Rwanda: Allo ! Allo Déo, es-tu là ?

Il y a trois ans, presqu’à la même heure, je formulais ici le vœu de te voir libre. Le sort ou plutôt le « faiseur de pluie et de beau temps » en a décidé autrement. La perpète, a-t-il décrété. Inflexible. Tes nouvelles ne nous arrivent maintenant qu’au compte-gouttes et Dieu sait si j’essaie de m’en enquérir le plus régulièrement possible. Tu es en vie et c’est l’essentiel, pourrait-on être tenté de dire. Mais quel genre de vie est-ce ? Ce bannissement et cette humiliation sans noms ? L’année s’écoule et les bulles coulent à flot, mais partageant le sort des millions d’autres infortunés, tu subis toujours et encore le courroux d’Arbre-dans-l’œil. Cette fois-ci, je n’irais pas par quatre chemins : je vais lui demander de te gracier. Carrément.

Il m’arrive souvent de me demander ce qui l’empêche d’accomplir ce geste si honorable. Il a en effet tout eu : certaines puissances lui ont donné un fauteuil, les Rwandais lui ont offert des années de silence et de peur, il nage dans une opulence indicible, même qu’il vient de s’octroyer un sacre fait de retouches et autres maquillages constitutionnels, des mises en touche de plusieurs de ses amis d’antan. Il se la coule douce quoi ! Avec pareil confort, certains mots devraient vraiment revêtir pleinement leur sens. La mansuétude par exemple : un des dictionnaires en ligne précise que c’est «Indulgence, charité, tolérance. Douceur d’âme ou disposition de l’esprit qui pousse à se montrer bienveillant, patient, compréhensif, clément avec les autres ». Alors, pourquoi diantre n’y comprend-il rien jusqu’à présent ?

Allo Déo, tu es là ? Les tambours de guerre battent de part et d’autre de l’Akanyaru… Qui y aurait cru lorsqu’ils t’ont kidnappé ? La lune de miel de cette époque (mars 2010) a cédé la place à des invectives transfrontalières qui ne laissent présager rien de complice entre les conjurés d’hier. Une histoire de troisième mandat différemment interprétée, le soutien du peuple invoqué, mais surtout un prétexte pour assouvir des soifs qui datent. Dans un mémorandum, tu avais prévenu « le caractère global du conflit rwandais apparaît encore plus nettement dans diverses déclarations notamment celles de Yoweri Kaguta Museveni. Dans son discours devant l’Assemblée générale de la Société de droit de l’Afrique de l’Est (The East Africa Law Society general assembly) du 04 avril 1997, le Président ougandais déclara : « Ma mission est d’assurer que l’Erythrée, l’Ethiopie, la Somalie, le Soudan, l’Ouganda, le Kenya, la Tanzanie, le Rwanda, le Burundi et le Zaïre deviennent des Etats fédérés sous une même nation. Cela n’est pas maintenant un choix, mais une obligation que l’Afrique de l’Est devienne une seule nation ». Et dire que c’est lui maintenant le médiateur ! Bref…

En revenant à toi cher frère, je voudrais juste te rassurer : « L’homme puissant ne sent bien son injustice que lorsque le faible est parvenu à se venger de lui » (Emile Pontich). Pourquoi veut-il obstinément qu’on en arrive là ? Tenez : son cadeau de nouvel an a été le « j’y suis et j’y reste(rai) ». S’il n’y a vraiment rien de neuf dans cette démarche (tout le monde s’y attendait), Monsieur Qui-Vous-Savez aurait en tout cas mieux fait en surprenant et ses fans et ses opposants. En se désignant un successeur et en accordant une grâce présidentielle à tous les prisonniers politique par exemple. Pour le premier c’est raté, mais il n’est pas vraiment tard pour le second. A moins qu’il ne se soit résolu à attendre que Dieu exauce les prières qu’un de ses homologues et ennemi du moment a publiquement déclaré vouloir lui dédier.

D’ici là et tout en réitérant ma demande de grâce présidentielle pour tous, que 2016 soit une paisible et fructueuse année. A tous.

Cecil Kami