Procès Ngenzi-Barahira: 06, 07 & 08 Juin 2018 : J 20, J 21 & J 22

Interrogatoire de Ngenzi sur la période entre le 7 et le 12/04/1994

La journée du 7 avril 1994. Questions pour NGENZI:

Pourquoi vous n’avez pas estimé utile d’aller à l’église pour vous rendre compte de la réalité ?

Réponse de NGENZI : le prêtre et moi nous nous voyions régulièrement tous les jours. Le prêtre me donnait les informations sur l’état des réfugiés. J’étais au courant de l’état de détresse des réfugiés.

Pour cette journée du 7 avez-vous contacté le préfet pour savoir ce qu’il prévoyait afin de sécuriser la population ? Est-ce que l’enregistrement des réfugiés a été initié ce 7 avril, ou cela a été fait plus tard ?

Réponse de NGENZI : il explique que le 7, il y avait 2 réfugiés à l’église, comme l’explique INCIMATATA. NGENZI explique que la journée du 7, il n’alerte pas la préfecture car le Préfet lui-même aurait dû prévenir les bourgmestres les informer des mesures en mettre en place pour sécuriser la population. Cela n’a pas été le cas. Il n’y a pas eu de contact avec le préfet cette journée du 7 Avril.

Sur la journée du 8 Avril:

NGENZI donne un policier à l’abbé pour aller chercher les vivres à l’évêché à KIBUNGO.
INCIMATATA explique que NGENZI était à la réunion du comité préfectorale de sécurité convoquée par le Préfet. A cette réunion, NGENZI explique qu’INCIMATATA a dit un non-sens lorsqu’il explique que NGENZI y était car il avait vu une voiture rouge à KIBUNGO.

Q : comment s’est passée la convocation de la réunion ?
R : par radio Rwanda. NGENZI explique qu’il n’avait pas de poste radio dans la voiture communale qu’il conduisait. Il n’avait pas entendu cette convocation, il ne s’est pas rendu à cette réunion. De toutes les façons, il y avait une urgence dans la cellule de RUBIRA.

Le 8 avril KAJANAGE passe au domicile de NGENZI dans la matinée, il ne le trouve pas là, et se rend au bureau communal. KAJANAGE apprend à NGENZI que sa famille y a été exterminée. Il lui demande d’intervenir en qualité d’ami et en qualité de Bourgmestre pour aller les faire enterrer.

Qui avait il perdu durant cette attaque ?
Réponse : il y avait sa mère, son grand frère et ses enfants. KAJANAGE lui donne un billet de 1000 francs RWANDAIS pour remercier les personnes qui vont l’aider à enterrer sa famille, comme le prévoit la coutume. NGENZI se rend à RUBIRA avec 2 policiers.
Q de la Présidente : vous vous y rendez avec les kalachnikovs.
Réponse de NGENZI : il explique qu’il n’était pas armé, qu’il ne sait pas manipuler les armes.

NGENZI explique qu’il passe d’abord chez le conseiller pour prendre plus d’informations. Il trouve le conseiller malade, ils discutent au chevet de son lit, celui-ci ne pouvant l’accompagner. NGENZI descend et passe à côté de chez un prénommé BAKAME Antoine. Il s’y trouvait un attroupement de personnes qui voulaient récupérer un réfugié, une personne au nom de RUKINGA qui était poursuivie par des tueurs. NGENZI s’y est attardé pour discuter avec les assaillants pour les convaincre de laisser cette personne sauve.
Ce groupe était très menaçant, il a menacé NGENZI de s’en prendre à sa famille, en rappelant que sa mère aussi est tutsi, que s’il continue de vouloir les empêcher de commettre les massacres, ils allaient s’en prendre à lui directement.

NGENZI réussit après négociations à récupérer RUKINGA sain et sauf et le dépose à sa demande à l’église, avant d’acheminer au centre de santé de Kabarondo puis à l’hôpital de KIBUNGO un jeune homme gravement blessé qui était avec RUKINGA.

De l’hôpital de KIBUNGO, une fois le blessé remis entre les mains des soignants, NGENZI se rend chez le Préfet. Il lui raconte ce qui se passe dans sa commune, les meurtres qui ont été commis. Le préfet aussi lui fait un compte rendu des mesures prises lors de la réunion à laquelle NGENZI a manquée. Les mesures prises consistent pour chaque bourgmestre de réunir la population, leur dire de se calmer, de ne pas s’entre-tuer, d’établir des rondes nocturnes afin d’assurer la sécurité.

Le préfet ne lui donne aucun moyen supplémentaire, il lui dit d’utiliser les moyens à sa disposition à savoir la voiture communale et les policiers communaux. C’est à dire moyens dont il avait déjà recours, mais insuffisants face aux événements.

Sur l’accusation de l’histoire des chèvres pillés aux familles tutsi, et que les tueurs étaient entrain de manger quand NGENZI les a trouvés, NGENZI dément formellement avoir prononcé les paroles selon lesquelles il aurait dit : « vous n’avez pas honte de manger les chèvres pendant que leurs propriétaires sont vivants! » NGENZI rappelle que plus de 4 témoins sont passés devant la Cour et ont répété cette phrase que NGENZI aurait prononcé et qui aurait été le déclenchement des massacres de tusti, mais ces différents témoins se trouvaient dans des cellules voir secteurs différents au moment où ces faits auraient été commis. Un témoin dit que ce fait s’est passé à GASHARU, l’autre dit que cela s‘est passé à CANIMBAGARA, l’autre à NYABIKENKE. NGENZI fait remarquer que cette histoire est une pure invention.

NGENZI ajoute que le policier NDOBA qui témoigne de cela est aussi sous la contrainte d’un certain RYAKA qui est du FPR, de ce fait il ne peut que corroborer les accusations montées pour faire tomber le bourgmestre.

Sur la question de savoir pourquoi NGENZI n’est pas retourné à KIBUNGO pour connaitre l’état de santé du jeune homme blessé, NGENZI explique qu’il était débordé, la situation devenait pire en pire, il avait d’autres urgences à gérer, et le jeune homme était resté entre de bonnes mains.

Sur la journée du 9 avril :

NGENZI avait organisé une réunion, au cours de celle-ci il apprend qu’il y a des troubles dans le secteur BISENGA, qu’une famille a perdue la vie. NGENZI laisse alors le conseiller RWASAMIRERA et l’abbé INCIMATATA continuer la réunion pendant que lui intervient dans ce secteur. Arrivé au centre de RUGAZI, il trouve un groupe de 15 personnes environ, ils sont armés, ils dégoupillent une grenade. Les policiers chargent aussi leurs fusils, mais NGENZI leur dit de les décharger, car le groupe armé était plus fort en armes et en nombre. Ils y auraient laissé leur vie s’ils allaient à l’affrontement.

NGENZI commence la discussion afin de les calmer et obtenir qu’ils baissent les armes. Il réussit à calmer ce groupe, le calme revient dans ce secteur. Le témoin GATIMBIRI confirme que le calme est revenu, il n’y a pas eu d’autres troubles pendant les jours qui ont suivi. NGENZI explique que malheureusement, le calme est revenu après le décès d’une famille, d’autres s’étaient réfugiés pour échapper aux meurtriers.

De retour sur le chemin vers KABARONDO, NGENZI rencontre une dame au nom de NYIRAMASHASHI. Celle-ci accoure vers lui, elle lui dit qu’elle est poursuivie. Il la fait monter dans la camionnette, elle et ses 2 petits-enfants et les dépose vers l’église. NGENZI affirme que c’est grâce à lui que cette femme et ses 2 enfants ont eu la vie sauve.

Question de la présidente :
La présidente lui demande alors pourquoi celle-ci l’accuse aujourd’hui alors qu’il lui a sauvé la vie ? NGENZI affirme que ces gens sont obligés de l’accuser. Ce sont les personnes les plus proches dit-il qu’on envoie pour vous accuser, ainsi leur témoignage parait plausible. La personne va dire du bien de vous et finir par vous accuser d’un acte horrible. Aussi, la cour peut être tentée par croire ce genre de témoignage.

Sur cette affaire de NYIRAMASHASHI, NGENZI explique que ce qui l’importe est que cette dame et ses enfants ont eu la vie sauve. Il affirme qu’il a la conviction que NYIRAMASHASHI, personnellement n’a rien contre lui, elle ne l’accuse pas personnellement. Elle accuse cette autorité.

Ensuite il se rend au bureau, puis au centre de santé, il réalise alors que c’est toute la commune qui a été embrasée car des personnes venant de tous secteurs de la commune y étaient venues se soigner. Au centre de santé un jeune homme raconte ce qu’il a vu dans son secteur, NGENZI en profite pour noter les noms des blessés et des assaillants. Il explique que le centre de santé était un endroit où il pouvait prendre les informations de ce qui se passait partout dans la commune. Il lui était en effet impossible de se rendre partout dans les secteurs.

Ce jeune homme indique qu’il est de la famille de l’abbé INCIMATATA. NGENZI va alors voir le prêtre afin de l’informer, mais ce dernier dit que ce jeune n’est pas de sa famille.
NGENZI apporte toutes les informations au Préfet et réclame une réquisition des forces armées pour venir protéger la population.

Il retourne à KABARONDO mais il passe d’abord chercher du bois de chauffage et le dépose à l’église. A part le bois de chauffage et les médicaments qui manquaient, NGENZI explique qu’à ce stade les réfugiés pouvaient circuler dans KABARONDO, ils allaient eux même chercher à manger, pour d’autres, ce sont les voisins et amis qui apportaient à manger. Il n’y avait pas de personnes qui mourraient de faim. Le presbytère disposait aussi d’un stock des vivres.

Pour ce qui est des médicaments, NGENZI avait demandés aux personnels soignants de continuer à prodiguer des soins et de mettre la facture au nom de la commune. Il pensait que la situation allait se calmer, l’ordre allait finir par se rétablir.
Il n’y pas d’autres événements à déclarer au 9 avril.

Sur la journée du 10 avril:

Le 10 avril, NGENZI indique qu’il intervient à RUBIRA à la demande du conseiller de secteur. Les habitants de RUBIRA ont continué à massacrer, malgré l’interdiction et les consignes de sécurités reçues le 8 avril.

Quant au secteur RUNDU, ses habitants avaient maintenu le calme et s’étaient protégés jusque-là. Un certain PATRICE HABYARIMANA de RUBIRA qui est un tueur avait formé un groupe pour aller piller les biens des tutsi à RUNDU et ont détruits des maisons. Après le pillage, il y a eu des bagarres entre les pilleurs pour se partager ces biens. Patrice fut tué au cours de ces bagarres. Son neveu fut gravement blessé aussi.

Samuel MURIHANO, le conseiller de RUBIRA qui est aussi cousin de PATRICE BABYARIMANA se rend donc sur place pour récupérer le mort afin de l’enterrer. C’est dans cette scène qu’arrive NGENZI accompagné de policiers. Il leur demande de tirer en l’air, les assaillants sont dispersés et se calment. Il négocie alors avec eux.

Les habitants de RUNDU expliquent que ce sont ceux de RUBIRA qui les ont agressés. Ceux de RUBIRA expliquent qu’ils sont venus chercher leur mort afin de l’enterrer.

NGENZI obtient que le corps de PATRICE soit remis aux siens pour l’enterrer, et ceux de RUNDU récupère le corps de NZARAMBA.

NGENZI de retour à KABARONDO se rend de nouveau chez le Préfet pour obtenir de l’aide, le Préfet n’intervient pas, n’ayant lui-même pas de moyens.

La présidente interrompt NGENZI, elle lui dit qu’un témoin au TPIR pendant le procès de GACUMBITSI avait raconté qu’en date du 10 avril, il y avait eu une distribution d’armes et demande à NGENZI s’il a participé à cette distribution.

NGENZI indique qu’il n’est pas au courant de cette distribution d’armes, qu’il n’y a pas participé.

La présidente sort du dossier un bloc note récupéré au domicile de NGENZI lors de son interpellation en 2009 et elle lui indique qu’il y a une annotation suivante : « distribution d’armes avec GATETE le 9 avril ». Se trouve aussi plusieurs annotations du sigle « STK ».

A cette question, NGENZI explique qu’à cette époque il répondait aux interrogations de l’OFPRA pour sa demande du statut de réfugié et que cette question étant posé à la plupart de bourgmestres poursuivis au TPIR tel que GATETE ou GACUMBISTI, cette question pouvait également lui être posée, d’où sa présence dans ce calepin qui concerne son travail. De plus il suivait des procès sur internet qui se passaient à ARUSHA.

Quant au sigle STK, il s’agissait des numéros des camions qu’il comptait dans le cadre de son travail pour l’entreprise de construction de bâtiments à Mayotte.

Sur la journée du 11 avril:

NGENZI fait une réunion de consultation, où sont conviés les commerçants dont KAJANAGE, INCIMATATA, un pasteur anglican, les intellectuels dont MUGABO, MUHUTU… Chacun s’est exprimé sur la façon dont on pouvait assurer la sécurité. L’assemblée réclame l’intervention des militaires et la mise en place des rondes nocturnes.

Sur ce point NGENZI explique à la Cour, qu’il n’a pas empêché les gens de faire des rondes pour assurer leur sécurité. Il a expliqué qu’il était impossible de mélanger les hutu assaillants aux réfugiés tutsi de l’église afin de faire des rondes. Cela aurait été l’occasion pour les assaillants de profiter pour commettre de meurtres. INCIMATATA lui insistait pour établir des rondes par les réfugiés de l’église et par la population restante. Il a quitté la réunion sans informer NGENZI de son désaccord. C’est maintenant qu’il vient lui reprocher de ne pas avoir accepté l’idée des rondes.

Confusion dans la salle qui avait compris que NGENZI avait refusé toute idée des rondes y compris dans les maisons des gens partout dans la commune. INCIMATATA était venu quelques jours au part avant expliquer à la cour que NGENZI s’y était opposé. D’où l’insistance de Mme Le Président. NGENZI soutenu par son conseil explique que la police communale assurait la sécurité des réfugiés de l’église, qu’il aurait été périlleux de demander aux réfugiés de sortir la nuit assurer les rondes en compagnie de ceux qui les pourchassent pour les tuer.

Or, on sait que les réfugiés de l’église ont été protégés jusqu’au 13 avril date à laquelle les gendarmes sont venus tuer ces réfugiés. Ce n’était pas que des tueurs locaux qui les ont exterminés.

Ce jour, INCIMATATA demande à NGENZI d’aller chercher du bois de chauffage et lui donne de l’argent à remettre à sa famille qui était réfugiée au bureau communal de KIGARAMA. NGENZI précise que INCIMATATA lors de ses auditions, il a évoqué la somme de 30 000 francs rwandais, puis 25000, puis 15000 et s’arrête à 7000. INCIMATATA dans ses auditions a ajouté que NGENZI lui aurait dit que même cette somme était déjà beaucoup! Sous-entendu que NGENZI savait qu’ils allaient mourir sans avoir pu dépenser toute cette somme.

NGENZI s’étonne de ces déclarations mensongères que INCIMATATA fait pour le salir et l’accabler, lui qui a travaillé main dans la main avec lui jusqu’au dernier jour.
NGENZI explique que la situation est devenue très grave ce 11 avril. Le gouvernement lui-même était déplacé. Il note également l’arrivée massive des réfugiés déplacés de guerre du FPR.

Il ajoute qu’on lui reproche d’avoir basculé en date du 11 avril. Il dit que ce n’est pas lui qui avait basculé mais la situation du pays et celle de la commune en particulier qui venait de prendre une autre tournure. La gestion devenait impossible, les allées et retours qu’il faisait dans la commune devenaient de plus en plus compliqués. Il risquait sa vie constamment. La foule des déplacés de BYUMBA chassés par le FPR était particulièrement virulente à l’encontre des tutti, qu’elle assimilait au FPR. Les réfugiés étaient donc encore plus en danger, d’où l’inquiétude et la peur de NGENZI.

Sur la journée du 12 avril

NGENZI explique qu’il était resté avec un seul policier au nom de MUTABAZI. L’abbé est venu au bureau communal ce jour-là l’informer qu’un décès est survenu à l’église, il demande une escorte pour l’aider à enterrer cette personne. NGENZI lui trouve des gens plus le policier pour procéder à l’enterrement.

Sur le nombre approximatif des morts, NGENZI explique qu’il est difficile de donner une évaluation car il y avait des morts partout dans les secteurs. Il fait remarquer qu’il y a des secteurs où il n’a pas mis le pied depuis de début des massacres jusqu’au jour où il quitte le pays.

NGENZI insiste en disant qu’il a aidé comme il a pu avec le peu de moyens dont il disposait et qu’il est parvenu à sauver des vies, mais que cela n’a pas suffi à épargner toute sa population. Il regrette qu’à ce moment là où la population avait le plus besoin d’aide et de secours, il n’a reçu aucune aide de la part de qui que ce soit pour l’aider à gérer cette crise, mais qu’aujourd’hui on vienne lui rapprocher de ne pas avoir su mettre fin à un génocide qui se commettait sur tout le territoire, occultant le fait qu’il n’en avait pas les moyens.

Ici les avocats des parties civiles demandent à suspendre l’audience pour se concerter avant de poser des questions à NGENZI. Demande acceptée. L’audience est suspendue.

07 Juin 2018

Suite interrogatoire NGENZI. J21

Questions des parties civiles sur la journée du 8 avril :

Vous affirmez ne pas avoir été à la réunion du 8 avril convoquée par le Préfet, car la situation de votre commune était préoccupante et nécessitait votre intervention, savez-vous ce qui s’y est dit quand même ?

NGENZI explique que la convocation à cette réunion a été faite via Radio Rwanda. Il dit n’avoir pas entendu ce communiqué, il était déjà en route dans le secteur de RUBIRA où il est intervenu car il y avait des meurtres. Il n’a pas entendu ce communiqué, s’il avait eu l’information à temps il serait allé.

Il ajoute, comme il l’a déjà déclaré qu’au retour de RUBIRA après avoir déposé le blessé à l’hôpital de KIBUNGO il s’est rendu chez le Préfet pour l’informer de la situation de la commune. Celui-ci lui a alors fait un compte rendu de ce qui s’est dit à la réunion notamment s’agissant des mesures de sécurités qui ont été préconisées.

L’avocat insiste : des instructions parfaitement claires ont été données au cours de cette réunion à savoir organiser des réunions de sécurité dans les communes et assurer la sécurité pour éviter les débordements : (voir le détail de ces mesures dans le procès de GACUMBITSI).

NGENZI explique, qu’il n’a pas désobéit aux instructions du Préfet, bien au contraire. Il ne pouvait pas se soustraire à sa hiérarchie. Quand il a pu réunir les gens, il l’a fait, d’ailleurs il l’a fait sans attendre les instructions du Préfet. Il explique qu’il a géré la situation au cas par cas, au fur et à mesure que les événements se passait et avec les moyens dont il disposait à savoir pas grand-chose. Il ne pouvait pas réunir toute la commune, il fallait qu’il fasse des réunions dans les 12 secteurs de la commune, pour cela, il lui aurait fallu plus de 10 jours, temps qu’il n’avait pas car chaque jour, il y avait des urgences graves à gérer que d’aller faire des réunions. Il tente de faire comprendre à la cour qu’on était dans une situation de crise, situation exceptionnelle qui aurait mérité des mesures exceptionnelles. Mais qu’aucune aide n’est venue.

S’agissant des rondes, quiconque les a instaurées, a été poursuivi après pour les avoir organisé.

Sur les accusations d’Oscar KAJANAGE, NGENZI explique qu’il a fait ce que KAJANAGE lui a demandé concernant l’enterrement de sa famille. Il s’est rendu sur place, mais la famille était déjà enterrée. NGENZI lui a ramené les 1000 francs qu’il lui avait donnés.

Sur les contradictions de Monsieur KAJANAGE, NGENZI explique qu’il modifie les dates exprès pour corroborer les dates de l’accusation.

Sur les accusations de certains témoins qui disent que NGENZI les rassemblait à l’église exprès pour y être tué après, NGENZI explique que tout ce qu’Il a fait de bien on le lui reproche aujourd’hui, ce qu’il n’a pas pu faire, on le lui reproche également. Il cite le cas de Mme NYIRAMASHASHI, une dame avec ses 2 enfants qui étaient pourchassés par un groupe de tueurs, que NGENZI a trouvé sur la route et les as déposés à l’église à leur demande. Cette dame l’accuse aujourd’hui, alors qu’elle a été sauvée de ces tueurs par lui.

Sur cette question d’envoie des réfugiés à l’église, les avocats de la défense écartent rapidement cette théorie selon laquelle, le bourgmestre conduisait des réfugiés à l’église pour les regrouper et les faire tuer.

Ils démontrent d’une part que les réfugiés se sont immédiatement rendus dans les églises, sans attendre les consignes des autorités en place. Que les églises étaient connues et considérées depuis 1959 comme des lieux saints où l’on pouvait se réfugier sans craindre d’y être tué.

Audition d’un témoin qui aurait participé à l’enterrement des personnes tuées à l’église.

A la question de savoir pourquoi NGENZI s’est adressé à eux pour l’enterrement des corps, le témoin explique que c’est parce que NGENZI était originaire de RUBIRA, qu’Il espérait un soutien de la part de cette population, car les habitants de KABARONDO avaient refusé de l‘aider. Le témoin affirme qu’il n’était pas au courant des massacres qui se sont commis à l‘église, il en a entendu parler après. Il estime à 80 le nombre de personnes parties enterrer les victimes de l’église.

A la question de savoir si NGENZI leur a demandé d’apporter des armes, le témoin répond par la négative.

Arrivé à l’église, il constate des corps de personnes un peu partout dans l’église et à l’extérieur. Il estime à 300, le nombre de corps enterrés.

Le témoin explique qu’une partie est restée à l’église, une autre est partie au centre de santé. Ici, le témoin ne dit pas la vérité, mais il doit affirmer cela pour justifier les massacres commis au centre de santé et les place volontairement à cette même date de l’enterrement des corps.

Nos commentaires : cela a dû lui être demandé car, il faut bien trouver un coupable pour tous les massacres commis les jours et les mois qui ont suivi après que nous ayons fui vers la Tanzanie. Les témoins qui défilent à la barre sont préparés pour dire l’histoire telle que les autorités rwandaises souhaitent qu’elle soit.

A la question de savoir si achever les personnes encore en vie était un ordre reçu, il explique qu’ils les ont achevées de leur propre initiative.

Le témoin explique que pour ces faits, il a été condamné à 24 ans.

Sur les massacres commis à l’IGA, le témoin raconte qu’il a entendu dire que NGENZI a demandé aux abarinda d’aller à l’IGA.

Les abarinda étaient combien ? Ils étaient entre 150 et 180.

Nos commentaires : ici, il est important de signifier que ABARINDA est le nom qu’on donne aux habitants de la colline AGASHARU de la cellule de RUBIRA, comme on peut dire les parisiens, ou les orléanais. Malheureusement, dans ce dossier, malgré les tentatives d’explications, les abarinda ont été ciblés comme un groupe d’individus assassins, considéré comme le groupe SIMBA BATAILLON. Qui lui était composé d’anciens gendarmes démobilisés et qui avaient des armes sur eux et étaient sans aucun doute des tueurs.

Parmi abarinda, il y a eu des individus qui ont participé au génocide, comme ce fut le cas malheureusement partout dans le pays, mais ces meurtres n’ont pas été commis sous l’égide de leur appartenance aux abarinda sous entendu groupe qui obéissait à NGENZI lui-même originaire de cette colline étant donc UMURINDA = ressortissant d’AGASHARU. A rappeler que même Oscar KAJANAGE et RYAKA sont également des Abalinda.
Les avocats des parties civiles tentent de faire dire au témoin que ces tueurs ne pouvaient faire autrement que d’obéir aux ordres de NGENZI.

LE TEMOIGNAGE DE KAJANAGE

Le témoin explique sa relation avec NGENZI de l’enfance jusqu’en 1990. Il dit que leur relation a changé à partir de cette année. Pourtant NGENZI affirme qu’ils ont gardé de bonnes relations, même qu’en 1994 en début d’année la famille NGENZI avait été lui rendre visite à l’occasion de la naissance de leur enfant, en février 1994. Il lui est demandé de donner des exemples de changements de NGENZI. Le témoin dit qu’ils étaient amis et que NGENZI lui a interdit de retourner chez lui. La présidente insiste pour avoir des exemples pouvant prouver que le comportement de NGENZI envers les tutsi avait changé. Le témoin n’a pas été en mesure de justifier ce revirement. Il n’y a en effet pas eu de changement dans le comportement de NGENZI envers les tutsi. Le prêtre INCIMATATA ainsi que d’autres témoins interrogés confirment que NGENZI n’a pas eu de traitement différencié envers les tutsi, puisque jusqu’à la date de son départ vers l’exile, il était toujours entrain d’aider la population (Hutu ou Tutsi en détresse).

Le témoin raconte ensuite que sa famille a été exterminée par les gens du village dont il est originaire.

KAJANAGE s’est rendu ensuite au domicile de NGENZI (il dira qu’il a été directement au bureau communal pour justifier qu’il n’allait plus chez NGENZI mais ne le trouvant pas sur place, il est allé le trouver au bureau communal, et lui a demandé d’aller enterrer sa famille. Il lui a remis aussi de l’argent (1000 francs rwandais) pour offrir à boire à ceux qui vont l’aider à enterrer les membres de sa famille. Il explique que plus tard NGENZI est revenu l’informer qu’il a trouvé sa famille déjà enterrée, il lui a remis son argent. A la fin de son audition il insiste pour donner un message à Ngenzi : « Ubwoba bwica ubwenge », ce qui veut dire, la peur tue l’intelligence. Une phrase qu’on vous laisse le soin d’interpréter. Ce qui est sûr c’est que cette phrase traduit l’état d’esprit de plusieurs témoins qui se présentent à la barre. ​

08 Juin 2018

Juvithe Ryaka, 62 ans.

Il s’est constitué partie civile car pour lui NGENZI était bourgmestre et n’a pas protégé les siens. Pour lui, Ngenzi aurait commencé à changer en 90. Pour donner des exemples qui manquent à certains témoins qui accusent Ngenzi d’avoir changé. Il raconte qu’une fois, NGENZI les aurait arrêté et laissé au soleil toute la journée alors qu’ils étaient partis à une conférence religieuse. La présidente lui demande si le prêtre ORESTE a réagi, il dit qu’il ne l’a pas su alors que l’église et la commune sont côte à cote qu’il n’aurait pas pu rater ce scandale. Il raconte aussi que NGENZI aurait déchiré un laisser passer qu’un certain Ndayambaje lui avait signé avec l’ethnie hutu. Il raconte qu’il a assisté à l’épisode des cheves de Titiri et Mukamunana.  Que c’est à la suite de ces paroles que son frère a été tué. (Il faut de faire savoir que dans le camp de réfugiés à Benaco, on racontait que ce monsieur n’était pas à Kabarondo lors du génocide car il avait rejoint le FPR. Qu’il serait arrivé à KABARONDO en même temps que les soldats du FPR en tenue militaire, donc il est fort probable qu’il n’ait pas assisté à tout ce qu’il dit!).

Il aurait vu BARAHIRA accompagné d’une équipe de 50 personnes et de là où il était caché, il pouvait l’entendre dire aux gens de tuer mais aussi qu’il aurait entendu MUGARASI dire à BARAHIRA tu nous dis de tuer alors que ta propre femme est tutsi? Et que BARAHIRA l’aurai mis à coté et qu’il lui a donné de l’argent pour qu’il se taise.

La présidente interrompt le témoin en lui disant qu’il y a un problème. Car ce qu’il avait dit lors de son audition c’est qu’il n y avait pas de tensions à Kabarondo, que c’était calme. On lui lit toutes les contradictions qu’il y a dans ses auditions, notamment entre ce qu’il avait dit avoir vu ou seulement entendu. Il ne parvient pas à expliquer les différences et s’embrouille. Il dit qu’il est arrivé à l’église le 10 alors qu’il avait dit le 12, il dit également que le prêtre Inchimatata est parti avec les réfugiés à la place du marché alors que le concerné dit être resté pour parler aux femmes et leur dire de rester dans l’église…

Sur le nombre des membres de sa famille perdus, il dit qu’il y’en a 164. La présidente lui dit de se restreindre à la famille directe.

Sur le nombre de morts à l’église, il avait dit 200 lors de ses auditions, mais aujourd’hui il dit que lors du déterrement des corps, ils en avaient sorti 700 corps. (En effet la différence peut s’expliquer par les corps des hutu tués par le FPR à leur arrivée à KABARONDO, l’unite 157 mobile force  qui s’est adonné à des tueries sur toute la route comme l’affirme le couple Guerin).

Le témoin dit n’avoir pas vu NGENZI à l’église, même si pendant son audition devant Méthode il avait dit qu’il l’avait vu de ses propres yeux. Il reconnaît avoir été dans le parti PL avant le génocide et qu’il a rejoint le FPR. La raison qui l’a fait intégrer le PL c’est que c’est le parti qui avait le plus de tutsi. Il avait dit aussi qu’il avait vu NGENZI sur la place du marché à coté d’un panneau. Aujourd’hui il nie l’avoir vu car il n’aurait pas pu distinguer une personne vu la distance.  Réponse qui ne plait pas à l’avocat général qui attendait autre chose. (En fait son témoignage est un ensembre de contradiction, il est difficile de savoir ce qu’il pense, ce qu’il invente, ce qu’il ne veut pas dire). Il dit que les Interahamwe c’est presque tous les hutu.

S’il a vu NGENZI le 13, il nie tout ce qu’il avait dit en bloc, il dit que s’il avait dit qu’il a vu le bourgmestre, c’était le 12 à l’église. Sauf que l’abbé reproche à Ngenzi d’avoir basculé parce qu’il n’est pas venu à l’église le 11 et 12. (Comme d’habitude, on reproche à Ngenzi tout et son contraire).

RUHUMULIZA Anaclet

Le témoin a été condamné pour avoir prêté son véhicule qui a  transporté les gens qui ont enterré les morts de l’église.