Procès Ngenzi/Barahira: Témoignage de Ignace BAGILISHEMA

Ignace Bagilishema lors de son procès au TPIR

21 Juin 2018 – J31
Témoignage d’Ignace BAGILISHEMA, ex maire de MABANZA et acquitté à ARUSHA en 2005

Il a été arrêté en 1999. « J’ai vécu le génocide en 1994. La vie d’un bourgmestre pendant cette période n’était pas facile. Le pouvoir était dans la rue » dit-il. S’en suivra une série de questions par la présidente pour comprendre le contexte dans lequel pouvait se trouver un bourgmestre à cette époque.

Pour lui, il n y a pas eu distribution d’armes à la population avant le génocide comme l’avait présenté juste avant un témoin à charge Rajab Sibomana. On lui cite une phrase qu’avait dit Guichaoua lorsqu’il travaillait au près du procureur d’Arusha concernant les bourgmestres. Le témoin dit ne pas être étonné car il était du coté du procureur qui était là dans le but de le condamner. La phrase en question disait que les bourgmestres ne pouvaient pas ignorer en 92 ce qu’i se passait et que ceux qui sont restés c’est qu’ils le voulaient et ceux qui étaient contre ont démissionné. Le témoin explique qu’ils avaient un espoir que cela s’arrange avec le partage du pouvoir à partir des accords d’Arusha.

Sur la période du Génocide, les bourgmestres avaient perdu leur autorité. Ils étaient malmenés, il lui arrivait de se cacher car menacé directement par les tueurs. Il ‘a même pas eu l’aide du préfet à qui il a fait appel plusieurs fois et au lieu de l’aider, il lui a amené encore d’autres réfugiés alors qu’il n’avait même pas les moyens de protéger les réfugiés qu’il avait déjà.

Il a tenté de démissionner mais les religieux l’ont convaincu de ne pas le faire, de ne pas les abandonner.

S’ils ont fait une réunion à la préfecture pour la sécurité, il répond par l’affirmatif mais que finalement cette réunion a été utilisée dans son procès comme une charge disant que c’était dédié à la préparation du génocide. S’il écoutait la radio pour savoir ce qu’il se passait car on accuse NGENZI de ne pas avoir écouté la radio pour savoir qu’on tuait dans d’autres églises. Il répond qu’il n’écoutait pas la radio car ce n’était pas la priorité et comme les religieux l’avaient dit la veille, on ne passait pas ces informations là à la radio.
Il rappelle que les bourgmestres étaient seuls dans cette période, et même s’il a pu y avoir des gendarmes pour protéger la population dans une commune, le bourgmestre n’a pas autorité sur ces derniers.

Il explique que sur la mort de ses administrés, les tutsi qui s’étaient refugiés à la commune sont par la suite partis se réfugier à la prefecture car il leur a dit « sauve qui peut » lorsqu’il a appris qu’ils allaient être attaqués. Finalement ils ont quand même été tués et par ce geste qu’il a eu de prévenir les réfugiés, dans son procès on l’a accusé d’avoir regroupé ces gens là à la préfecture pour les y tuer, tout comme on accuse NGENZI d’avoir regroupé les tutsi à l’église pour les y tuer.

Sur la planification, il affirme qu’il n y a pas eu planification. Que dans son dossier le procureur a essayé à tout prix de prouver qu’il y a eu des réunions de planification, aidé par une multitude de faux témoins mais qu’il n’a pas réussi à le prouver. Pour lui, le génocide leur est tombé dessus, et l’élément déclencheur était la chute de l’avion du président. Les bourgmestres eux même étaient attaqués par ces gens assoiffés de sang.

On lui demande pourquoi un bourgmestre a pu récupérer absolument le cachet de la commune (car l’assistant bourgmestre de Ngenzi David Tanaziraba est venu reprocher à Ngenzi d’avoir récupéré au près de lui ce cachet).
Le témoin explique que le cachet était très important pour la commune, que celui de sa commune était soigneusement gardé par lui même car si on le perdait où qu’on se le faisait voler, c’était toute une affaire.

On lui demande pourquoi NGENZI ne trouve pas de témoins tutsi à décharge pour le défendre. Il explique qu’il n’est pas chose aisé de trouver des témoins à décharge, que cela dépend des moyens dont dispose la défense. Qu’à ARUSHA on pouvait aller chercher les témoins dans les 4 coins du monde et encore on y avait pas les même moyens que l’accusation. De ce fait, si en France il n’ont pas beaucoup de moyens, c’est très difficile. De plus, les témoins ont peur.
Si pendant le génocide il a connu des dilemmes, il répond « oui ».

On lui demande comment on peut avoir plus de 60 personnes qui viendraient accuser à tort une personne. Le témoin raconte que dans son procès, le procureur avait à la base plus une centaine de témoins qui l’accusaient de génocide. Si on entendait les accusations qu’on lui portait, « on aurait dit un démon, satan en personne », dit-il. Les faux témoins venaient témoigner en pleurant, ils l’ont accusé d’avoir éventré des femmes enceintes. D’avoir forcé des femmes à allaiter des bébé morts… Mais il a eu la chance de bénéficier du transport sur les lieu ce qui a permis de montrer que ces témoins qui ont l’air crédibles ne sont que des délateurs. Et ces accusations ont été levées comme dit plus haut par des contradictions et le fait que sur les lieux, on pouvait montrer qu’il était impossible d’avoir vu certaines choses à une certaine distance. « Le procureur a eu honte » dit-il. Il ne lui restait à la fin que 10 ou 15 témoins qui eux aussi se sont contredit à la fin.

On lui demande l’intérêt qu’auraient ces gens d’accuser un innocent. Il répond que c’est parce qu’il faut arrêter toutes les « grosses tête ». Le gouvernement n’épargne pas les gens qui ont fat parti de l’ancien pouvoir.
Sur son parcours, il a quitté le Rwanda en 1994, il s’est ensuite vu mis sur la liste des recherchés quelques années plus tard avec d’autres bourgmestres hutu. Des listes établies par le pouvoir actuel. Ensuite il a subi des menaces faites par les infiltrés du FPR et il a été arrêté sur des fausses accusations. Juste parce qu’il était hutu (Cela montre bien que les bourgmestres n’étaient pas en sécurité sur leur route d’exil même ceux qui n’ont rien à se reprocher). Il a finalement passé 7 ans en fuite et en détention avant d’être acquitté. La défense rappelle qu’il a été acquitté une première fois, le procureur a fait appel et son acquittement a été confirmé.

Sur ce qu’on lui reprochait, c’est la fosse creusée pour enterrer les morts, comme on le reproche à Ngenzi. Il explique que les gens ont été tués, les corps commençaient à être mangés par des charognards et il ne pouvait pas les laisser. Il a donc fait creuser une fosse où ils ont été enterrés. Et ce n’est pas un crime. On lui reproche également une épisode de tueries à l’IGA. Des paroles qu’on lui mets dans la bouche pour inciter les gens à tuer. Tout comme Ngenzi. Et d’autres accusations.

On lui demande s’il pouvait mettre fin au génocide dans sa commune. Réponse: peut etre s’il avait eu les moyens mais dans le chaos qui prévalait, il était impossible d’arrêter les massacres.