1. Contexte général
Neuf membres FDU Inkingi, arrêtés début septembre 2017, viennent de
passer plus d’une année en détention préventive. Le dixième co-accusé à
savoir Monsieur TWAGIRIMANA Boniface, premier vice-président des FDU
Inkingi, est porté disparu depuis Octobre 2018, alors qu’il était entre
les mains de l’État. Il a été séparé de ses collègues à la prison de
Mageragere près de la capitale Kigali et transféré à la prison de haute
sécurité de Mpanga cinq jours seulement avant sa disparition. Plusieurs
sources et analyses portent à penser qu’il pourrait bien être une
opération des services de ‘Etat.
C’est dans ce cadre que l’équipe de la défense a demandé, lors de la
séance du 12 Février 2019, une libération provisoire des neuf membres et
une enquête approfondie sur la disparition du Premier Vice-Président Mr
Boniface Twagirimana.
Ils sont poursuivis devant les tribunaux rwandais sur bases des articles
200 i.e. formation d’une armée irrégulière ou en faire partie, et 203
i.e. conspiration contre le pouvoir établi ou le président de la
république
2. Cadre légal
Il est clair à toute personne de bonne foi que ce procès fait partie des
barrières légales que le gouvernement a mis en place pour empêcher
l’opposition de fonctionner proprement dans le pays. A titre d’examples :
a. Loi organique no 10/2013/OL du 11/7/2013 portant organisation des
Formations Politiques et des Politiciens dans ses articles 8,11 alinéa
2,12 alinéa c, art 13 alinéas 3 et 5, 19 alinéas 4,5 et 6, 39 alinéa 2
et art 40 al 2
Article 12 (c): Documents accompagnant la demande d’enregistrement d’une formation politique comprennent entre autres « un extrait du casier
judiciaire indiquant qu’il n’a pas été condamné, et dans le cas
contraire, l’infraction commise et la peine lui infligée » et article 13
(5) relatif aux conditions pour être membre des organes de direction
d’une formation politique, une des conditions est « n’avoir pas été
condamné à une peine d’emprisonnement égale ou supérieure à six (6) mois »
b. Code Pénal dans ses articles portant sur les infractions contre la
sureté de l’Etat, les infractions contre la sécurité publique et les
infractions contre le pouvoir en place.
Différents articles ont été utilisés contre les opposants au Rwanda. A
titre d’exemples 6 membres des FDU ont passé une année en prison
soi-disant qu’ils n’ont pas donné les informations aux autorités locaux
quand ils ont rencontré notre Secrétaire Général Sylvain Sibomana qui
les avait justement vu pour les recruter dans notre parti.
Aujourd’hui le Secrétaire général de notre parti est entrain de purger
une peine de 8ans soi-disant qu’il a incité au soulèvement de la
population contre le pouvoir selon l’article 204
Moi-même j’ai été condamné par les tribunaux rwandais à 15 ans de prison
sur base des articles 191, conspiration, 204 incitations au soulèvement
de la population, et sur base de la loi 84/2013 punissant ceux qui sont
accusé d’avoir l’idéologie du génocide.
3. Décision de la Cour à la demande de l’équipe de défense FDU-Inkingi.
En ce qui concerne les neuf membres des FDU-Inkingi, lors de la séance
du 12/2/2019, leurs avocats avaient demandé leur libération provisoire,
mais aujourd’hui, les juges ont statué qu’ils devaient demeurer en
détention, sous prétexte que les infractions dont ils sont accusés sont
très graves.
En ce qui concerne la disparition de notre premier vice-président,
Boniface Twagirimana, le 12/2, l’avocat avait demandé au Tribunal
d’autoriser une enquête approfondie sur sa disparition. Aujourd’hui, la
Cour a répondu qu’elle était satisfaite de la version officielle donnée
par les services pénitentiaires, qui est contredite par des témoignages
des personnes qui étaient sur les lieux le jour de sa disparition.
Il est étonnant que les juges n’aient pas commandé une enquête comme
nous l’avions demandé lorsqu’il y a des indices sérieux qui contredisent
la position officielle des services pénitentiaires.
Nous avons été surpris parce que dans d’autres cas où un prisonnier
s’échappe de prison, les autorités pénitentiaires lancent une recherche
dans tout le pays et même les autorités compétentes émettent des mandats
d’arrêt. Cependant, dans le cas de notre vice-président, rien de tel
n’est arrivé. C’est plutôt les membres de sa famille sa mère, son petit
frère qui ont été embarqué par RIB pour des interrogatoires musclés et
après que nous avons eu critiqué les autorités pour ne rien faire. Nous
avions pose la question de savoir pourquoi aucune enquête sérieuse et
immédiate n’a jamais été diligentée par les services compétents et que
sa propre famille, n’ai été interrogée qu’après 3 semaines ! Ce n’est
donc qu’a posteriori que des agents de l’État sont allés confisquer les
téléphones de certains membres de famille Twagirimana.
Une autre raison pour laquelle nous n’acceptons pas la version
officielle, c’est que M. Boniface Twagirimana a reçu la visite de sa
femme deux jours avant sa disparition. Selon sa déclaration, son mari
n’avait montré aucun signe de désespoir au point de tenter une évasion
aussi spectaculaire. Au contraire, il espérait sortir de prison bien
tôt. Il croyait que ma libération préfigurait une ouverture politique et
surtout que j’avais déclaré que je plaiderai pour leur libération.
Enfin les gardes de prison affirment que M. Boniface Twagirimana, a été
emporté par un véhicule de l’Etat.
La décision de la cour ne va pas changer notre détermination à chercher
la justice pour notre camarade de lutte pour la démocratie au Rwanda.
Ainsi nous allons saisir La Cour de Justice de l’Afrique de l’Est sur le
cas de la disparition suspecte de Twagirimana. Nous avons également
saisi le Groupe de travail sur les disparitions forcées des Nations
Unies base à Genève.
Légitimité
Vu ces barrières basées sur la légalité, la question que tout le monde
se pose est de savoir ce que les FDU vont faire devant ce mur des lois
ou les violations répétées des droits de l’homme dont leurs membres sont
souvent victimes
Même si les lois ont été mises en place pour nous empêcher de
fonctionner, nos revendications pour le respect de nos droits civils et
politiques sont légitimes. Ils sont reconnus par notre Constitution et
par les traités et conventions internationaux que notre pays a signés et
ratifiés. Nous continuerons donc à lutter pacifiquement pour l’ouverture
de l’espace politique et pour le plein développement du multipartisme au
Rwanda afin de permettre à l’opposition de jouer son rôle de garde-fou
contre l’abus du pouvoir et de fournir une alternative au peuple
rwandais.
Nous avons le devoir d’aider les autorités de notre pays de comprendre
qu’il est possible de construire une opposition constructive dans notre
pays et que c’est pour le bien-être de tous les rwandais.
Nous avons le devoir d’aider le peuple rwandais à surmonter la peur qui
l’empêche de dénoncer les injustices sociales dont il est victime.
Nous sommes conscients que notre engagement pour la démocratisation de
notre pays n’est pas un évènement mais un processus.
Je vous invite tous à être la voix qui réclame que le Rwanda soit
démocratique, respecte l’état de droit et soit soucieux de l’égalité des
chances pour tous les rwandais.
Nyanza 22/02/2019
Victoire Ingabire Umuhoza
Présidente des FDU-Inkingi.