Rwanda. Le génocide est devenu une arme de tous les calibres. Le cas de Jacqueline Mukangira en est une bonne illustration

Au Rwanda, le génocide est mêlé à toutes les sauces. Être rescapé du génocide est devenu un statut convoité car il donne accès à l’avoir et au pouvoir. Et même au savoir. Démonstration.

Jacqueline Mukangira a fréquenté l’université nationale du Rwanda, Campus de Ruhengeri à Nyakinama. Avec la prise du pouvoir par FPR, Jacqueline Mukangira  a occupé bon nombre de postes juteux (ambassadrice, sénatrice,…).

Profitant de la présence de son ancien professeur actuellement dans une prestigieuse université française, Mukangaira l’aborde et lui soumet son idée de soutenir une thèse de doctorat. Le professeur, content de renouer contact avec son ancienne élève, fait tout son possible pour faire inscrire l’intéressée dans le programme de doctorat. Ce fut un combat car le directeur de l’école doctorale avait des doutes, étant donné le niveau actuel de l’enseignement au Rwanda. Le professeur s’est porté garant de la dame. Elle devait travailler sur la place de la femme dans la réforme agraire au Rwanda qui comprend, entre autres, la réforme foncière et des systèmes de cultures.

Le sujet était intéressant; les questions qu’il soulève peuvent être objet de recherches académiques. Certains des axes de recherche étaient ainsi formulés : La femme a-t-elle profité de cette réforme pour augmenter ses revenus et renégocier sa place dans la  société? Sur quelles spéculations agricoles et sur quels types d’associations se focalise-t-elle pour gagner de l’argent ? Si elle peut maintenant hériter de ses parents, que va-t-elle faire quand elle est mariée loin de sa colline de naissance ? Ne sera-t-elle pas tentée de vendre ? Si ces frères ne peuvent pas acheter, n’y a-t-il pas risque de fragmenter encore l’exploitation familiale ? Si on parle de famine  dans les campagnes, quelle est la part de cette réforme dans les  déficits alimentaires et comment cela affecte-t-il la femme ?

Malheureusement, Jacqueline Mukangira, dans la rédaction de sa thèse, s’est mise à trafiquer les données pour montrer que c’est le paradis au Rwanda ! Elle a insisté sur la proportion des femmes dans le Parlement, dans les missions de maintien de la paix… alors que cela n’avait aucun rapport avec le sujet. Elle a ensuite construit des chiffres montrant que les revenus des femmes de son échantillon avaient triplé, qu’elles avaient toutes un compte bancaire bien fourni… mais sans jamais montrer comment elles y sont arrivées, ce qui était pourtant sa question de recherche !

Malgré les observations du professeur, la dame n’a pas voulu changer le moindre mot de son texte de 350 pages. Le professeur a été franc et lui a dit que pour lui, ce qu’elle a fait n’était pas une thèse scientifique mais un instrument de propagande, et lui a conseillé d’aller soutenir sa thèse au Rwanda, car aucune université sérieuse ne pouvait accepter ce genre de travail. C’était en 2017.

Jacqueline Mukangira a coupé le contact avec son professeur. Mi-avril 2019, le professeur reçoit un mail de l’Université Gaston Berger de Saint Louis au Sénégal qui contenait également une copie de la correspondance avec l’Ambassadeur du Rwanda au Sénégal (lui aussi ancien étudiant du professeur). L’ambassadeur, dans sa correspondance avec l’université sénégalaise, traite indirectement le professeur de « génocidaire » !
La lecture du mail qui suit, qui date d’avril 2019, se passe de tout commentaire. Il a été écrit par l’ambassadeur du Rwanda au Sénégal aux autorités académiques de l’université Gaston Berger de Saint Louis :

Ma sœur [mensonge, ce n’est pas sa sœur] Mme Jacqueline Mukangira était en phase de soutenance de sa thèse à [….] et a eu de gros ennuis avec son directeur, pourtant son ancien professeur au Rwanda pour des raisons liées au génocide perpétré contre les Tutsis. Le Mr étant réfugié en France depuis, et ma sœur Jacqueline étant elle rescapée du génocide, vous comprendrez combien la situation de son ancien superviseur de thèse était bien délicate et gênante.

Maintenant ce que je sollicite de votre part :

Accorder à ma sœur Jacqueline à soutenir sa thèse à l’UGB, à l’Ecole Doctorale / Laboratoire de Géographie. Sa thèse de plus de 350 pages est déjà prête. Elle est aussi prête à se déplacer à St Louis pour toute fin utile.

Je vous remercie très vivement de votre soutien.

Dr Mathias HAREBAMUNGU
Ambassadeur du Rwanda

A cette demande, le doyen de la faculté concernée de l’Université Gaston Berger de Saint-Louis adresse le message suivant au professeur, ancien directeur de thèse de Jacqueline Mukangira en France :

Bonjour cher collègue,

Je viens d’être saisi à propos de la thèse de Mukangira […]. Pouvez-vous confirmer que le texte est finalisé, est passé par toutes les étapes et qu’il est soutenable devant un jury car elle veut s’inscrire à UGB pour soutenir.

Aux dernières nouvelles, la thèse de Jacqueline Mukangira a été également refusée par l’université du Sénégal.

Ce qui précède montre, une fois de plus, comment le génocide contre les Tutsi au Rwanda, est devenu un puissant instrument pour accaparer l’avoir, le savoir et le pouvoir.

Jules Akapatcho

Source: Echos d’Afrique