Quelques observations et mises au point  suite à la série d’articles « Ibyo mutamenye ku rugamba rwanyuma rw’inzirabwoba » publiés depuis le 08 avril 2013.

Nous avons été nombreux à saluer l’initiative dès la publication dans « The Rwandan », de la première partie de cette reconstitution d’un pan de l’histoire militaire du Rwanda. En me limitant à cette première partie, j’ai trouvé que le récit était comme une compilation d’ouï-dire, d’inexactitudes  et de mélange d’anachronismes de nature à dénigrer gratuitement l’un des belligérants.  Etant à l’époque des faits acteur et observateur bien placé, j’ai alors repris un travail de recoupement et de vérification, des enquêtes, et interview des acteurs accessibles,  travail qui m’a amené à émettre les observations suivantes et que je vous demande de publier. Ces enquêtes et entretiens s’étant déroulés en langue française, c’est donc  en français que j’ai rédigé les observations contrairement  à la série d’articles qui sont en kinyarwanda.

Voici donc mes observations :

  1. En ce qui concerne les effectifs estimés des attaquants le 01 octobre 1990 si le rédacteur croit que les effectifs estimés résultent de la seule propagande il aurait dû être présent pour constater qu’en ces circonstances on ne met pas les gens en rangs pour les compter. Pour le côté FAR les gens qui ont estimé se basent sur l’importance des axes d’attaques et de l’intensité des combats. Pour eux les Inkotanyi ont attaqué comme suit :

-5000 à Kagitumba.

-2000 à Nyabwishongwezi.

-3000 à Rwempasha.

Les attaquants de Kagitumba et de Nyabwishongwezi se sont regroupés et ont pris l’axe Kagitumba –Gabiro.

Ceux qui ont attaqué à Rwempasha ont continué juqu’à Nyagatare-Mimuli-Muvumba –Rukomo et furent arrêtés avant d’atteindre Ngarama.

  1. Le rédacteur copie l’estimation péjorative de ceux qui se prétendent spécialistes du Rwanda qui estiment les effectifs de l’Armée Rwandaise à 5000 hommes pour mieux faire admettre leur obstination exprimée ces derniers temps qu’ils sont étonnés que l’Armée Rwandaise a résisté plus longtemps qu’ils ne l’avaient préconisé .

Les effectifs de l’Armée Rwandaise à l’appel du 01 octobre 1990 étaient plus ou moins 8200 hommes de troupe et cadres y compris. Vous pouvez retrouver cela dans le compte rendu de la réunion de l’Etat Major de l’Armée Rwandaise du 01 octobre 1990.

Ce sont ces 8200-là qui ont contenu, combattu, bouté hors frontière et tenu en respect à la frontière ougando-rwandaise les envahisseurs  jusqu’à ce que surviennent des astuces feutrés –tels que les négociations, les discours démobilisateurs et autre embargo unilatéral- destinés à venir à bout de la résistance de cette Armée que jalousaient pourtant les pays de la région.

  1. L’énumération des commandants des unités de l’Armée Rwandaise à la date du 01 octobre 1990 n’est pas exacte en ce qui concerne :

-Commandant du camp Kigali et Compagnie QG : Lt Col Denys Nkizinkiko au lieu de Innocent Rwanyagasore qui commandait la compagnie Gitarama.

-Commandant de la compagnie Kibuye : Lt Col Théoneste Rwabakika au lieu du capitaine Bahizi.

  1. Oui le détachement de l’Armée Rwandaise de Kagitumba a été pris par surprise et le chef du détachement qui ne se doutait de rien est allé voir au pont de Kagitumba pourquoi cette présence militaire massive, il fut abattu subitement ce que constatant l’opérateur radio prit l’initiative de lancer un message de détresse signalant qu’ils avaient été attaqués et prit la décision de saboter la radio et de disparaitre dans la brousse.

Comme nous étions en alerte depuis avant la visite du pape au Rwanda toutes les stations radios de l’Armée Rwandaise ont entendu ce message en premier lieu la Station directrice (l’Etat Major) comme chaque station voulait   le relayer la station directrice prit  l’initiative d’informer tous ses subordonnés qu’elle avait reçu ce message de détresse afin d’éviter d’encombrer le réseau.

Ce n’est  donc pas la station de Cyangugu qui a informé l’Etat Major. Au contraire immédiatement le commandant de la compagnie Mutara a téléphoné  au Chef d’Etat Major Adjoint à son numéro direct mais comme ce dernier était en réunion il a demandé à parler au G3  comme lui aussi  était en réunion il lui a passé le chef d’Etat Major Adjoint qui lui a assuré qu’ils viennent d’en être informé et qu’ils sont en réunion pour arrêter les mesures immédiates.

Il lui a dit de préparer ses ordres et dès que fait de lui téléphoner pour avoir les mesures prises à son profit.

La réunion a décidé de créer un centre logistique dans la région et un secteur opérationnel intégrant la compagnie Mutara. Elle a désigné le Lt Col BEM Phénias Munyarugarama commandant de ce secteur  avec sous ses ordres :

-La compagnie Mutara.

-Un escadron de reconnaissance.

-Une Cie du Bn para commando.

-Un Pl Mor 120mm chinois.

Le commandant secteur était en place avec son PC à Ntoma le 01 octobre 1990 à 17h d’où il a envoyé déjà les éléments éclaireurs pour faire liaison avec la compagnie Mutara partie dans l’avant-midi. Ce sont ces éléments qui sont tombés dans l’embuscade des assaillants et encerclés toute la nuit du 01 au 02 octobre 1990, allaient tuer le chef des assaillants quand il tentait de les désarmer.

Il est faux  de dire que les renforts commandés par Lt Col Rwanyagasore ont été envoyés le 4 octobre 199O. Ce dernier a mis ses pieds au Mutara  à la tête du bataillon Gitarama composé des éléments de la compagnie Gitarama, Butare, Cyangugu et Kibuye destinés à combler le vide créé par le départ du contingent Zaïrois. Etant plus ancien que les autres Officiers de ce secteur il reçut le commandement de ce secteur. La mise en place de ses structures de commandement se faisant lente et donnant avantage du terrain à l’ennemi l’Etat Major de l’Armée Rwandaise révisa sa position en confiant, moyennant quelques réajustements, le commandement de ce secteur au Major BEMS Rwendeye qui redynamisa l’action sur le terrain et stoppa l’ennemi dans les tournants de Rwagitima-Nyakayaga.

  1. Il est exact que le Président Habyarimana, Ministre de la Défense Nationale et Chef d’Etat Major de l’Armée Rwandaise était en mission au sommet de l’enfance à NEW YORK tandis que le colonel Serubuga Laurent chef d’Etat Major Adjoint était bel et bien à Kigali et le 01 octobre 1990 il présidait la réunion de l’Etat Major de l’Armée Rwandaise quand le message de détresse est tombé.

Voici à ce sujet la déclaration de l’intéressé :

« J’étais actionnaire fondateur de la société RWANDA FOAM, en cette qualité j’exerçais les fonctions d’administrateur .Toutefois je n’ai effectué à l’étranger aucune mission au compte de cette société ni à cette époque ni avant.

Par contre je venais de rentrer d’une mission officielle en Belgique où j’avais un message du chef d’Etat Major de l’Armée Rwandaise au Chef d’Etat Major Général des Forces Armées Belges. Au cours de la même mission je devais représenter le Ministre de la Défense Nationale invité aux cérémonies  de l’ouverture de l’année académique à l’Ecole Royale Militaire de Bruxelles.

J’avais également mission de rencontrer les autorités de FN-Herstal pour établir un calendrier des livraisons de nos commandes à cette usine .Au cours de ces trois missions j’étais accompagné de notre attaché militaire à Bruxelles le colonel BEM Athanase Gasake ».(Colonel Serubuga Laurent)

  1. Il y a des amalgames intentionnels. Feu Lt Isaac Bugingo a été mis en renfort au Comd OPS Ngarama , il a participé à la bataille de Mimuli et comme sa réserve de bombes diminuait sans espoir de le ravitailler, son commandant d’unité d’origine commandant de la Bie AC a soumis le problème à l’Etat Major qui ,en accord avec le commandant OPS Ngarama ,tout en regrettant son action comme il s’était illustré dans la bataille de Mimuli, accepta de programmer la reconquête de Nyagatare avec seulement les appuis des unités dont il disposait (appui Cie Bn Para Cdo qui reçut des bombes supplémentaires pour cette opération), l’Etat Major décida d’envoyer Bugingo à la position de l’Hôtel Akagera où se trouvait une unité de la Gendarmerie qui participerait à sécuriser ces Mortiers. Il y resta jusqu’à l’arrivée des ravitaillements et il reprit les combats aux côtés des autres unités. Sa présence à Matimba le 01 octobre 1990 est une invention de l’auteur du document.
  2. Que le FPR prenne Rwempasha et Nyagatarre sans résistance ce n’est que normal .Référez-vous aux effectifs rappelés ci-avant même si les chiffres sont approximatifs les effectifs des détachements étaient de 30 à Kagitumba,15 à Rwempashaet 15 à Nyagatare. Quoi d’étonnant !
  3. Visiblement le rédacteur raconte ce qu’il ne maîtrise pas. Le FPR a attaqué par trois entrées :Kagitumba,Nyabwishongezi et Rwempasha. Ceux de Kagitumba et de Nyabwishongwezi ont fait jonction et puis continuèrent vers Gabiro. Ceux de Rwempasha ont continué vers Nyagatare, Mimuli, Muvumba, Rukomo et Ngarama comme dit plus haut ils furent arrêtés avant d’atteindre Ngarama. Ces deux parties dont parle le rédacteur relèvent de sa pure imagination.
  4. L’auteur du texte ne doit pas galvauder cette affaire de Rwamagana du 4 octobre 1990. Je l’invite à se procurer et lire le rapport de la commission conduite par feu colonel gendarme Pontien Hakizimana ou lire utilement le livre du major Faustin Ntilikina (Rwanda : Les Forces Armées Rwandaises :Répondre à l’histoire , Bruxelles, Ed. Scribe, 2014) qui a documenté sur ce sujet.

Comme l’enseigne l’histoire militaire gagner une bataille n’est pas gagner  une guerre et dans le cas de Rwamagana il s’agissait d’une première défection en faveur du FPR avortée mais la suite des évènements confirme ce principe de l’histoire militaire.

Cette  tentative visait à prendre à revers l’opération de la défense du nœud routier de Kayonza et d’accorder au FPR la première victoire qui allait s’inscrire dans le cadre de ce qui allait se passer à Kigali dans la soirée du 4 au 5 octobre 1990 avec le tapage médiatique qui s’en suivrait.

  1. Au sujet des tirs dans Kigali dans la nuit du 04 au 05 octobre 1990 je laisse à l’auteur de ce texte l’interprétation d’affirmer que la totalité des unités de l’Armée Rwandaise se trouvaient au Mutara comme le criaient les propagandistes du FPR à l’époque. A ce stade de la guerre seul un tiers des unités se trouvait au Mutara et la décision de ramener celles qui se trouvaient sur l’axe Gabiro-Kagitumba  était  prise après , à la place, celle de défendre le nœud routier de Kayonza par deux bataillons –Bn Huye- et un Bn du CI BUG- qu’allait commander le colonel BEM Gatsinzi lorsqu’il fut surpris par la situation au camp de la Gendarmerie de Rwamagana que ceux qui roulaient déjà pour le FPR voulaient occuper alors que Gatsinzi allait y fixer son PC.
  2. Comme dit plus avant, l’Etat Major de l’Armée Rwandaise a retiré de l’axe Gabiro Kagitumba les unités qui y opéraient donc pas étonnant que le FPR a trouvé le camp Gabiro vide cfr ci-dessus.

Pour question de précision, les unités qui opéraient sous le commandement du colonel BEM Nsabimana dans le Comdt OPS Ngarama ne comprenaient pas tout le bataillon Para Cdo mais seulement une Compagnie Para Cdo. Il y a lieu aussi d’y ajouter la compagnie Gako (embryon du Bn Gako en création).

  1. Les allégations selon les quelles le Lt Col Rwanyagasore dirigeait les combats du côté de Gabiro pendant que l’OPS Ngarama combattait le FPR du côté de Muvumba –Ngarama etc sont fausses car le Lt Col Rwanyagasore à la tête du Bn Gitarama est arrivé au front en remplacement du contingent zaîrois parti précipitamment en laissant l’ennemi prendre l’avantage du terrain. Voir ci-avant ce qui a suivi pour relancer l’OPS Gabiro.

Comme déjà dit, après avoir reconquis le centre de Mimuli le Pl Mor 120 mm de la Bie AC était sur le point d’épuiser ses bombes, de peur de couper l’intensité des combats pendant la reconquête de Nyagatare le commandant de la Bie AC , après contact avec le commandant de l’OPS Ngarama a proposé de retirer le Pl Mor 120 mm en renfort à l’OPS Ngarama. Après contact avec le commandant de l’OPS Ngarama l’Etat Major de l’Armée Rwandaise a retiré  ce Pl Mor mais a désigné en renfort à l’OPS Ngarama une compagnie du Bn Byumba (Commandée par le commandant Mugaragu).Cette compagnie jouera un rôle déterminant dans l’embuscade de Ryabega.

  1. Je laisse à l’auteur le soin des dates balancées. Je lui rappelle seulement que l’embuscade de Ryabega fut décisive pour l’Armée Rwandaise car le commandant de l’OPS Ngarama qui avait demandé l’autorisation d’effectuer cette embuscade dans le but de sécuriser son flanc droit fit d’une pierre deux coups car outre cette sécurité il coupa la liaison au FPR et permit à l’OPS Gabiro un peu de « mou » . Ce dernier vit son mouvement facilité : il reconquit facilement les tournants de Nyakayaga, lança son avancée sur Kabarore et Gabiro pour faire jonction avec le Commandant OPS Ngarama à Ryabega et en date du 30 octobre 1990 à 08h 30 sous le commandement du chef d’Etat Major Adjoint de l’Armée Rwandaise ils se réunirent avec les 3 Etats Majors à Ntoma et lancèrent la reconquête de la frontière. A 17h l’Etat Major reçut le message signalant la reconquête de la frontière à Kagitumba qui sera suivie par celle de Nyabwishongwezi et de Rwempasha.
  2. Affirmer que le 30 décembre 1990 il n’y avait plus de combattant du FPR dans le parc de l’Akagera me parait une gageure car les unités de l’Armée Rwandaise en défense du territoire dans la région ont continué à faire objet d’attaques et surtout ces attaques ciblaient les déplacés de guerre pour aggraver leur détresse.

 

Un ancien officier commandant d’unité FAR en 1990 

Octobre 2017