NON!! Les cas Rwigara et Runyinya ne sont pas des exemples de bonne justice

Professeur Runyinya Barabwiliza

Je voudrais demander à Olivier Nduhungirehe, secrétaire d’Etat aux affaires étrangères du Rwanda et aux autres dirigeants rwandais qui ressassent depuis trois quatre jours les mêmes arguments, de faire preuve d’un peu de retenue dans leur cynisme (ubushyinyaguzi bwo mu rundi rwego).

Ces derniers, dans les suites de l’acquittement de Diane Rwigara et sa mère, s’épanchent sur les réseaux sociaux pour clamer haut et fort qu’au Rwanda, nous avons une bonne justice et qui serait indépendante et pour cela, en plus de l’exemple Rwigara, ils évoquent l’acquittement du Professeur Runyinya Barabwiliza survenu en août 2011.

NON, l’acquittement de Diane et Adeline Rwigara et encore moins celui du Professeur Runyinya Barabwiliza ne sont les signes d’une justice saine et indépendante, mais bien au contraire, des signes de défaillance de la justice à tous les niveaux et dont il faudrait tirer les leçons. On ne peut pas emprisonner des innocents pendant respectivement 1 et 17 ans sur lesquels ne pèse aucune charge qui tienne la route (voire même pas de charges du tout ) et venir ensuite se gargariser au motif qu’il ont été acquittés au bout du processus. Dans une nation fonctionnant normalement des commissions nationales auraient été mises en place pour étudier comment cela  a pu arriver et voir comment faire pour éviter que cela ne se reproduise mais au Rwanda comme d’habitude, on dit que tout va bien dans le meilleur des mondes, en d’autres termes, circulez, il n y’a rien à voir, continuons sur notre « belle » lancée.

Pour le cas Rwigara, la chronologie détaillée des faits figurant dans cet article démontre toutes les irrégularités commises tout au long de la procédure et qui furent avalisées par les différents juges auxquels les accusées ont été présentées

Si la justice rwandaise était réellement indépendante, les assassins d’ Assinapol Rwigara auraient été poursuivis et probablement que rien de tout ce qui a suivi ne serait arrivé. On aurait en tout cas jamais poursuivi sa veuve et ses orphelins pour avoir simplement dit aux médias ou dans des conversations familiales privées que leur mari/père avait été assassiné. Par ailleurs, alors qu’aucun élément juridique ne justifiait la détention préventive de Anne et Adeline Rwigara (à la base arrêtées pour une infraction civile) et même de Diane, elles ont été présentées plus d’une dizaine de fois devant des juges sans qu’elles soient libérées.Je n’évoque même pas les accusés qui apparaissent ou disparaissent en cours de procédure sans aucune décision judiciaire. Je n’évoque pas non plus le nombre de personnes, comme Thadeyo Muyenzi ou Jean D’amour Ngirinshuti disparues tout au long de cette affaire, sans même qu’une enquête ne soit menée sur les circonstances de leur disparition, comment après ça peut on venir parler d’indépendance de la justice?

Diane Rwigara et sa mère Adéline Mukangemanyi

Concernant le cas du Professeur Runyinya abondamment cité ces derniers jours par Olivier Nduhungirehe comme un autre exemple d’une justice indépendante, voici pour rappel les faits:

Alors qu’il était escorté par la MINUAR, le Professeur Runyinya a été arrêté par le général Karenzi Karake en août 1994 avant d’être jeté en prison sans qu’il ne sache sur base de quelles accusations il était arrêté.

Il a passé 14 ans en détention avant d’être présenté pour la première fois devant une juridiction (tribunal gacaca de Butare) qui a constaté que… aucun crime ne lui était reproché.

Il est malgré tout resté détenu encore trois ans en étant baladé de juridictions en juridictions qui soit se déclaraient incompétentes pour connaitre de son cas, soit estimaient ne pas pouvoir le juger car aucun crime ne lui était reproché.

Ce n’est qu’en août 2011, après 17 ans d’incarcération qu’il a pour la première fois entendu un verdict judiciaire prononcé par le Tribunal de Grande instance de Huye qui l’a acquitté.

Sa femme, Winifred Gasharankwanzi, a connu un sort encore plus tragique. Cette dernière s’est rendue en septembre 1994 avec quatre autres personnes au marché de Cyangungu pour y acheter des vivres lorsque sur leur route ils ont croisé une patrouille de soldats de l’APR qui les ont emmené en détention alors qu’ils ne savaient même pas qui elle était.

Durant quatre mois, le groupe fût baladé complètement dénudé entre différentes cellules et différentes maisons improvisées en prisons de fortune jusqu’aux alentours du 20 décembre 1994, jour ou Winifred Gasharankwanzi, mère des quatre enfants du couple est décédée suite à ces mauvaises conditions de détention.

Ses enfants n’ont jamais pu l’enterrer ayant à peine une indication vague du lieu ou elle repose « quelque part dans un trou derrière les sanitaires de la prison ».

Une autre femme, la femme de Gad Gatorano qui faisait partie du groupe est également décédée à l’hôpital (qu’elle a pu rejoindre après d’âpres négociations) car à force de dormir à même le sol sans vêtements ni couverture, la partie inférieure de son corps avait commencé à se décomposer.

Alors voir des officiels rwandais venir aujourd’hui présenter le cas Runyinya (y compris en s’adressant directement à ses enfants) comme un exemple de justice, est quelque peu indécent et ce qui m’inquiète par-dessus tout est qu’une telle démarche trahit un manque de volonté politique de faire face à ce problème, car on le nie plutôt que le reconnaitre pour voir comment l’adresser.

Le cas de la famille Runyinya n’est pas un cas isolé, plusieurs milliers voire dizaines de milliers d’autres familles ont connues des tragédies similaires dans le cadre de la justice post-1994.

Je sais que le Rwanda connait 1000 autres problèmes et que ce dernier, rarement évoqué, ne semble pas être la priorité de beaucoup mais ce n’est pas parce que presque personne n’en parle que la douleur des familles est moindre ou que ce dernier problème, en créant des frustrations n’est pas une autre source potentielle de conflits futurs.

Plutôt que de passer leur temps à débattre de sujets secondaires, ce sont la des sujets de fonds sur lesquels les parlementaires rwandais devraient se pencher et réfléchir aux manières de reconstruire un tissu social rwandais brisé par des années d’indicibles violences en apportant des réponses mêmes symboliques aux familles concernées.

Plutôt que de parler de 1000 problèmes, je préfèrerais parler de 1000 défis auxquels sont confrontés non pas seulement les dirigeants rwandais actuels mais l’ensemble des rwandais y compris ceux en exil qui souhaitent bâtir un avenir meilleur pour les générations futures.

La situation actuelle qui consiste à ne pas vouloir relever ces 1000 défis car on préfère, pour des questions d’image, nier la réalité des problèmes qu’ils sous entendent n’est pas tenable à moyen terme.

La ou les dirigeants rwandais ont un choix important à faire est dans la manière dont ces défis seront relevés, soit dans la confrontation comme cela se fait depuis des années en réprimant , le plus souvent par la prison, l’assassinat ou la disparition forcée de tous ceux qui essayent de les évoquer (et donc en créant de nouveaux problèmes s’enfonçant ainsi dans un cercle vicieux), soit dans la coopération en décidant une fois pour toutes d’accepter de faire face à la réalité et d’accepter de s’assoir autour d’une table suffisamment représentative pour voir comment la nation rwandaise peut se relever et enfin correspondre dans les faits à cette image que le pays essaye, à coup de propagande acharnée, de renvoyer aux yeux du monde extérieur.

Ruhumuza Mbonyumutwa

Ce texte a été pour la première fois publié sur facebook, le 10 décembre 2018, ci-dessous, le commentaire de Kami Rachel Runyinya l’une des filles du Professeur Runyinya Barabwiliza et de feue Winifred Gasharankwanzi :

« Merci Mbonyumutwa Ruhumuza, de relever le fait que certaines personnes se permettent de parler de cas d’autres personnes sans en connaître les tenants et les aboutissants, tout ça juste pour soutenir un régime qui a démontré ses failles dans plusieurs domaines, celui de la justice n’étant pas des moindres!

Défendre tout et n’importe quoi sous prétexte qu’on a un poste important n’aide en rien les Rwandais. Il y en a qui devraient apprendre à faire le travail qui leur est assigné sans se sentir obligés de déborder et dire n’importe quoi juste pour être bien vus par leurs supérieurs. Je me demande d’ailleurs si ces derniers apprécient ce genre de comportements qui à mon sens ne font que ternir l’image de leur soi-disant bonne gouvernance!

Je crois qu’il y en a aussi qui se plaisent à remuer le couteau dans les plaies des autres juste pour leur plaisir! »

Plus de détails sur cette affaire sont disponibles dans cet article publié par Jambonews le 11 août 2011. 

1 COMMENT

  1. Ruhumuza Mbonyumutwa a bien répondu aux experts en aboiements du régime Kagame.
    Il convient de préciser que c’est celui-ci qui a fait kidnapper, séquestrer et emprisonner veuve Rwigara et ses filles. Rumuza a bien précisé la chronologie des faits. Les déclarations de Kagame et celles de sa ministre des affaires étrangères d’alors ou Nyiragasuku à savoir Mushikiwabo Louise sur les prisonnières de Kagame sont sur l’étoile.Elles ont été lues par des milliers de Rwandais et étrangers. Les déclarations de Nduhungirehe sont truffées d’incohérences manifestes. Dès lors qu’il est établi que c’est Kagame qui, en fait, a emprisonné veuve Rwigara ses filles et que c’est bien encore lui qui les a libérées, par ses déclarations, Nduhungirehe reconnaît que le régime dont il est chantre et serviteur est un régime dictatorial.
    Sur l’acquittement, il ne s’agit pas d’acquittement au sens juridique du terme mais d’exécution d’injonction du Président américain Trump et la demande des parlementaires américains quant la cessation de harcèlement et méfaits en tout genre à l’endroit de Diane Rwigara et sa mère.
    Il est de notoriété publique que Nduhungirehe et ceux que l’on appelle juges ne disposent d’aucune autonomie de décision. Ils sont les obligés de Kagame. Pour montrer qu’ils sont au service de celui-ci et son régime, ils rivalisent dans les divagations. Le ridicule est pour eux un mot dépourvu de sens.
    Je rappelle à Nduhungire ce qui suit.
    Pierre Claver Rwangabo a été assassiné par son chauffeur sur ordre de Kagame, alors qu’il était préfet de Butare sous le régime de celui-ci.
    Docteurs Gatera Joffrey, Gahungu Newport John, Marutso Etienne, Kayihigi Joseph, des centaines d’autres médecins, d’assistants médicaux, infirmières et agents hospitaliers ont été exécutés par les soldats du FPR et les escadrons de la mort sur ordre de Kagame.
    Le Rwanda bat le record en nombre de prisonniers politiques et de disparus, hommes et femmes de toutes conditions. Les cadavres du lac Rweru en sont la parfaite illustration du caractère dictatorial du régime Kagame.
    Des centaines de soldats d’ex-FAR grièvement blessés hospitalisés à l’hôpital militaire de Kanombe ont été effroyablement exécutés sur le lit d’hôpital. Les membres de leurs familles ont vainement effectué des recherches ne serait que pour trouver les restes de leurs corps pour qu’ils puissent les enterrer dignement. Les bouchers n’ont laissé aucun survivant.
    Madame Iragena Illuminée ou la Voix des enfants de rue appelés déchets par Kagame a été kidnappée par les escadrons de la mort du régime Kagame. Son corps n’a jamais été retrouvé.
    J’ai passé cinq ans ferme en 1930 pour avoir commis le crime d’évocation d’existences de Bahutu, Batutsi et Batwa au Rwanda et corrélativement l’existence du régime Tutsi sous la direction de Kagame, le tout sans dossier. J’ai dormi au milieu de cadavres.
    Professeur Runyinya Barabwiliza a passé 17 ans en prison non pas parce qu’il avait commis le génocide dit des Batutsi mais pour être Hutu, intellectuel et ex-collaborateur du Président Habyarimana. Il convient d’observer qu’alors que lors de son procès folklorique, les faux témoins présentés par le ministère publics ont été démasqués par leurs contradictions. In fine, les juges ont été contraints de reconnaître qu’il est victime de la tyrannie du régime et l’ont conséquemment acquitté. Le comble est que les mêmes juges qui ont reconnu que Runyinya a été arbitrairement emprisonné, n’ont pas condamné le Rwanda à le dédommager pour préjudices matériels et moraux subis comme l’ont fait les juges de la CADHP dans l’Affaire Ingabie Umuhoza Victoire. Cela montre une fois de plus que le régime Kagame est un régime dictatorial et sanguinaire. Nduhungirehe excelle dans les divagations aux seules fins de prouver à son maître qu’il est un bon serviteur de son régime. Par ailleurs, il est fantaisiste de comparer le cas Runyinya avec celui de Diane Rwigara. Feu Rwigara a refusé d’être racketté par Kagame et certains oligarques de son régime. Il a refusé de donner certaines parts sociales et actions de ses sociétés à Kagame et autres. C’est pour ce motif que Kagame l’a liquidé nonobstant sa contribution financière et matérielle à l’effort de guerre déclenchée par Kagame et autres contre le gouvernement qui a fait Rwigara, le tout aux seules fins de s’emparer du pouvoir par la force et conséquemment réduire les Hutu à un nombre acceptable par lui, que le même Kagame a tenté de réduire à la mendicités des héritiers du feu Rwigara à savoir sa veuve et ses filles par divers méfaits à leur endroit dont l’emprisonnement sur la base des accusations fabriquées par lui. Runyinya été emprisonné pour les motifs ci-dessus indiqués. Son cas n’est pas unique.
    Je demande aux Rwandais, membres des familles de disparus d’octobre 1990 à ce jour d’apporter leur contribution à la manifestation de la Vérité en envoyant aux divers sites internet dédiés les noms et prénoms, dates ou années et lieux de disparitions des leurs. Il en est de même des membres des familles des soldats d’ex-FAR exterminés sur le lit d’hôpital à hôpital militaire de Kanombe. Sur l’acquittement définitif d’Ingabire Umuhoza Victoire par la CADHP et conséquemment la condamnation de l’Etat Rwandais à payer plusieurs millions de nos francs à celle-ci pour préjudices matériels et moraux subis, Nduhungirehe qui a disserté sur le cas de Diane Rwigara et sa mère et encensé le régime dont il est serviteur et chantre reste muet. Il en est de même l’arrêt enjoignant Kagame a respecter les droits fondamentaux d’Ingabire Umuhoza Victoire et leur plein exercice par celle-ci. Si le Rwanda est un Etat de droit, que Nduhungirehe explique pourquoi plusieurs affaires des Rwandais contre le Rwanda sont pendantes devant la CADHP pour violation flagrante de leurs droits fondamentaux.

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