Renier son ethnie: signe tangible d’une période trouble

« Avant sa mort, mon grand- père me disait et même mon père me le dit quelques fois, que nous sommes originaires du Mutara de Ndorwa. Nyiramasugi, la mère de mon grand- père s’est séparée de son mari et a quitté Gihindamuyaga dans Huye où ils habitaient et s’est rendue à Nyaruguru où elle fut domestique chez un chef hutu local. Elle portait sur son dos un bébé de sexe masculin appelé Habiyambere qui fut le père de mon grand-père. Cet enfant a grandi dans cet environnement et son ethnie est devenue hutue du fait que sa mère avait été asservie par les hutu. »

C’est en ces termes que Rafiki Clément a rapporté dans le journal Makuruki.rw, les propos de monsieur Anastase Murekezi, Premier Ministre du Rwanda quand il a donné un témoignage devant les agents de la Primature et des services dépendant de lui y compris le Ministère de la famille et du développement de la femme.

Le journaliste a écrit qu’après plusieurs témoignages donnés sur le génocide, tout comme les explications sur l’idéologie du génocide telle qu’enseignée par le Dr. Jean Damascène Bizimana, le Premier Ministre a demandé qu’on écoute attentivement et sans se lasser le témoignage qu’il allait donner relatant comment il a eu le malheur de perdre son ethnie  tutsi pour devenir malgré lui un hutu parce que son arrière grand-mère avait été asservie chez ces hutu.

Il faut se rappeler que ce même Anastase Murekezi est le même qui avait demandé pardon pour avoir, lorsqu’il était encore étudiant à l’étranger, signé une lettre demandant au gouvernement rwandais d’alors de réduire le nombre d’étudiants tutsi dans les établissements scolaires.

Il faut encore se rappeler qu’Anastase Murekezi, que ce soit lors de la messe politique annuelle dite “Umushyikirano », que ce soit lors de la retraite des hauts dignitaires du pays, il apparait chaque fois entrain de prendre nerveusement des notes de façon que l’on pourrait croire qu’il prépare un livre dans lequel il compte consigner les idées de Kagamé . Mais je pense que si l’on parvenait à découvrir ce qu’il écrit à ces occasions, on serait étonné de constater qu’aucune idée n’y est consignée d’autant plus que celui qui leur parle ne fait que les insulter.

Tenez aussi compte du fait que ce même Anastase Murekezi est Premier Ministre depuis 2014 et compter le nombre de conseils des ministres qu’il aurait présidés et qui auraient pris des décisions exécutoires , surtout que les occasions n’ont pas manqué pour qu’il préside le conseil des ministres si l’on tient compte que durant cette période Kagame a séjourné très rarement au Rwanda.

Voici donc Anastase Murekezi qui a un grave problème du fait que ses ancêtres seraient originaires de la région du Mutara (origine des hommes et les vaches), mais qui a été recensé comme originaire de Gikongoro, région de tubercules sauvages prises comme des patates appelées « Impombo ».

C’est ce même Anastase Murekezi qui souffre pour être né tutsi mais qui a eu le malheur d’être enregistré comme hutu. Mais, il oublie que c’est lui-même qui a persécuté les tutsi en demandant que leur nombre soit réduit dans des écoles. Pense-t-il que même s’il en a demandé pardon, ceux à qui il l’a demandé le lui ont accordé ?

Revenons sur son action de revendiquer son ethnie tutsi et en même temps inviter la population à participer à la campagne dite « Ndi Umunyarwanda »[littéralement ‘Je suis rwandais’]. On peut dès lors se demander si ce dignitaire qui veut manger sur les deux râteliers en magouillant, aurait compris le concept de «  Ndi Umunyarwana ». Mais réellement en quoi être hutu, tutsi ou twa serait dégradant sans les actions des opportunistes qui dénigrent les autres sur base de ces soi-disant ethnies ? Est-il vraiment nécessaire que le Premier Ministre se ridiculise en clamant haut et fort qu’il est tutsi simplement parce que Paul Kagame est tutsi ? Pourquoi ne réalise-t-il pas la portée d’un tel comportement dans l’avenir ? Il devait réaliser qu’il est désormais devenu la risée dans des salons des tutsi, ceux-là qui brandissent leur « tutsité ». Il est le sujet des conversations en se demandant ce qui le préoccupe. Pourquoi ne demande-t-il pas directement à Kagame de signer un arrêté qui lui rend son ethnie tutsi ou le faire lui-même car c’est dans ses attributions ?

Il remercie au passage ses parents qui ne l’auraient pas inculqué le divisionnisme. Si s’est ainsi, alors il ment quand il demande pardon, car quiconque aurait été éduqué hors du divisionnisme ne pouvait jamais signer une lettre réclamant la réduction du nombre des tutsi dans les écoles. Sauf si la vie chez les hutu l’a imprégné de l’idéologie du génocide chère à Jean Damascène Bizimana. Ce serait préoccupant, car on ne pourrait savoir à quel moment précis il est sous son emprise, et à quel autre il ne l’a plus pour récupérer sa « tutsité ».

Dans ses propos, Anastase Murekezi prétend que c’est son arrière grand-mère qui serait venue s’installer dans Butare venant de Ndorwa. Il n’indique pas l’année, ni l’identité de ce hutu qui l’aurait prise comme servante. Ces précisions sont nécessaires car à l’époque un hutu qui pouvait avoir des serviteurs et des servantes étaient très puissant. Tout comme il n’a pas dit à son auditoire le nom du père de son grand-père, celui-là même qui est arrivé sur le dos de sa mère car ceci permettrait à ceux qui connaissent les généalogies de Ndorwa d’essayer de l’identifier comme un tutsi de tel lignage et ayant vécu ici ou là. Ce n’est qu’un amalgame savamment entretenu pour pouvoir coûte que coûte recouvrer son ethnie tutsi.

Ce qui est étonnant est que Murekezi se garde de dire en quoi cet état de hutu lui aurait servi, par exemple pour faire des études, mais s’empresse de dire que le siège de la Primature est caractérisé par un très mauvais passé. Je trouve qu’il s’agit ici de la mauvaise habitude de servilité que possèdent certains Rwandais guidés par leurs ventres.

Ce n’est pas un tel Premier Ministre qui peut considérer l’oppression dont est l’objet la population pour oser la dénoncer, car lui-aussi semble être seulement en lutte pour se faire admettre chez les tutsi. Il fera tout avec une grande prudence afin qu’il ne soit pas confondu aux hutu au moment où il voudrait devenir tutsi. Mais, en réalité, lorsqu’il fait son examen de conscience, qu’est-ce qu’il a à souffrir d’être de telle ou telle ethnie car on attendait de lui que ce qui sort de son cerveau et ses actes ? Est-ce vraiment nécessaire qu’il passe son temps à donner l’occasion à ceux qui se moquent de lui d’assister à ses réclamations comme quoi il aurait été dépouillé de son ethnie tutsi ?

«  Ô Crane, Ô Crane! Qu’est-ce qui t’est arrivé? Et l’autre de répondre: moi j’ai été victime de ce qui emporte tout homme, mais toi tu seras victime de ta langue pendue » (dicton rwandais).

Pourquoi ne pas se sentir bien dans sa peau tel que tout le monde te perçoit au lieu de changer régulièrement comme un caméléon? Il est connu que les hutu qui servent le régime de Paul Kagame, je vais souligner ceux qui ont été placés dans des postes importants, ceux- là doivent se taire, ne doivent émettre aucune critique, fermer les yeux quand la population est soumise aux souffrances mais louer leurs maîtres. Ils ne peuvent produire rien de bon. Ils ne peuvent même pas engager un enfant hutu qui termine ses études de peur de ne pas se compromettre. Il leur est demandé de toujours se taire, sourire même quand ce n’est pas nécessaire. Mais, quand tu oses dire des choses comme celles-là, tu te mets en danger et le moment venu on te met à ta vraie place. Et c’est à ce moment que le récit du crâne te vient en esprit. Ce crâne qui parlait et qu’un énergumène est allé dénoncer chez le roi comme quoi, il y avait un crâne qui parle comme un vivant. Le roi s’y rendit avec son armée et arrivé à côte du crâne, il demanda au dénonciateur d’engager un dialogue avec le crâne comme il le prétendait. Le crâne se tut. Le roi entra dans une folle colère et ordonna l’exécution du mauvais plaisantin. Et le crâne de s’écrier : « Je t’avais dit que moi j’étais mort d’une mort naturelle mais que toi tu serais victime de ta langue ». […]

Le Rwanda que nous souhaitons est celui dans lequel il n’y aurait plus cette vaine discrimination ethnique instauré par le régime de Kagame et qui lui permet de piller. Cet homme (Murekezi) devrait savoir qu’il occupe ce poste parce qu’il est hutu, même s’il n’est que de façade, mais ce qui le voient le prennent pour Premier Ministre. Si d’aventure on lui remettait comme il le réclame son ethnie tutsi, il serait mis dans un autre poste qui correspond à sa vraie ethnie. On le mettrait où se trouvent les hutus qui ont fait des études, pour s’être servi de l’ethnie hutu pour y parvenir et il le sait ; ou ceux qui lui ont précédé dans son ascension vers l’ethnie tutsi lui demanderaient des comptes pour des années passées sans accès au pouvoir. On peut douter qu’il y trouverait son intérêt.

J’en profite pour proposer à ce poste le député Bamporiki, un authentique hutu et qui le chante partout, ainsi Kagame sera sûr de disposer d’un serviteur qui lui restera fidèle jusqu’au bout.

Ce que je voudrais aussi demander à Anastase Murekezi, s’il reste à son poste de Premier Ministre, il devrait montrer que c’est réellement lui qui dirige le gouvernement et ainsi au lieu de fermer les yeux sur les scandales de tous les jours quand la population est sous le joug, au lieu de se complaire à attendre tranquillement son salaire provenant par ailleurs des impôts de cette population, au lieu de prend des décisions stupides, il devrait démissionner.

Il devrait avoir démissionné:

– Quand plusieurs Rwandais se sont réfugiés en Ouganda et en Tanzanie suite à la famine ; ou alors demander les comptes au Ministre chargé de l’agriculture;

– Quand les agriculteurs ont reçu et ont été obligés des semer des espèces agricoles qui ne correspondaient pas aux conditions de la région au lieu de récolter, ils se sont affamés (conjointement avec le Ministre de l’Agriculture) ;

– Quand certains étudiants sont renvoyés par manque de frais de scolarité, au moment où les études de certains sont entièrement payés par l’état quand plusieurs autres sont oubliés ( Education et Affaires Sociales) ;

– Quand les habitants sont l’objet d’exécutions extrajudiciaires et de disparitions et d’autres sont identifies parmi les dépouilles mortelles flottant dans le lac Rweru ( Sécurité)

– Quand les habitants sont expropriés ou leurs bien immeubles détruits dans aucune indemnisation (Affaires sociales)

– Quand plusieurs prisonniers sont arbitrairement maintenus en détention ou sans dossiers ou encore après avoir purgé leurs peines ( Sécurité) ;

– Quand le Rwanda subit une attaque faisant plusieurs morts dans l’armée et la police mais sans que la population ne soit informée ( Armée)

– Quand on s’en prend à tout le monde, en faisant croire que le monde entier s’est ligué contre le Rwanda! Que vaut-il ? (La Présidence)

– Dans un pays où est supposé exister d’autres partis politiques d’opposition au parti au pouvoir, mais où tous ses partis sont dirigés par le Secrétariat du parti au pouvoir qu’est le FPR etc, etc.

Lorsque Monsieur Anastase Murekezi aura compris sa mission dans le poste qu’il occupe, il pourra alors revendiquer son ethnie tutsi, il devrait toujours se rappeler que ses prédécesseurs n’ont rien épargné dans ce sens mais qu’ils furent quand-même disqualifiés.

Un dicton africain et rwandais dit que: « Un séjour prolongé d’un tronc d’arbre dans le fleuve ne le rend jamais crocodile »

nsenga

Emmanuel Senga, North Carolina, USA

Publié le 21/04/2016 en Kinyarwanda sur le forum Democracy& Human Rights (DHR) et traduit par la rédaction