MESSAGE A LA NATION DU CHEF DE L'ETAT, LE 31 DECEMBRE 1990 POUR LA FIN 1990 ET LE DEBUT DE LA NOUVELLE ANNEE 1991.

Rwandaises, Rwandais, Amis du Rwanda!

Notre Pays continue à faire face, avec courage et force, à l’attaque dont il a fait l’objet, depuis le 1er octobre passé, de la part d’assaillants, fortement armés, en partie d’origine étrangère, venant de l’Ouganda et pour la plupart membres de l’armée de libération ougandaise (NRA).

L’attaque dont nous avons été l’objet se situe, bien entendu, sur le plan militaire et celui de l’infiltration armée, mais aussi sur d’autres plans, comme nous en avons fait l’amère expérience.

Permettez-moi, Militantes et Militants, Amis du Rwanda, de vous faire part de l’état de la situation concernant les multiples dimensions de l’agression contre notre pays, le Rwanda.

Sur le front militaire et celui de l’infiltration dans notre pays de forces ennemies, les nouvelles aujourd’hui sont rassurantes.

En effet, l’infiltration d’assaillants et de rebelles dans la préfecture de Kigali est, à l’heure où je vous parle, sous contrôle. Des caches d’armes déposées dans la capitale et ses environs par l’ennemi ont été saisies, et surtout la plupart des infiltrés ont été repérés

Et pourtant quelles ne furent les promesses de cette année 1990!
–   Aggiornamento politique;
–   programme de relance économique y compris une issue heureuse sur le front alimentaire;
–   solution définitive du problème des réfugiés rwandais.
Voilà quelques-uns des acquis majeurs nouveaux que l’année 1990 était censée préparer et que devait appuyer solidement une intense activité diplomatique entreprise par le Rwanda à travers le monde pour mobiliser tous les appuis politiques et économiques possibles en faveur de notre développement.

Dans ce contexte de renouveau spirituel, sous le signe du quel nous avions placé la portée même et le sens profond de la présente législature, la visite pastorale tant attendue du Pape Jean – Paul dans notre pays, début septembre, fut l’apogée, le couronnement de cette année de grands préparatifs.

Le couronnement spirituel de cette année, la visite pastorale du Pape Jean – Paul II le fut, en effet.

Elle le fut par l’intensité extrême avec laquelle nous tous, toutes les Rwandaises et tous les Rwandais, ont vécu cette visite pastorale. Elle le fut par ce message d’amitié, d’espoir et d’unité nationale que le Pape nous a laissé. Elle le fut enfin par le ressourcement moral que le Chef de l’Eglise Catholique nous a proposé, en réchauffant notre conscience d’une ardeur nouvelle, en nous donnant l’exemple même de la tolérance et de l’ouverture d’esprit dans une intention de réconciliation et d’entente nouvelles.

Le voeu que j’ai formulé dans mon mot d’adieux est plus actuel que jamais: que la présence spirituelle du Pape Jean – Paul II reste à jamais avec nous!

Nous en aurons besoin, nous en aurons vraiment besoin, devant cette épreuve tragique de cette guerre de malheur, devant les effets dévastateurs et les déchirements qu’elle aura provoqués, la souffrance indicible qu’elle nous aura infligée, apportant dans nos foyers tant de chagrin, tant de désolation.

J’aimerais dire à toutes celles et à tous ceux qui ont été particulière-ment éprouvés, à toutes nos familles qui ont perdu l’un des leurs, qui pleurent la mort d’êtres chers – j’aimerais leur dire la profonde sympathie, les sentiments de solidarité que nous éprouvons tous à leur égard. Qu’en ces temps difficiles ils soient rassurés que nous feront tout pour leur apporter consolation et encouragement.

Qu’ils sachent que c’est à ceux qui ont disparu, à ceux que la guerre a tués, à ceux qui par amour de leur patrie et pour sauvegarder la sécurité de leurs compatriotes se sont battus jusqu’à y laisser leur vie, qu’ils sachent que c’est à toutes celles et à tous ceux-là que notre société doit sa survie, doit la victoire sur les forces du Mal.

Le peuple rwandais les concidère comme ses héros; il leur rend aujourd’hui un hommage sincère et profond.

Je salue l’admirable bravoure de nos soldats, de toutes nos forces armées, le courage dans l’épreuve et dans l’adversité de nos soldats, le courage de nos sous-officiers, le courage de nos officiers se battant pour les enfants, les femmes et les hommes de notre pays, se battant pour l’intégrité de notre pays, se battant pour ses acquis que sont ces conquêtes socio-politiques et économiques que les révolutions sociale de 1959 et morale de 1973 ont apportées à notre peuple.

Militantes et Militants!

Il ne peut être question de revenir en arrière, le peuple rwandais l’a démontré: nos ennemis l’ont appris à leurs dépens.

Rwandaises et Rwandais,
Amis du Rwanda!

La guerre a été gagnée grâce à collaboration étroite entre notre population et ses forces armées. Nos ennemis auront compris que le peuple rwandais est uni et qu’il leur barrera toujours la route.

Et néamoins, malgré sa défaite, l’ennemi continue à nous harceler par cette méthode des INYENZI, soutenu qu’il l’est par des forces cherchant à déstabi-liser notre région et d’annexer notre pays.

En ce moment solennel où une année expire et qu’une nouvelle prend la relève, le Rwanda lance un appel pressant, un appel vigoureux, un appel à la raison, un appel à la plus élémentaire conscience morale de ces agresseurs, et en particulier à ceux qui les soutiennent si efficacement en leur fournissant matériel et munitions, subsistance et encouragement, camps d’entraînement et bases opéra-tionnelles – le Rwanda lance un appel qu’il veut puissant, au nom de tout le peuple rwandais, au nom aussi de toutes celles et tous ceux, épris de paix et désireux d’éviter à notre région un embrasement général et un nouveau foyer de misère sur notre continent, le Rwanda lance un appel chaleureux, pour qu’ils laissent ces hostilités criminelles, pour qu’ils arrêtent cette absurdité de guerre, pour qu’ils reviennent à la raison.

Rwandaises et Rwandais!

Depuis le début de la guerre, je me suis adressé cinq fois à la nation, pour rassurer sur notre victoire finale, pour lui inspirer confiance et sérenité, tout en la mettant au courant scrupuleusement de l’évolution de la situation et des initiatives et décisions prises pour sauver le maximum de vies humaines et pour limiter au minimum la déstruction du patrimoine national.

L’on me dit que certains de Militantes et Militants semblent avoir pensé que le Rwanda, en prenant certaines initiatives, en proposant une approche conciliatrice, que le Rwanda en privilégiant des positions souples et ouvertes, aurait risqué de faire le jeu de l’ennemi, aurait risqué de faire des concessions à des amis étrangers, qui défendraient selon eux plutôt le jeu de nos ennemis, en voulant nous imposer des conditions dont l’écrasante majorité de notre pays ne voudrait pas.

Je tiens à vous assurer aujourd’hui, en faisant le bilan de cette année, que rien, Militantes et Militants, que rien n’est fondé dans ces craintes qu’auraient pu avoir certains parmi vous.

Je puis vous assurer, Rwandaises et Rwandais, que notre Gouverne-ment, que votre Président, n’ont fait, n’ont jamais fait, ne font, et ne feront jamais que ce dont ils sont absolument convaincus que c’est dans l’intérêt majeur, dans l’intérêt bien compris de notre pays. Comment, d’ailleurs, cela pourrait-il, cela aurait-il jamais pu être autrement?

Ce qui est, cependant, c’est que le Rwanda, comme pratiquement tous les pays du monde, vit à l’heure de grands bouleversements, vit à l’heure d’une accéleration certaine de divers mouvements et tendances dans le monde, affectant toutes les sociétés, et dont le Rwanda ne veut et ne peut se soustraire.

N’est-ce pas là, jusqu’à un certain point, le sens même de notre intégration dans ce monde, le sens même de notre participation active au concert des nations?

N’est-ce pas là-même ce qui est exaltant, lorsqu’on a la chance de participer à l’évolution du monde, de la façonner ne serait-ce qu’un petit peu?

Ce qui importe donc, Rwandaises et Rwandais, c’est que nous gardons nos valeurs, c’est que nous vivons nos convictions et que nous utilisons au maximum nos tempéraments propres pour la construction de notre pays, pour la consolidation des acquis essentiels de notre société, pour l’avenir que nous préparons à nos enfants.

Notre pays peut même être fier d’avoir pressenti, bien avant qu’ils ne fussent d’actualité, certains de ces changements, certaines de ces aspirations nouvelles de nos sociétés, avant qu’elles ne nous soient imposées par la force des événements de l’extérieur.

Ainsi, ne nous sommes-nous pas engagés dans un aggiornamento politique, bien avant que cette aspiration devenue explosive ne balaie le monde?
N’en avons-nous pas fait une priorité de la présente législature déjà le 15 Janvier 1989; N’en avais-je pas fait le thème principal du 05 Juillet passé? Depuis, nous en avons spécifié l’échéancier, une fois que la commission a été en mésure de nous en proposer un qui se tienne, qui fasse avancer les débats et qui permette, en connaissance de cause, de mobiliser toutes les forces vives de notre pays, y compris évidemment – et je l’ai respécifié – y compris celles des Rwandaises et Rwandais dans la diaspora, pour que nous soyons sûrs que nous disposons de toutes les bonnes volontés et de toutes les bonnes idées pour créer le paysage politique de demain de notre pays.

N’avons-nous pas entamé, depuis de longues années, la modernisa-tion de notre économie, en introduisant une rigueur et une cohérence que nous voulions de plus en plus maîtrisées? N’avons-nous pas fourni des efforts conceptuels et organisationnels remarquables et cela dans la plupart des domaines essentiels, et géré notre économie avec le maximum de circonspection afin de réunir tous les atouts pur continuer et mener à bonne fin la restructuration de notre économie?

Les deux chutes terribles du prix mondial du café, l’écroulement du prix d’autres de nos produits d’exportations étaient au-delà de ce que même la meilleure gestion d’une économie périphérique comme l’est la nôtre, aurait pu supporter.

C’était pour parer au déficit prévisionnel de nos devises que le Rwanda a entamé, il y a exactement une année, des négeciations avec le système dit de Bretton-Woods. Un accord satisfaisant a été conclu en fin septembre de cette année, et qui tienne compte à la fois des spécificités et des besoins intrinsèques de notre économie. Je me suis longuement exprimé à ce sujet le 13 novembre passé.

En effet, la guerre d’octobre ne devait pas nous empêcher d’aller de l’avant, d’honorer nos engagements en mettant en place, comme convenu, les préalables prévus de part et d’autre. Et c’est ce que nous avons fait.

Enfin, un autre domaine pour lequel nous avions pris des engagements formels et multiplié les initiatives, conformément, là aussi, aux engagements solennels renouvelés le 15 janvier 1989 pour la présente législature, c’était celui de la solution définitive pour le problème des réfugiés rwandais. Nous voulions alors que ce problème anathématique disparût une fois pour toutes, pour le grand honneur du peuple rwandais.

Vous savez ce qui est arrivé, Rwandaises et Rwandais: la dernière étape devant mener vers la solution définitive de ce problème tragique avait été boycottée par ceux-là même qui voulaient faire accroire au reste du monde que leurs activités meurtrières étaient destinées à trouver la solution du problème de nos réfugiés.

Mais cela n’a pas empêché le Rwanda de continuer à faire des ouvertures et à appuyer chaleureusement toutes les initiatives prises pour régler ce problème, afin que la dernière décennie de ce deuxième millénaire voie un Rwanda réconcilié avec son histoire et libre de tout anathème.

Le Rwanda place tous espoirs, sincères et chaleureux, dans cette Conférence Régionale sur le problème des réfugiés, Conférence qui est en préparation, pour que d’ici un certain temps, il n’y ait plus de réfugiés rwandais du tout. Notre pays aura réalisé alors l’un de ses plus chers objectifs.

La guerre a failli compromettre tout cela. Mais le peuple rwandais a réagi. Il ne s’est pas laissé berner. Il a vivement réagi à l’adversité en allant fermement de l’avant, en assurant à la perfection le fonctionnement de l’essentiel de nos services publics, en proposant des initiatives nouvelles, en prenant les décisions qui s’imposent, en faisant avancer la relance économique.

Nous avons aujourd’hui la certitude, Rwandaises et Rwandais, que plus personne au monde n’est dupé des véritables objectifs de nos agresseurs. Ces agresseurs qui ont préféré choisir la voie armée pour forcer une prise de pouvoir que ni la solution du problème des réfugiés, ni le processus démocratique, ni la relance économique ne pouvaient leur en assurer. Malheureusement, l’intoxication par nos ennemis des média mondiaux a été telle que cette prise de conscience ne s’est faite que très lentement, trop lentement même.
Et nous le le regrettons beaucoup.

Mais tournons maintenant la page de cette année de grandes épreuves.
L’année 1991 est devant nous. Abordons-la avec toute la confiance qui est la nôtre en un avenir meilleur!

Permettez-moi donc de souhaiter à toutes les Rwandaises et à tous les Rwandais, où qu’ils se trouvent, de souhaiter à toutes les Militantes et à tous les Militants du MRND, une année de progrès véritable pour chacun d’entre vous, une année de paix, une année où les motifs de bonheur, les motifs de satisfaction, de joie l’emportent sur tout le reste.

J’aimerais présenter aussi mes voeux les plus chaleureux et les plus francs de paix, de bonheur et de prospérité à tous les membres du Corps Diplomatique et Consulaire, à tous les les resposables des Agences et Organismes de coopération, à leurs familles, à leurs collaborateurs et à leurs concitoyens, aux respectés dirigeants de leurs pays, à tous les coopérants et à leurs épouses et enfants, à tous les volontaires, à nos religieuses et nos religieux, à tous nos amis travaillant au Rwanda et pour le Rwanda, ici et ailleurs, à tous nos visiteurs aussi de passage aujourd’hui dans notre pays- je leur présente tous nos voeux, Militantes et Militants, que le peuple rwandais apprécie profondément leur présence, leur travail, leur engagement pour le développement bien compris de notre pays.

Une pensée particulièrement chaleureuse nous l’adressons à nos forces armées dont bien des membres, loin de leurs familles, sont au front, cette nuit, à nos frontières, ainsi qu’à nos militaires, rwandais et français, qui sont sans cesse sur le qui-vive, protégeant ainsi notre sécurité et celles de nos hôtes.

Des voeux émus, je tiens à les adresser aux peuples et à leurs distingués Chefs d’Etat et de Gouvernement des pays qui entourent le Rwanda, des pays qui forment notre région dans le sens large, pour que l’année qui vient soit un témoignage de l’ardeur avec laquelle nous poursuivons la solidarité, l’entente et la stabilité consacrées au seul objectif qui compte: le combat pour le développement bien compris de notre région.

Militantes et Militants!

C’est une attitude active, dynamique, engagée, qui nous permettra de surmonter les dégâts que la guerre a provoqués chez nous. Nous n’avons aucune raison d’être sur la défensive. Nous devons tabler sur nos acquis: nous devons tabler sur nos richesses, notre capacité éprouvée maintenant de surmonter les pires moments de notre histoire.

De notre performance, même en temps de guerre, et dont nos amis nous disent qu’elle aurait été remarquable, de notre performance, nous ne pouvons que nous féliciter.
Qu’il s’agisse de l’attitude en général exemplaire de nos militaires, qu’il s’agisse du respect des droits de l’homme et de tous les engagements auxquels nous avons souscrit, qu’il s’agisse de tous les efforts fournis tous les jours par tant de forces vives de notre pays pour assurer sécurité, approvisionnement en biens et services- de tout cela nous osons en être fiers! Cela nous permettra d’aborder les défis immé- diats avec confiance.

Nous devons maintenant nous attaquer massivement et avec conviction au défi immédiat le plus important, à savoir, la reconstruction de notre pays. Voilà pourquoi l’année 1991 sera L’ANNEE DE LA RECONSTRUCTION NATIONALE.

Le sens profond de ce thème, je pourrais l’exprimer aussi ainsi: NE NOUS LAISSONS PAS NOUS DIVISER, NE LAISSONS PAS DETRUIRE NOTRE PAYS PAR LES FORCES DU MAL, NE JOUONS PAS LE JEU DE NOS ENNEMIS!

Il nous faut aujourd’hui nous mobiliser toutes et tous autour de la réconsolidation de notre développement national, autour de la reconstruction de notre pays, autour de la réconciliation nationale – impératif pour un développement continu de notre société.

Reconstruction nationale, cela signifie d’abord, d’une manière très concrète, reconstruire ce qui a été détruit, physiquement.

Qu’il s’agisse des infrastructures routières, et surtout touristiques, qu’il s’agisse des habitations et des champs de nos populations des régions frontalières, ayant dû se déplacer pour échapper aux massacres perpétrés par nos assaillants, qu’il s’agisse des forêts détruites – il faudra au plus vite reconstruire tout ce qui a été détruit.

Deux priorités me semblent ici évidentes:

La première, c’est l’amélioration rapide du sort des populations déplacées par la guerre et qui ont perdu jusqu’aux moyens de produire, jusqu’aux moyens de faire face aux dépenses élémentaires qu’exige la vie de tous les jours.

Le sort si pénible des populations déplacées exige un effort de solidarité nationale. L’exemplaire de travail effectué par la Croix Rouge Nationale, en collaboration étroite avec la Croix Rouge Internationale, l’exemplaire action menée par des organisations caritatives ou celle proposée par les associations religieuses, doivent être amplifiées et recevoir un élan participatif tous azimuts. Tous les jours, la radio nationale devrait consacrer ne fût-ce que quelques minutes à la façon dont on apporte des solutions concrètes aux problèmes graves de nos populations les plus éprouvées.

Le Gouvernement lui-même devra préparer rapidement l’esquisse d’une véritable stratégie tendant à réduire la pauvreté la plus fragrante dans notre pays.

La seconde priorité dans ce contexte, c’est la remise en état de nos facilités touristiques, afin que nous puissions compter sur les apports si essentiels du tourisme à notre économie, c’est-à-dire, d’un tourisme intelligent, d’un tourisme de haut niveau, ciblé, et proposant aux visiteurs du Rwanda une gamme de services parfaitement maîtrisés. En d’autres termes, c’est un tourisme constructif que nous devons promouvoir, et qui ne détruit ni les valeurs ni les acquis de notre société, ni notre patrimoine national. Un tourisme aussi qui ne nous coûte pas plus en devises que ce qu’il nous en rapporte.

C’est ainsi que je vois la participation du Rwanda à « l’année du tourisme africain » qui a été proclamée par l’OUA, l’année 1991.

Parallèlement à la reconstruction de notre potentiel touristique, l’année qui est devant nous verra la relance en profondeur de notre économie, grâce au programme de croissance signé avec les institutions de Bretton-Woods, mais aussi grâce à la capitalisation d’efforts majeurs fournis dans le passé, et notamment dans le domaine de l’artisanat et de la petite industrie, dans celui de la préparation de révolution das nos méthodes de production agricole (CNRA), dans l’irrigation de notre économie par un système d’épargne et de crédit, qui constitue une réussite et une promesse particulièrement stimulante, grâce aussi à d’autres efforts importants dans bien d’autres domaines encore.

La priorité dans ce contexte sera ce que nous avons toujours postulé, c’est-à-dire, la coresponsabilité entre pouvoirs publics et opérateurs économiques, et pour l’épanouissement de laquelle la confiance réciproque, le dialogue permanent et l’élimination de ce qui est appelé communément « tracasseries administratives » sont des atouts majeurs. Ce sont ces tracasseries administratives qu’il faut maintenant éliminer.

C’est, me semble-t-il, la non-coordination des efforts administratifs qui peut se traduire par la multiplication des demandes d’enquêtes et de données, et qu’on aurait pu faire en une fois, qui exaspère nos opérateurs économiques, car cette non-coordination des interventions administratives leur fait perdre un temps considérable et inutilement. Voilà pourquoi j’invite le monde des opérateurs économiques à se concerter et à nous faire des propositions concrètes et transpa-rentes, permettant de simplifier leur vie, et par là d’augmenter les chances de réussite d’un secteur privé travaillant efficacement pour le bien public, car contribuant à la croissance économique et donc à la création d’emplois.

Un intrument particulièrement utile pour la politique de développement national sera lancé vers le mois d’août prochain, à savoir, le deuxième Recensement démographique de notre pays.

Ce deuxième Recensement général de la population et de l’habitation, dont la préparation est en cours depuis un an, mobilisera, notamment au moment de son exécution, tout l’appareil administratif du pays et l’ensemble de la population. Il répondra à des objectifs essentiels et indispensables de tout travail de planification: les nouvelles informations et données concernant les caractéristiques démogra-phiques, sociales, culturelles et économiques de notre société, permettront d’apprécier son évolution, mais surtout de redéfinir les priorités de développement et l’utilisation conséquente de nos ressources en fonction des nouvelles exigences.

Le Ministère du Plan est chargé de coordonner cet important exercice, qui s’étendra sur une période relativement longue: il s’adressera à la population, à intervalles réguliers, pour solliciter sa pleine coopération, afin de faire de ce exercice majeur la réussite qu’il devra être pour que nous puissions toujours mieux planifier notre progrès socio-économique.

« Reconstruction nationale », cela signifie aussi: réconciliation des esprits, reconquête de l’unité nationale, « recimentation » de la paix nationale, et qui permettent seules de relancer notre économie dans la voie d’un progrès par tous partagé.

Ce sont des choses graves que j’ai à vous dire aujourd’hui!

Militantes et Miltants,
Rwandaises et Rwandais!

ECOUTEZ-MOI BIEN! Il s’agit de la survie de notre pays, il s’agit aujourd’hui de rien de moins que la survie de notre pays, car l’intention évidente de notre ennemi, une fois qu’il a perdu le gros de la première guerre, celle du front militaire, c’est la deuxième guerre qu’il veut engager et que nous devons aussi gagner.

Sa deuxième guerre, l’ennemi veut l’ouvrir sur le front intérieur. Il veut provoquer dans notre pays des troubles, voire une guerre civile, en faisant tout pour exciter les uns contre les autres, en essayant d’ouvrir des blessures si bien cicatrisées pourtant, en jouant sur le registre des clivages surtout ethniques.

Car s’il réussissait, cela lui permettrait de dire au monde: voilà ce peuple, incapable d’assumer son destin. Il fallait bien y mettre de l’ordre et sauvegarder ainsi les droits des persécutés.

C’est cela le langage de nos ennemis. Si nous l’écoutions, il s’en serait fait de notre pays, car des armées étrangères ne voudraient que cela: voir s’installer au Rwanda le désordre, y voir éclater une guerre civile, pour pouvoir nous envahir massivement et instaurer dans notre région un ordre nouveau qui n’a rien à faire avec les acquis de la Révolution sociale de 1959, ni avec la Révolution morale de 1973, qui nous a apporté 17 ans de paix et de progrès national.

Il est vrai: nous tous, nous avons été bouleversés, traumatisés par cette armée provenant d’éléments de l’armée ougandaise qui ont voulu prendre le pouvoir au Rwanda par les armes.

Nous tous avons vécu des semaines pleines de tensions énormes, d’anxiétés intenses, des souffrances parfois indicibles. Mais nous avons compris, la grande majorité de notre pays a compris, comprend aujourd’hui ce que cette attaque voulait dire, d’où elle émanait, ce qui était derrière elle.

Pour beaucoup d’entre nous, cette expérience de voir ce que nous croyions le plus solide, le plus ancré au plus profond de nous-mêmes basculer dans l’horreur, risquait de nous enlever jusqu’à la référence même qui justifiait nos actions, qui justifiait nos propos, qui justifiait notre existance, nos acquis, cette expérience fut choquante.

La terreur de la guerre, les souffrances atroces qu’elle nous impose, la crainte de voir disparaître nos acquis si précieux de paix et de progrès et la promesse d’un avenir toujours plus rassurant -c’est une expérience traumatisante qui risque de provoquer toute sorte de réactions potentiellement extremistes et que seules peuvent expliquer la fuite dans l’irrationnel, la peur qui fait dire ou faire des choses qu’en temps normal on n’aurait de la peine à imaginer même, et à fortiori, à dire.

Reconstruire notre pays, c’est faire la guerre à tous les extremistes, de quel bord qu’ils soient.

Si nous constatons avec joie l’éclosion de la presse dans notre pays, si nous sommes tous heureux, profondément heureux de voir se développer dans notre pays un débat d’idées important, stimulant, constructif et actuellement de manière privilégiée autour de la construction politique future de notre pays – il ne faut pas pour autant que nos ennemis se les appropient et qu’ils en fassent un outil de déstruction de notre pays par la promotion d’extremismes si totalement pernicieux.

Je l’ai déjà dit, le 03 décembre passé, devant le Comité Central, et je le répète aujourd’hui, avec d’autant plus de force que nous avons malheureusement déjà dû constater des débordements inacceptables, et qui ont déjà causé le plus grand tort à notre pays, salissant son image et risquant de nous enlever le respect de nos amis qui se sont toujours battus pour notre pays,-je le répète aujourd’hui: « Nous devons tous être extrêmement vigilants et ne point succomber à la facilité, aux penchants primitifs d’assouvir des sensations personnelles de vengeance, de haine ou de jalousie ».

Rien ne serait, dis-je alors, et je le répète aujourd’hui, « rien ne serait plus grave pour l’unité et la paix dans notre pays, si l’on oubliait ce qui fait l’essence même d’une république, l’essence même d’une démocratie, c’est-à-dire, la garantie volontaire que chacun, chaque composante de la société peut assurer et assumer la place qui lui revient dans la société.

Je remets encore une fois en garde, sévèrement, avec toute la conviction qui est la mienne, toutes celles et tous ceux, de quelque ethnie qu’ils soient, je remets en garde ces extremistes de tous bords qui voudraient semer le trouble dans l’esprit de la population, en répendant ces rumeurs de l’enfer, de la malveillance, en déterrant la haine raciale, en se faisant les chantres du racisme, en brandissant des menaces les plus criminelles.

Ces extremistes sont aujourd’hui la plus grande menace pour notre pays; ils sont des alliés objectifs de nos agresseurs, ils doivent être considérés comme les ennemis de notre société.

Reconstruction nationale signifie alors – et c’est le sens suprême des tâches qui nous attendent dans l’année qui va commencer dans un instant – reconstruction nationale signifie alors réconciliation des esprits, reconsolidation de l’unité nationale, reconqête de la paix nationale. Cela signifie aussi – cette solidarité qui nous permettra de panser nos plaies, d’oeuvrer ensemble pour reconstruire notre pays, pour bâtir un avenir à jamais débarassé de ces scories qui risquent aujourd’hui de nous bloquer la vue.

Chacune, chacun d’entre nous est aujourd’hui interpellé. Chacun doit se positionner et trouver les réponses appropriés et les vivre intensément.

C’est une interpellation profonde aussi de toute les associations, de tous les groupements, les corps constitués, les églises, les jeunes, les syndicats, à se lancer vigoureusement dans un débat sur la démocratie, dans un débat sur la façon de surmonter les clivages de notre société, y compris les clivages ethniques, pour qu’ils trouvent, en leur sein, des approches, des solutions qu’ils pourraient proposer au pays, à notre société toute entière, au plus grand bénéfice de l’unité et de la paix nationales.

C’est ainsi que nous préparerons au mieux et réaliserons pleinement cette autre conquête majeure dans la reconstruction nationale, je veux dire, l’aggi-ornamento politique qui débouchera d’ici quelques mois sur un référendum dont l’acceptation par le peuple rwandais définira le nouveau paysage politique de notre pays, profondément modifié, mais qui répondra, comme je n’ai cessé de le souhaiter et de le promouvoir, qui répondra aux défis politiques nouveaux de notre pays.

Nous aurons posé ainsi, dans la paix et la concorde nationales, et grâce à la maturité politique de notre pays, la pierre angulaire de notre dévelop-pement démocratique futur.

Que Dieu bénisse notre pays afin qu’il puisse continuer à faire tous les jours un pas en avant, tous les jours un pas en avant dans la reconstruction nationale, durant toute l’année 1991

Je vous souhaite une bonne année 1991, une année de syntonie totale, vibrant aux valeurs les plus authentiques de notre peuple.

VIVE LE RWANDA!
ET VIVENT TOUS LES AMIS DU RWANDA!