ans. Aujourd’hui, après les événements sanglants et meurtriers qu’ils viennent de subir dans le camp de Kiziba (en février et avril 2018), ces refugies se retrouvent dans une situation très précaire parce que d’une part rejetés depuis 1996 par leur propre Pays, la RDC, et d’autre part trahis et massacrés par leur supposé protecteur, le Président Paul KAGAME.

2. Les causes du mécontentement de ces refugiés.

Depuis leur installation dans le camp de Kiziba autour des années 1996, le mode de vie de ces réfugiés s’est progressivement dégradé et l’ingérence du gouvernement rwandais dans leur vie quotidienne devenant progressivement clair, allant jusqu’à vouloir remplacer le HCR dans ses prérogatives. La situation s’est tellement empirée jusqu’à ce que les frustrations de ces réfugiés les ont poussés à marcher jusqu’au bureau du HCR à Karongi pour réclamer leurs droits.

Les causes de ces frustrations sont notamment:

 De nombreux réfugiés qui devaient être réinstallés dans d’autres pays (en Europe ou en Amérique) ont été remplacés par des nationaux issus des services de sécurité ou de renseignement rwandais .

 Si par chance un dossier de réinstallation aboutissait, l’intéressé se voyait refoulé par les services de l’immigration de l’aéroport sous prétexte qu’il n’avait pas les documents d’identité. Le paradoxe est que c’est cette même institution qui est censée délivrer ces documents exigés aux réfugiés.

 Officiellement, les textes de loi autorisent les réfugiés d’avoir accès au travail au même titre que les nationaux. Mais dans la pratique, la carte d’identité rwandaise est obligatoire pour avoir accès au marché du travail. Ce critère exclu définitivement les réfugiés sur le marché du travail, ce qui explique le taux de chômage élevé et la misère dans les camps de réfugiés.

 Les soins médicaux insuffisants dans le camp et l’absence du pouvoir d’achat pour s’approvisionner en médicaments non disponibles dans le camp.

 Le grand écart entre les salaires des réfugiés et ceux des Rwandais qui exercent le même travail, avec les mêmes compétences. A titre d’exemple, un réfugié perçoit un salaire de 18 000 francs rwandais par mois au moment où son collègue Rwandais perçoit 400 000 francs rwandais par mois, soit vingt-deux fois plus.

 La baisse de leur ration mensuelle qui était déjà insuffisante : de 8$ par mois et par personne, elle est passée à 6$ par mois et par personne.

 Les réfugiés ne veulent plus que leur camp soit la pépinière de recrutement des militaires et des policiers. En effet, depuis leur arrivée au Rwanda, le gouvernement rwandais a constamment profité de leur pauvreté pour recruter de gré ou de force dans le camp de jeunes réfugiés qui devaient par la suite être enrôlés dans les services militaires et policiers. Le pire est qu’une fois enrôlés, ils ne bénéficient pas des mêmes avantages salariaux et sociaux que leurs collègues rwandais.

 Le ministère chargé des réfugiés « MIDIMAR » (Ministère de la gestion des catastrophes et Réfugiés) ne permet pas aux réfugiés de voter librement leurs dirigeants. Au contraire, il s’active pour faire élire des dirigeants corrompus qui vont défendre les intérêts du gouvernement rwandais au détriment de ceux des refugiés. Bien plus, ce même ministère a muselé le droit d’expression des refugies. Personne n’a le droit de dire ce qu’il pense, même dans un cadre familial’.

 La volonté du gouvernement rwandais d’insérer les réfugiés dans le programme national d’ubudehe qui consiste à catégoriser la population selon leurs classes socio-économiques. Cette catégorisation a suscité la peur et l’inquiétude des réfugiés parce que, disaient-ils, cela pourrait être un autre instrument d’oppression et d’injustice et partant, avoir des incidences sur l’aide qui leur était accordée.

3. Le calvaire vécu par les réfugiés du camp de Kiziba.

La dernière goutte qui a fait déborder le vase est la décision du Programme alimentaire mondial (PAM), un partenaire de l’ONU, de réduire l’aide alimentaire aux réfugiés de 25 pour cent en raison de la pénurie de financement et la déclaration du gouvernement rwandais, stipulant que tous les réfugiés accueillis au Rwanda seront touchés par cette décision du PAM.

Lassés par cette situation de pauvreté de plus en plus excessive, d’injustice et d‘oppression, les réfugiés congolais de Kiziba ont décidé alors le 21 février 2018 d’aller siéger devant les bureaux du HCR à Karongi jusqu’à ce que les garanties d’un minimum vital dans le camp leur soit accordées. A défaut, ces réfugiés demandent une réinstallation dans un autre pays. Si tout cela n’est pas possible, ils réclamaient de l’aide pour retourner dans leur pays d’origine.

Entre temps, la police et l’armée se sont interposées sous prétexte d’assurer la sécurité de ces bureaux. Deux jours après et à la surprise générale, ces policiers et militaires ont dispersé les réfugiés en faisant usage d’une force disproportionnée et en tirant à barres réelles sur les réfugiés. Bilan officiel: 11 morts et plusieurs blessés. 23 réfugiés sont arrêtés et emprisonnés.

Conformément à leur culture, ces réfugiés ont procédé, le 16 avril, à la clôture de la cérémonie de deuil de leurs chers frères et sœurs, tués le 22 février. Le 19 avril, ils ont été surpris par l’afflux d’un grand nombre de policiers qui sont venus et ont entouré leur camp.

Sur base des informations dont disposaient les réfugiés, ils voulaient arrêter le comité exécutif et les réfugiés qui ont servi dans l’armée et la police rwandaise. C’est pour cette raison que les réfugiés ont catégoriquement refusé aux policiers de pénétrer dans le camp. Un bras de fer s’est alors engagé entre les deux camps pendant plus 10 de jours jusqu’à ce que la police décide de faire usage de la force en lançant des gaz lacrymogènes et en tirant encore une fois à balles réelles sur les refugiés. Bilan : 5 morts et plusieurs blessés.

4. Les recommandations des réfugiés

Les réfugiés Congolais persistent et signent que leurs revendications sont les suivantes :

 Que le HCR engage des discussions avec le Gouvernement rwandais pour que les réfugiés arrêtés bénéficient d’une justice transparente et équitable ;

 Que le HCR engage des discussions avec le Gouvernement rwandais pour organiser rapidement leur rapatriement inconditionnel ;

 Que des enquêtes neutres et indépendantes soient menées pour que les responsabilités soient établies et les auteurs de ces massacres traduits en justice ;

 L’arrêt immédiat des actes de tortures morales et physiques de leurs fils et filles enrôlés dans les services militaires et policiers.

5. Les recommandations de P5

Comme elle n’a jamais cessé de le crier tout haut, la Plateforme des cinq partis d’opposition rwandaise P5 condamne énergiquement les massacres dont sont victimes des réfugiés congolais du camp de Kiziba. Ceci démontre encore une fois le caractère criminel du gouvernement rwandais dirigé par Paul KAGAME et le non-respect des instruments internationaux qu’il a signés et ratifiés.

Face à cette tragédie qui s’ajoute à d’autres perpétrées par le régime du dictateur KAGAME depuis plus de 24 ans, la P5 recommande ce qui suit :

 Que la communauté internationale, plus particulièrement le HCR, exigent du gouvernement rwandais le respect de la convention de Genève de 1951 sur la protection des réfugiés ;

 Que les Nations unies à travers le HCR se saisissent de ce dossier et initient des enquêtes pour que des responsabilités soient établies et les auteurs de ces crimes traduits en justice ;

 L’arrêt immédiat et sans condition des persécutions, des tortures morales et physiques ainsi que des actes criminels perpétrés par le gouvernement rwandais dirigé par le dictateur KAGAME contre ces réfugiés congolais, en violation de la convention de l’ONU dans la résolution 39/46 du 10 décembre 1984, contre la torture et autres peines ou traitements cruels inhumains ou dégradants ;

 Que le gouvernement rwandais cesse de recruter dans son armée ou sa police les jeunes réfugiés congolais résidant dans les camps de réfugiés;

 Que le HCR, en collaboration avec le gouvernement rwandais et le gouvernement congolais, mettent en application l’accord signé entre le Gouvernement rwandais, le gouvernement congolais et le HCR en juillet 2010, relatif au retour des réfugiés congolais installés au Rwanda.

Fait à Londres le 14 mai 2018

Justin BAHUNGA
Président de la Commission chargée de la Diplomatie de la Plateforme P5
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