Procès Ngenzi-Barahira: Journée du 16 mai 2018

Témoignage d’André GUICHAOUA.

Le témoin va s’exprimer sur les points ci-dessous :

L’administration territoriale au Rwanda, le système politique et le positionnement des personnes dans la préfecture de Kibungo.

Sous la deuxième république, l’administration territoriale va être réorganisée. En 1973, l’organisation du pays est refaite. C’est en 1975 que le parti unique est créé. Il met fin à la constitution de la première république. Pour éviter le désordre qui était provoqué par l’élection des bourgmestres on décide de les nommer.  Le président de la République devient président du MRND et toute la population est dans le parti unique.

Le préfet est le représentant de l’État qui va coordonner les administrations. Le bourgmestre devient responsable de la politique de développement de la commune. Il explique que le bourgmestre était un homme d’affaire capable de s’occuper de la commune.

Il explique que les élites viennent de la fonction publique. En 1973 RWAGAFILITA est nommé Ministre de la Jeunesse et des sport jusqu’en 1978. Ensuite il devient Chef d’Etat-major de la Gendarmerie. Il marginalisait l’armée car il y avait des opposants. Lors de la création du parti unique  RWAGAFILITA était le numéro 4. Ce sont des gens liés au gouvernement directement. Ce sont eux qui font les postes et qui choisissent qui va sur quel poste. 

En 1990, le pays est attaqué par le FPR. Cela entraine une vaste arrestation de beaucoup de personnes soupçonnées de travailler avec le FPR. Le colonel RENZAHO de KIBUNGO est nommé Préfet de Kigali. 3 personnes de KIBUNGO vont occuper des postes importants. En 1992, c’est le début d’un gouvernent à parité avec le pluripartisme. 

Le MRND a conservé la défense et le ministère de l’intérieur. Mais les deux ministres n’étaient pas sous control. En mai il y a des négociations. Le FPR attaque pour montrer sa force. Les premières négociations avec le FPR demandent une armée de parité. RWAGAFILITA et d’autres sont mis à la retraite. En 1993, les accords sont signés.  Le premier ministre et le ministre de la défense s’enfuit et vont en Europe. Les institutions doivent être mises en place. Dans le gouvernent de transition il y a 2/3 des postes qui sont accordés à l’opposition, la même chose à l’assemblé nationale. Le ministère de l’intérieur est donné au FPR. 

Le témoin fait savoir qu’il était souvent au Rwanda à cette époque pour les négociations. L’enjeu crucial était l’organisation des élections. Le ministre de la défense vivait dans l’angoisse car les archives allaient passer dans les mains de l’opposition. Il parle des pogromes qui ont eu lieu mais dans le nord de KIGALI. En mars 93, le FPR a fait des préconisations des bourgmestres qui devaient démissionner, il cite NGENZI dedans. Mais après enquête, rien n’a été retenu contre eux.  En effet, ce sont des allégations de l’opposition qui voulait voir des bourgmestres du MRND démissionner.  

Après l’attentat sur l’avion du président Habyarimana c’est allé très vite, le gouvernent intérimaire a du se mettre en place. Le 11 on nomme les responsables de l’autodéfense. Des retraités sont réintégrés dont RWAGAFILITA. 

Le témoin fait une parenthèse et parle d’AKAYESU disant qu’il était innocent, qu’il s’est opposé aux tueurs. Mais c’est le premier bourgmestre qui a été condamné à Arusha. D’ailleurs dans l’audience de la veille , on avait fait comprendre à MATATA Joseph qui a été un témoin à décharge dans le procès de ce dernier qu’il avait témoigné pour un génocidaire et que donc le témoignage qu’il est en train de faire pour NGENZI n’est peut-être pas pertinent comme pour AKAYEZU. Le fait que l’innocence de AKAYEZU soit évoquée par GUICHAOUA a eu une autre consonance et un poids plus important que lorsque MATATA l’a dit et cela n’a évidemment pas plu à beaucoup de gens.

GUICHAOUA précise par la suite qu’il ne connait pas NGENZI et BARAHIRA. Et précise qu’il s’est défendu d’en apprendre plus sur les accusés.

 Il a également parlé de l’avancée du FPR qui s’est fait dans un contexte d’une violence inouïe. Que les bourgmestres qui ont tenu l’ont fait dans une grande difficulté. Ceci a engendré près de 200 miles réfugiés vers BENACO où les réfugiés fuyaient le FPR. Il vient ici contredire ce que Anne FOUCHARD a expliqué à la cour que ce sont les bourgmestres qui dirigeant tout et que les réfugiés ne fuyaient pas le FPR mais avançaient sous les ordres de leurs dirigeants. 

QUESTIONS DE LA COUR : 

Pouvez-vous vous présenter à la cour et parler de vos travaux ?

Monsieur Guichaoua déroule son CV depuis sa thèse prise en charge par le Bureau International du Travail jusqu’à ses fonctions d’aujourd’hui en tant que professeur en passant par ses différents postes dans la Région des Grands Lacs. 

Il explique qu’il a travaillé à ARUSHA attaché au procureur. Il pouvait du coup mener des enquêtes au RWANDA contre les accusés de génocide. Il avait obtenu la liberté de travailler de manière autonome au Rwanda à condition d’informer le régime le jour où il s’agira d’enquêter contre le FPR. Le jour où cela est arrivé et que Carla Del Ponte lui a demandé de faire ce travail, il a informé le parquet du Rwanda et c’est à ce moment là où c’était la fin pour lui. Il a découvert le vrai fonctionnement du parquet de Rwanda. Tout lui a été interdit. 

Concernant le Génocide, il ne pensait pas qu’avec les 2500 casques bleus qui assuraient la sécurité, on pouvait s’adonner à autant d’exactions. 

Q : Où étiez-vous le 6 avril 1994. 

R : à KIGALI dans la capitale. J’ai été informé de l’attentat. Nous avons tout de suite voulu protéger la première ministre et sa famille mais elle a voulu rester pour assurer la continuité de l’Etat, malheureusement elle a été tuée le lendemain. Un collègue a pris le risque par la suite d’aller chercher ses enfants que nous avons pu protéger et amener jusqu’en Suisse. 

Nous cachions plusieurs autorités de l’opposition et pour les amener dans l’hôtel les Milles Collines nous devions payer pour pouvoir passer. Le gérant avait mis à notre disposition la trésorerie de l’hôtel. La garde présidentielle venait chercher le soir des gens pour aller les éliminer. Cela a duré une semaine.

Par la suite nous avons reçu l’ordre d’évacuer et partir. Il a fallu négocier pendant trois heures, nous avons amené les enfants mais le procureur a dû descendre de la voiture. Les enfants n’ont pas été accepté en France, je les ai amené en Suisse et depuis je travaille avec la Suisse mais de manière indépendante. 

Q : avez-vous rencontré des barrières ?

Oui à Kigali, elles étaient montées et surveillées à partir de 6h du matin. 

Parmi les gens que j’ai sauvés, il y avait celui qui est devenu le ministre de la justice par la suite et qui me permettait donc de faire mes enquêtes par la suite lorsque je travaillais pour le procureur d’ARUSHA.  Et comme j’ai dit, jusqu’au jour j’ai voulu enquêter sur les exactions du FPR en 2004. 

Q : pourquoi les gens se cachent tout de suite après l’attentat ?

R : il y avait déjà des tensions, la réunion à Arusha s’était mal passée donc les gens pouvaient se sentir en danger. Mais ce qu’il se passait à Kigali le 6 même ne s’est pas forcément passé ailleurs à l’intérieur du pays.

Q : Quelle était la proportion de chaque ethnie à KABARONDO en 1994 ? 

Car il est indiqué dans votre livre qu’en 1983, il y avait 28 000 personnes dont 2000 tutsi. Et nous avons vu d’autres chiffres qui disent qu’en 1994 il y a eu 4000 morts tutsis à KABARONDO. Cela vous parait-il possible ?

R : Je n’ai pas les chiffres en 1994. 

Q : Quand pouvons-nous dater le début du génocide ? 

R : Même le fameux BAGOSORA n’a pas été condamné pour la planification du génocide. Les institutions d’état n’étaient pas acquises au génocide. Le chef d’état-major n’a adhéré que le 18 avril par exemple. Les bourgmestres n’étaient pas disponibles pour le génocide. C’est le préfet qui devait décider de tout. 

QUESTIONS DE PARTIES CIVILES

Q : L’idéologie génocidaire comment ressortait-elle ?

R : Je vois où vous voulez en venir. Jusqu’en 90, l’ethnie n’était pas un enjeu. L’enjeu était sur l’application des quotas dans l’enseignement public. Cela a permis une unité pour le président mais c’était insupportable dans l’éducation public. 

Q : Lecture des 10 commandements des Bahutu publiés dans le journal KANGURA, maitre GISAGARA lui demande si toute la population avait accès à ces informations ? 

Il explique que ce sont des extrémistes du parti CDR qui ont écrit cela. Qu’on ne peut pas dire que le gouvernent le cautionnait. Avec la liberté de la presse les gens pouvaient écrire mais ce journal ne sortait qu’en très peu d’exemplaires et n’était pas distribué en dehors de Kigali. Comme pour la RTLM c’est une radio extrémiste mais qui n’était pas captée partout dans le pays.  

Il explique qu’il ne pense pas que le MRND est génocidaire que l’armée est génocidaire. Le génocide ce sont des actes et des personnes précises qui l’ont fait. 

L’avocat lui fait remarquer que même s’il comprend un peu le KINYARANDA, le fait qu’il ne le maitrise pas bien comme Hélène DUMAS (qui elle-même a dit qu’elle est en apprentissage), il a pu avoir une mauvaise compréhension du génocide. C’est une remarque déplacée car des experts qui n’ont jamais mis le pied au Rwanda ou des chercheurs qui y sont allées en 2008 sont cités par les parties civiles ! 

QUESTIONS DE L’AVOCAT GENERAL

On demande au témoin de donner plus de précisions sur  les responsabilités du bourgmestre en matière de sécurité et police. S’il avait la possibilité de procéder à des arrestations. Il explique effectivement que le bourgmestre gère la police municipale mais qui est sous la responsabilité du préfet.  

A la question de l’avocat général sur les critères de choix des ministres. 

Ministères techniques➔ des candidats techniques

Ministères politiques➔ des candidats plutôt stratèges qui maitrisent l’encadrement pour le ministère de la jeunesse par exemple. 

Le témoin répond qu’en 1973 lors de la formation de ce gouvernement et lorsque RWAGAFILITA a été nommé ministre de la jeunesse, il n’y avait pas d’enjeu sur ce ministère de la jeunesse. Tout le monde était dans le même parti donc aucun besoin de mettre en avant ou d’encadrer de façon particulière la jeunesse. 

L’audience est suspendue et la défense posera ses questions le jeudi 17 mai à 9h30 .