ONU : Ne tirez pas sur des innocents!

Les principaux partis politiques d’opposition au régime rwandais (FDU-Inkingi, RNC-Ihuriro Nyarwanda, Amahoro People’s Congress, PDR-Ihumure, PS-Imberakuri, PDP-Imanzi) sont unanimes pour dénoncer l’option belliqueuse de l’ONU comme réponse à un problème politique.

Dans une lettre datée du 12 janvier 2015 mais rendue publique le 22 janvier, les principaux partis politiques d’opposition  ont attiré l’attention de la Communauté Internationale sur la dangerosité et l’injustice des opérations militaires que le Conseil de Sécurité de l’ONU ordonne ordre à ses troupes de mener sur les réfugiés rwandais à l’Est de la RDC en général et sur le  groupe FDLR en particulier.

     Contexte

Depuis le 02 janvier 2015, le monde retient son souffle car d’un moment à l’autre, les troupes des Nations Unies peuvent déclencher une vaste offensive à l’Est de la RDC censée éradiquer les combattants d’origine rwandaise regroupé   dans un mouvement politico-militaire – FDLR- créé en 2000 et depuis lors basé dans cette zone.

Pour les moins intéressés par les problèmes de la Régions des Grands Lacs, cela n’a rien de spécial que l’ONU ordonne à ses troupes de démanteler un groupe armé si pour ramener la paix dans la zone où elles sont déployées, il faut passer par là. Mais pour les observateurs avisés, le cas est plus que spécial et risque même de devenir tristement historique car inédit dans les annales des Nations Unies. En effet, il est quand même extraordinaire et même rare, que le Conseil de Sécurité de l’ONU, censée assurer la paix et la sécurité dans le monde, refuse la main tendue pacifiquement par un groupe armé qui se bat contre un régime dictatorial, qui dépose volontairement les armes et qui demande uniquement que ses revendications politiques soient entendues,  mais que l’ONU plutôt s’obstine à exiger une action armée contre ces combattants de la liberté,  tout ça pour faire plaisir à un des Etats membres de la même ONU dont le régime installé par la force en 1994 est notoirement connu pour ses actions contre la paix dans la région et ses violations des Droits de l’Homme à l’intérieur.

Dans le cas d’espèce, le groupe armé FDLR s’est résolu à déposer les armes avant de négocier les conditions de leur retour au Rwanda en toute dignité et sécurité. Ce groupe, dont les experts estiment que ses effectifs avoisinent 1.200 à 1.500 combattants avait, depuis juillet 2014 jusqu’au 02 janvier 2015, pour déposer les armes et mettre ses combattants et leurs dépendants aux mains de la RDC et de l’ONU pour être cantonnés en attendant la suite des événements.

Pendant cette période, et en trois vagues, plus de 300 combattants ainsi que leurs dépendants (femmes et enfants) ont pu être acheminés à travers la jungle et parcourant des centaines de kilomètres à pied jusqu’aux zones de regroupement au Sud et au Nord Kivu qui leur avaient été indiquées.

Au premier janvier 2015, un premier contingent avait déjà été délocalisé à Kisangani dans un camp de l’ONU comme s’était prévu. Dès le 02 janvier 2015, avant même qu’il n’ait reçu le rapport d’évaluation de comment s’étaient déroulées les opérations de désarmement volontaire des FDLR et éventuellement analyser pourquoi tous les combattants n’avaient pas été regroupés avant la date fatidique du 02 janvier 2015, le Conseil de Sécurité déclara la guerre à l’Est de la RDC au motif que son ultimatum du 02 janvier 2015 n’avait pas été respecté.

Depuis lors, les appels à la guerre, les menaces, les intimidations sont devenues le leitmotiv des instances de l’ONU à New York comme en RDC et dont les déclarations semblent être rédigées directement au Village Urugwiro, siège de la Présidence du Rwanda !

Principe foulé aux pieds avec un prétexte douteux

En optant pour la guerre aux réfugiés rwandais en RDC dans un cas où l’option pacifique était pourtant envisageable, l’ONU foule ainsi aux pieds son idéal comme contenu dans le Chapitre I de la Charte. Du coup, en usant abusivement du Chapitre VII de la même Charte, le Conseil de Sécurité perd de sa crédibilité tout cela pour faire plaisir à un de ses Etats membres qu’est le Rwanda. Le Conseil de Sécurité justifie l’usage de la force contre les FDLR notamment en soulignant que ce groupe constitue une menace pour la paix internationale et dans la région mais surtout pour le Rwanda. Or, le Rwanda lui-même déclare à qui veut l’entendre que les FDLR ne constituent en aucun cas une menace pour sa sécurité. Le ministre de la défense du Rwanda, qui est l’ancien Chef d’Etat Major de l’Armée Congolaise, le général James Kabarebe, a lui-même récemment déclaré que les combattants de FDLR ne peuvent même pas rester sur le sol rwandais plus d’une heure s’ils osaient l’envahir militairement.

Pour avoir commandé l’offensive qui a chassé le maréchal Mobutu du pouvoir, pour avoir été Chef d’Etat Major de la RDC pendant deux ans, et par la suite pour avoir en tant que Chef d’Etat Major de l’Armée Rwandaise puis comme Ministre de la Défense ordonné et supervisé les opérations « Kimia I et Kimia II, Umoja Wetu » censées éradiquer les FDLR à l’Est de la RDC, l’analyse du général Kabarebe devrait être prise au sérieux.
Quant à la paix et la sécurité régionale, tous les observateurs ainsi que la société civile dans la région sont unanimes pour dire que les réfugiés hutu en  RDC sont mieux intégrés et acceptés par les populations autochtones que d’autres et que les zones occupées par les FDLR sont les plus sûres du Nord et du Sud Kivu.

Tuer une mouche avec un marteau

Selon les dernières estimations de l’ONU elle-même, les combattants des FDLR seraient réduits entre 1.200 et 1.500 hommes mal encadrés, mal armés et en mauvaise santé… Désormais à ce chiffre, il faudra retrancher le nombre de 350 combattants déjà mis aux mains de la MONUSCO et cantonnés à Kisangani pour certains en attendant leur sort. C’est donc en définitive moins de 1.000 malheureux hères dispersés sur un territoire cinq fois plus grand que le Rwanda qui constituent l’objectif de la fameuse Brigade d’Intervention l’ONU intégrée dans la MONUSCO en appui à la vaillante armée de la RDC, les FARDC, dont les effectifs dépassent les 100 mille hommes ! Pour rappel, cette Brigade de 3.000 hommes est composée d’unités spécialisées comprenant des chars de combat, des hélicoptères d’attaque, de l’artillerie lourde et des éléments de reconnaissance dont les fameuses et désormais célèbres drones. L’on se demande comment les commandants militaires, techniciens sur le terrain vont faire pour ne pas paraître (ou  souffrir d’être) ridicules en déployant une telle armada dans le vide contre un « ennemi » qui n’en est pas un, mais malgré tout désigné et imposé par Kigali.

Dégâts collatéraux humainement énormes mais politiquement « insignifiants » pour l’ONU

D’après le dernier décompte du Haut Commissariat de l’ONU pour les Réfugiés HCR, quelques 250.000 (deux cents cinquante mille) réfugiés rwandais se trouvent encore en RCD principalement dans le Nord et Sud le Kivu. C’est justement dans ces provinces que sont localisés les combattants des FDLR, en fait parmi ces réfugiés, et donc où vont être dirigées les attaques militaires de l’ONU. Si l’on en croit les porte- paroles de la MONUSCO surtout un certain  Général Abdallah Wafy, les dégâts collatéraux, entendez la mort ou la disparition des réfugiés lors de ces opérations sont insignifiants pourvu qu l’on parvienne à éliminer le petit millier de combattants hutu mal armés même si pour cela il faudrait déplorer la perte de plus de 200.000 civils innocents. rwandais et congolais confondus.

Mettre le M23 dans la balance 

L’autre argument que les va-t-en guerre de New York avancent pour transformer l’Organisation censée assurer la paix en un bloc militaire prêt à mener des opérations dans la région des Grand Lacs est que les combattants hutu des FDLR devraient subir le sort desTutsi du M23.

Rappelons que le M23 est cette nième rébellion tutsi née sur les cendres du CNDP de Laurent Nkunda aujourd’hui replié au Rwanda et qui, après s’être emparé de presque toute la province du Nord Kivu et surtout de son chef-lieu Goma, fut chassé et définitivement défait par la Brigade d’Intervention de la MONUSCO en décembre 2013.

La défaite militaire du M23 était conditionnée à une approche politique qui incluait la pris en compte par le gouvernement de la RDC des revendications du M23. Effectivement après sa défaite, le M23 a passé plusieurs semaines en négociations avec la RDC à Kampala et jusqu’à maintenant les accords conclus sont en train d’être mis en application. Contrairement au M23, les FDLR qui pourtant ont d’elles mêmes opté pour l’abandon de l’option militaire et qui ne demandaient que la prise en compte de leurs revendications politiques légitimes, se voient refuser toute référence à un quelconque droit politique au Rwanda. Que donc l’ONU,  à travers le patron de la MONUSCO Monsieur Kobler, cesse de berner le monde en disant que cela se passera comme pour le M23 ou alors qu’il pousse la logique jusqu’à dire aussi que les revendications politiques des FDLR seront prises en compte après leur neutralisation militaire; ce que Kigali lui ferait payer cher !

Coup de théâtre de dernière minute: les Forces Armées de la République Démocratique du Congo (FARDC) ont annoncé avoir lancé seules, sans les troupes de l’ONU, la très attendue et médiatique offensive pour écraser les FDLR.

Dans une déclaration faite à Beni au Nord Kivu ce 29 janvier 2015, le Chef d’Etat Major général des FARDC le général Didier Etumba a surpris tous les
observateurs en déclarant que
son armée venait de lancer l’offensive baptisée du nom de code de « Sokola 2 » selon ses propres plans tandis que la MONUSCO serait appelé à les appuyer s’il en était besoin.

Il est encore trop tôt pour connaître les tenants et les aboutissants dans cette saga macabre dans laquelle les puissances se disputent le palmarès de qui versera le plus de sang des réfugiés hutu en RDC. Quant au bilan de « Sokola 2 », il ne serait être moins lourd que ceux de Kimia I et II et autre « Umoja Wetu » auxquels était associée l’armée de Paul Kagame, cette fois-ci remplacée par la MONUSCO, aux côtés des mêmes FARDC. Bilan : des milliers de morts, des civils pour la plupart, mais les FDLR (moins de 1500 combattants) toujours déclarés intacts !

Aussi cynique et insensé que cela puisse paraître, il semble que la fameuse Communauté Internationale soit convaincue que l’élimination physique des réfugiés hutu en RDC constitue un solution, et se soit fixée un objectif chiffré en nombres de victimes hutu en RDC pour considérer que le problème politique qu’ils posent soit complément résolu. Quelle naïveté !

Les problèmes politiques du Rwanda ne seront jamais résolus par l’élimination physique des opposants désignés par le régime dictatorial installé à Kigali depuis 1994.

Emmanuel Neretse
31/01/2015

musabyimana.net