Rwanda: les trois fautes de Paul Kagame

Kagame, en assassinant M. Karegeya, a commis trois fautes qu’il pourrait regretter dans un avenir très rapproché.

Première faute :ignorer que le monde a changé et que le regard que porte la communauté internationale sur la sécurité des États est devenu  encore plus sévère qu’il ne l’était il y a 20 ans. Le meurtre de M. Karegeya a été commis hors des frontières nationales rwandaises, à fortiori sur les terres de Nelson Mandela, ce héros légendaire que le monde entier pleurait il y a quelques semaines à peine en mémoire de son immense héritage pour le combat acharné pour la démocratie et la réconciliation des Sud-Africains. Et M. Kagame, dont le pouvoir n’a rien perdu de ses réflexes prompts à manier aussi bien la violence que les conditions pour la justifier, voudrait exporter le terrorisme d’État en Afrique du Sud! Il semble que l’enquête policière suit son cours pour déterminer les tenants et aboutissants de ce meurtre crapuleux. Mais on peut penser que si la responsabilité du régime rwandais devait être établie dans ce dossier, cet acte terroriste ne resterait pas impuni par l’Afrique du Sud dont nul n’ignore qu’elle a les moyens diplomatiques, politiques et militaires pour faire respecter l’autorité de l’État sur son territoire.

Deuxième faute: M. Kagame a pu croire que tout lui est permis et qu’il peut s’offrir le luxe d’assassiner qui il veut en toute impunité. La crise aigue qu’a traversée le Rwanda dans la foulée du génocide de 1994 a favorisé d’autres actes répréhensibles. Les autorités rwandaises qui étaient plutôt attendues sur le terrain de la réconciliation nationale, sont devenues les pompiers-pyromanes d’une atmosphère délétère de l’arbitraire, générateur d’un sentiment d’insécurité généralisée qui a envahi les Rwandais. Déclinons : pour les uns, l’avenir est inexistant car trop peu sûr. Pour d’autres, seul le présent, garanti pour ce qu’il est, peut offrir quelques points de repère. Pour d’autres encore, il n’y a plus de passé car il est trop douloureux; il ne peut être abordé car – ô danger – on risque de compromettre la survie immédiate. Le régime s’emploie à faire disparaitre toute notion de solidarité en faisant régner un climat de suspicion permanente entre voisins. Un ordre pervers où la violence fait loi. Au travers des extraits du discours évoqué plus tôt, l’ « évangile selon Paul Kagamé »  ne prêche pas autre chose! Cette impunité de fait peut-elle perdurer indéfiniment? Et si les Rwandais finissaient par se réveiller comme un seul homme!

Troisième faute: plus lourde encore sur le plan politique : M. Kagame a dû admettre publiquement que son gouvernement ne reculera devant rien pour pourchasser ses opposants politiques, fussent-ils des Tutsi. Ce faux pas fait paraître M. Kagame comme un artificier bricolant son engin incendiaire et son imminente mise à feu.  La vigilance doit être de mise. Le combat pour la démocratie et les droits de la personne doit se poursuivre. Le travail pour abattre les frontières entre Rwandais doit être sans relâche.

Au vu des évènements récents, le président Kagame continue à alimenter les interrogations des Rwandais et de l’opinion publique sur son implication directe dans l’assassinat du président Habyarimana, élément déclencheur du génocide qui s’en est suivi. En déclarant une guerre ouverte et sans merci à « quiconque trahit notre cause ou souhaite du mal à notre peuple », le chef de l’État rwandais vend la mèche de son funeste projet… En vertu de quelle légitimité divine ce président s’arroge-t-il le droit de tuer qui il veut, où qu’il vive?

Augustin BAZIRAMWABO et Etienne MASOZERA, Gatineau, Québec, CANADA