RWANDA : INSTRUMENTALISATION DU GÉNOCIDE RWANDAIS. CAS DU PROCÈS BOSCO NTAGANDA DEVANT LA CPI

Bosco Ntaganda est ce seigneur de guerre rwandais et tutsi congolais ( ?) qui est jugé devant la Cour pénale internationale (CPI) à La Haye depuis 2015. Surnommé « Terminator » pour sa cruauté, il est poursuivi pour des crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis en Ituri à l’Est de la République Démocratique du Congo entre 2000 et 2003.

Bosco Ntaganda, qui a commencé à déposer devant le Cour pour sa propre défense, a d’emblée justifié ses enrôlements dans différentes rébellions pour dit-il « arrêter le génocide ». Ainsi,  il prétend que comme combattant entre 1990 et 1994 dans la rébellion tutsi venue d’Ouganda, celle du FPR qui s’empara du pouvoir au Rwanda en 1994, il participait «  à l’arrêt du génocide ». De même, en dévastant l’Ituri à la tête des milices Hema qui combattaient les Lendu, il voulait « arrêter un génocide » !

En adoptant cette stratégie de défense, Bosco Ntaganda entend faire du génocide la colonne vertébrale de sa défense. Et pourtant, il se trompe, sauf s’il rencontre une oreille bienveillante des juges et du procureur. Cette défense est loin de l’acte d’accusation dressé contre lui. Il n’est pas question de génocide au Rwanda, mais des crimes de guerre commis en RDC et qui sont précisés dans l’acte d’accusation. Bosco Ntaganda et ses avocats cherchent, soit des circonstances atténuantes, soit faire admettre par la CPI, la thèse des ordres reçus, donc impliquer le président Kagame,  supérieur hiérarchique. Sauf chance, il ne réussira pas à émouvoir les juges. Le procureur n’a aucun intérêt à impliquer Kagame. Les juges non plus. Ce serait aller contre la politique générale impérialiste. Personne n’ignore que la guerre du Congo a été approuvée et financée par les grandes puissances qui, en même temps, ont fourni des renseignements vitaux aux troupes rwandaises et ougandaises. Ce ne sont pas des arguments qui ont manqué aux différentes juridictions pour condamner Kagame. Les preuves sont accablantes et innombrables. Par contre, il est facile de démontrer que Ntaganda a participé à la provocation du génocide au Rwanda et que les prétentions de l’avoir arrêté sont sans fondement et sont éloignées de la vérité.

Comme rwandais né en 1973 au Rwanda même, Bosco (ou Enéas) Ntaganda n’avait aucune raison sérieuse de se plaindre. Son père, Kanyabugoyi, ingénieur, était directeur général au ministère des Travaux publics au Rwanda. Il était un Mugogwe.  Ce n’était pas un fonctionnaire tutsi brimé. La motivation de son fils est unique : restaurer le pouvoir tutsi, hégémonique et exclusif. Prétendre qu’il a arrêté le génocide est farfelu. Participer à sa programmation oui. A son arrêt, non. Au Congo, Ntaganda appliquait les consignes de Kagame, de vider l’Est de la RDC de tout élément bantou, pour  y laisser une population uniquement tutsie ou affiliée. C’est dans ce sens qu’il faut comprendre les propos de Kagame lorsqu’il regrette de n’avoir pas pu atteindre et liquider tous les réfugiés hutu en RDC. C’était l’une des missions, sans oublier celle qui lui fut confiée par les puissances impérialistes de chasser Mobutu du pouvoir, pour favoriser le pillage. Ntaganda a été envoyé en RDC pour continuer cette action, qui se prolonge jusqu’à ce jour. Le racisme a toujours été la base de l’idéologie du FPR. Le grade de général et commandant en chef dans cette région de l’Ituri suffit pour qu’il rende compte des atrocités commises par ses troupes dans cette région très éloignée du Rwanda.

En mettant en avant l’arrêt du génocide au Rwanda et en RDC, Ntaganda brouille les pistes. Il est faux de prétendre que le FPR a arrêté le génocide au Rwanda. Il l’a provoqué, oui ! Mais il ne voulait pas qu’il s’arrête avant la prise du pouvoir total par Kagame. L’assassinat du président Habyarimana le 6 avril 1994 a été commis pour allumer l’incendie, en sacrifiant les Tutsi. Ceci s’est manifesté par la déclaration de Claude Dusaidi et de Gérard Gahima devant le Conseil de sécurité le 30 avril 1994, où les deux délégués niaient catégoriquement l’existence du génocide et s’opposaient, au nom du FPR, à l’envoi des Casques bleus pour ramener l’ordre au Rwanda. Et ils ont gagné ! Ajoutons à cela que les demandes des FAR de cessez-le feu ont été repoussées par le FPR dès avril 1994. Plusieurs dissidents du FPR, réfugiés à l’étranger, soutiennent que : le FPR a provoqué le génocide, en assassinant le président Habyarimana, alors que les conséquences sur la population tutsi étaient prévisibles ; en interdisant aux soldats de l’APR de secourir les Tutsi ; en refusant tout cessez-le feu avant la prise totale du pouvoir par Kagame. C’est cette action du FPR qui a fait que les massacres se sont poursuivis, souvent avec la participation active et visible des soldats de l’APR.

Contrairement à Kagame et à ses compères qui n’ont jamais été inquiétés par le TPIR, Bosco Ntaganda se trouve entre les mains de la CPI et doit répondre de nombreuses charges bien précises. C’est dès lors inutile de sa part de revendiquer les arguments avancés par les gens du FPR pour écarter les poursuites devant le TPIR.

A moins de nous réserver des surprises cachées derrière cette démarche, on dirait que Ntaganda et ses avocats se trompent de Tribunal. Prétendre que Bosco Ntaganda ne devrait pas être condamné par la CPI à l’instar des gens du FPR qui n’ont pas été inquiétés par le TPIR, est tout simplement irrelevant. L’acte d’accusation de Ntaganda comporte plusieurs chefs d’accusation dont 13 pour crimes de guerre et 5 pour crimes contre l’humanité. Il est notamment dit qu’il  était un des commandants les plus importants lors de crimes ethniques qui ont engendré la mort de 60.000 personnes. Il est accusé d’avoir orchestré des attaques menées par les FPLC, ce bras armé de l’Union des patriotes congolais (UPC) à prédominance Hema combattant principalement des milices Lendu pour le contrôle de cette région aux nombreuses mines d’or. Ces attaques laissaient derrière elles des corps ligotés au niveau des bras, en sous-vêtements, éventrés, les têtes écrasées par des pilons. Plusieurs témoins l’ont rapporté devant la Cour. Très imbu de lui-même et connu pour avoir la gâchette facile, le chef de guerre aurait donné les ordres, planifié et programmé les opérations, coordonné la logistique et fourni les armes. Il aurait aussi recruté personnellement des enfants. Des « kadogo », des « jeunes » en swahili, filles et garçons, qu’il choisissait pour son escorte personnelle et qu’il habillait et armait pour le combat.

En conclusion, au lieu de chercher des échappatoires, le « Terminator » Bosco Ntaganda devrait faire courageusement face à ces charges sans chercher à instrumentaliser le génocide rwandais. Son équipe de défense devrait abandonner cette stratégie de jouer sur le « génocide rwandais ». Espérons que les juges sont vigilants et ne tomberont pas dans le même piège dans lequel certains de leurs collègues de l’ancien TPIR sont tombés. Affaire certainement à suivre.

Emmanuel Neretse