ODHR : ALERTE SUR LA DISPARITION DE DEUX AVOCATS RWANDAIS

Maître Jean-Claude Muhikira et Maître Donat Mutunzi

Déclaration de l’Observatoire des Droits de l’homme au Rwanda

L’ODHR est préoccupé par les disparitions de deux avocats au Rwanda au cours des mois de mars et avril 2018.

  • Cas de Maitre MUHIKIRA Jean Claude : 

Maître MUHIKIRA Jean Claude avocat au Barreau du Rwanda n’a pas fait signe de vie depuis le 20 mars 2018 alors qu’il venait de dire à ses proches par téléphone qu’il rentrait.

Il est avocat inscrit au tableau du Barreau rwandais depuis 2008. Il est âgé de 55 ans, marié et père de 3 enfants. Il habite avec sa famille à Ntaraga, secteur de Kimisagara dans la Ville de Kigali. Il est porté  disparu depuis mardi le 20 mars 2018 à Kigali au Centre-ville de Kigali vers 18 heures locales. Sa disparition a été signalée jeudi 22 mars 2018 à la police (CID) et jusqu’à présent aucune suite de la part de cette institution.  Dans l’attente de la suite, la famille a publié l’information sur Igihe.com.

Bien que publiée dans les médias (igihe.com), sa disparition n’a pas suscité beaucoup de réactions comme si elle était normale. Les circonstances de sa disparition ne sont pas claires. Des sources crédibles témoignent que ce jeudi 19 avril 2018, Maître MUHIKIRA Jean Claude aurait parlé à ses proches par son téléphone habituel pour leur annoncer qu’il était à la frontière rwando-ougandaise en route vers Kigali.

Ce qui est inquiétant est que Maître MUHIKIRA n’avait prévu ni annoncé aucun déplacement de ce genre. Pour un voyage non annoncé et réapparition sur téléphone après un mois et à la frontière avec un pays voisin, ceci laisse plusieurs zones d’ombres sur ce qui se serait passé durant le moment où il n’a pas fait signe de vie.

L’ODHR recommande de continuer plus que jamais des actions de recherche jusqu’à ce que Maître MUHIKIRA soit de retour dans sa famille.

  • Cas de Maitre MUTUNZI Donat.

Maitre MUTUNZI Donat est inscrit au tableau des avocats au Barreau rwandais depuis  2007. Il est marié. Il habite avec sa famille dans la Ville de Kigali. Des sources crédibles sont informées par l’épouse de Maître MUTUNZI Donat que ce vendredi 13 avril 2018, MUTUNZI serait allé travailler dans son cabinet mais que depuis lors il n’est pas rentré. Il n’est pas à son cabinet et des appels à son téléphone ne passent plus depuis une semaine. Nous attendons plus d’informations pour connaitre les détails des circonstances de sa disparition.

Les disparitions de deux avocats en moins de deux mois, selon les témoignages recueillis, ne présagent rien de bon et cela pourrait arriver à n’importe qui et n’importe quand au Rwanda.

Le cas de Maître MUHIKIRA ressemble étrangement au cas du chanteur Kizito MIHIGO et du journaliste Cassien NTAMUHANGA qui ont été porté disparu en mars 2014 et sont réapparus quelques semaines plus tard pour être ensuite réarrêtés.

Les cas de disparitions sont très fréquents au Rwanda et le Gouvernement rwandais les a toujours niés[1] et n’a pas signé et ratifié jusqu’à présent la convention internationale pour la protection contre les disparitions forcées malgré les recommandations  dans les différents  rapports lors des Examens périodiques universels (EPU devant le Conseils des Nations Unies pour les Droits de l’Homme  et des procédures en rapport avec le traité contre la torture devant le Comité contre la torture au niveau des Nations Unies[2]. Ceci rappelle également les cas du Colonel CYIZA Augustin et du Député HITIMANA Léonard disparu en 2003. Les autorités rwandaises ont toujours nié l’implication des forces de sécurité et dit qu’ils ont fui[3] dans un autre pays mais n’ont jamais pu prouver qu’ils étaient vivants.

D’autres cas de disparitions[4] ont été signalées dans les rapports alternatifs soumis au CAT par la FIDH notamment La disparition de Jean-Wilson Habimana en 2013 dans la province de l’Ouest, district de Nyamasheke, secteur Kagano, celle de Boniface Muragijimana le 21/12/2013 dans le district de Rusizi, secteur Muganza , celle de Jean Bosco Ugiramahirwe le 24/12/2013 dans le district de Rusizi, secteur Bugarama, celle de Jean Damascène Munyeshyaka, représentant du Parti Démocratique des Verts, le 26/06/2014 dans le district de Bugesera  ». Cette situation a été aussi dénoncée dans les rapports de HRW[5] malgré les contestations du gouvernement rwandais.

L’ODHR reste préoccupé par cette situation récurrente qui semble être entretenue sciemment dans le pays et qui laisse planer un climat de terreur parmi la population. Quel que soit le but poursuivi par les autorités publiques et privées, toute personne qui porte atteinte à la vie doit être poursuivie. Les disparitions forcées constituent des atteintes à la vie et actes amenant les autorités à agir hors légalité ; elles doivent être combattues par tout gouvernement qui s’estime légitime à protéger sa population et à garantir une justice transparente.

Fait à Paris ce 20 avril 2018

Pour l’ODHR

MUNYANDILIKIRWA  Laurent

Coordination  ODHR

 

[1]  Igihe.com :  Polisi y’u Rwanda iratangaza ko nta bantu baburirwa irengero mu Rwanda (notre traduction : « La Police Rwandaise déclare qu’il n’ya pas de disparitions  au Rwanda »); rédigé le17 mai 2014 par – www.igihe.com/amakuru/u-rwanda/article/polisi-y-u-rwanda-iratangaza-ko#.

[2] Union des Parlementaires : Rwanda  RW06 – Léonard Hitimana –  Décision adoptée par le Comité des droits de l’homme des parlementaires à sa 152ème session (Genève, 23 janvier au 3 février 2017)»

[3] Union des Parlementaires : –    dans cette décisions- un extrait : « les autorités ont toujours affirmé que M. Hitimana avait fui dans un pays voisin, qu’Interpol avait lancé un avis de recherche de personne disparue, …..les informations communiquées au fil du temps par divers plaignants et sources d’information ont permis de reconstituer les circonstances supposées de la disparition de M. Hitimana :  – tard dans l’après-midi du 7 avril 2003, des témoins ont vu des agents du Service de renseignement militaire (DMI) intercepter la voiture de M. Hitimana ; ces agents l’auraient emmené au camp militaire de Kami où, sur ordre de leur hiérarchie, il aurait été torturé et tué par un officier du DMI nommé John Karangwa, qui était alors directeur adjoint chargé du contre-espionnage ; la dépouille de M. Hitimana a ensuite été transférée en un lieu inconnu; des personnes faisant leur ronde au poste frontière de Kaniga auraient vu la voiture de M. Hitimana et celle des militaires ; sa voiture aurait été amenée par la police ou des agents de renseignement à Byumba où elle serait restée un mois ; des représentants de M. Hitimana l’ont par la suite récupérée ; la police les aurait informés que celle-ci était dans l’état dans lequel on l’avait trouvée près de la frontière avec l’Ouganda…. »- http://archive.ipu.org/hr-f/Comm152/RW06.pdf- , consulté ce 20 avril 2018

[4] FIDH :  62ème session – Novembre 2017 Examen du rapport du Rwanda – Rapport alternatif de la FIDH sur la rapport soumis par le Gouvernement du Rwanda en application de l’article 19 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitement cruels, inhumains ou dégradants. http://tbinternet.ohchr.org/Treaties/CAT/Shared%20Documents/RWA/INT_CAT_CSS_RWA_29184_F.pdf- consulté ce 20 avril 2018.

[5] https://www.hrw.org/fr/news/2014/05/16/rwanda-vague-de-disparitions-forcees  et   https://www.hrw.org/fr/news/2017/11/01/rwanda-une-tentative-de-nier-les-meurtres-