Les Forces Démocratiques Unifiées (FDU INKINGI) saluent avec un grand plaisir la Résolution 2016/2910 (RSP) du 6 octobre 2016 du Parlement Européen sur le Rwanda, en ce qui concerne l’affaire Victoire INGABIRE UMUHOZA, présidente des FDU INKINGI, incarcérée dans la prison centrale de Kigali.

Le Parti FDU-Inkingi exprime sa vive gratitude au Parlement Européen pour cette position courageuse qui fait honneur aux valeurs historiques défendues par l’Union Européenne.

Les FDU INKINGI tiennent cependant à apporter des éclaircissements aux inquiétudes exprimées par l’Honorable Député Louis Michel au nom de son groupe ADLE qui n’a pas voulu cosigner cette Résolution sous prétexte qu’il s’agirait d’un cas qui porte indubitablement ambiguïté car, dit-il, « tout le monde sait que Madame INGABIRE a des contacts avec les FDLR (Forces démocratiques de libération du Rwanda) qui sont les génocidaires Interahamwe de 1994 ».

Les FDU INKINGI s’étonnent d’emblée que l’honorable député européen se réfère quasi exclusivement au procureur général de la république rwandaise, éminent membre du parti au pouvoir à l’époque, et qui n’avait d’autre but que de défendre l’autorité qui l’avait mis en scelle. L’honorable député aurait eu une vue plus équilibrée s’il avait mis en balance d’autres sources crédibles moins partisanes.

En effet plusieurs organisations internationales des droits de l’homme comme Amnesty International ont affirmé que ce procès était entaché d’irrégularités et ne répondait pas aux normes standards internationales de justice équitable. Les récents rapports publiés sur les disfonctionnements de la justice rwandaise, à l’exemple de celui de l’expert néerlandais Mr. R. Wetteren, sont assez éloquents à ce sujet et corroborent avec l’esprit et la lettre de cette résolution

Les FDU INKINGI affirment avec force que les affirmations de l’honorable Louis Michel sont gratuites et souhaitent par la présente, lever toute équivoque que suscite son intervention.

Il sied de rappeler que Madame Victoire INGABIRE UMUHOZA, présidente des FDU INKINGI, s’est rendue au Rwanda en janvier 2010 pour faire enregistrer son parti et se porter candidate à l’élection présidentielle. Arrivée au Rwanda, elle a été régulièrement accusée par les médias proches du pouvoir d’avoir épousé « l’idéologie du génocide », de « minimisation du génocide », de « divisionnisme » et de « collaboration avec une organisation terroriste » à savoir les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR). Le 30 octobre 2012, elle a été condamnée à huit ans de prison ferme.

De nombreuses organisations de défense des droits de l’homme ont dénoncé les graves irrégularités qui ont entaché le procès en première instance, qui n’a pas été jugé de manière équitable ; par ailleurs, dans son rapport, Amnesty International attire l’attention sur des déclarations publiques préjudiciables faites par le président du Rwanda avant le procès ainsi que sur l’utilisation d’aveux de détenus au Camp Kami, où on aurait eu recours à la torture pour leur extorquer lesdits aveux. C’est alors qu’en mai 2013, après avoir témoigné contre Victoire Ingabire devant la Haute Cour rwandaise en 2012, quatre témoins de l’accusation et un co-accusé ont révélé à la Cour suprême que leurs témoignages avaient été falsifiés. Malgré ces anomalies, la Cour Suprême n’a pas entendu rectifier les erreurs commises lors des procédures judiciaires antérieures vis-à-vis de Madame INGABIRE. Bien au contraire, elle a alourdi sa peine en la condamnant le 13 décembre 2013 à 15 ans de prison ferme.

Par ailleurs, des responsables rwandais dont le procureur général, auquel fait allusion le Député Louis Michel dans son discours du 6 octobre 2016 au nom du groupe ADLE devant le Parlement européen, ont affirmé que les inculpations formulées contre Victoire INGABIRE n’étaient pas liées à ses contacts présumés avec les Interahamwe, mais à l’impact que pouvait avoir son discours. C’est ainsi que le procureur général Ngoga a lui-même déclaré : « Le problème c’est la philosophie sous-jacente. Ce n’est pas une question de criminalité, mais de philosophie. L’insistance [sur l’obligation de rendre des comptes pour les crimes de guerre du FPR] n’est pas fondée sur l’inquiétude de voir un groupe oublié. Non, elle repose sur une tentative de minimiser l’ensemble de l’opération génocidaire ».

Ayant ainsi épuisé toutes les voies de recours intérieurs, Madame INGABIRE n’avait plus de choix que de se pourvoir le 3 octobre 2014 devant la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples sise à Arusha en Tanzanie. L’honorable Louis Michel comprendra que l’Affaire INGABIRE suit son cours devant la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples.

C’est pourquoi les FDU Inkingi s’étonnent que l’honorable député ait tendance à adopter les démarches semblables à celles du Président Paul Kagame pour se substituer au juge saisi pour prononcer la culpabilité d’office de Madame INGABIRE.

La solidité et la fiabilité des institutions rwandaises capables de garantir la sécurité personnelle et juridique des citoyens doit être jaugée à l’aune de la récente décision du gouvernement de retirer sa Déclaration unilatérale reconnaissant la compétence de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples. Grâce à cette déclaration, les ONG et les ressortissants rwandais pouvaient attaquer devant cette cour les décisions définitives injustes de la justice rwandaise.

Le Rwanda a préféré retirer sa déclaration, privant ainsi ses ressortissants d’accès à un juge indépendant de son pouvoir, la veille d’une audience dans l’affaire Victoire Ingabire Umuhoza c. Le Rwanda, où le Rwanda avait justement l’occasion de vanter les mérites de son système judiciaire. Il s’est dérobé à l’audience du 4 mars 2016. Cette audience avait donc eu lieu en l’absence de l’Etat Rwandais.

Au cours de sa 41ème session ordinaire tenue le 3 juin 2016, la Cour a rendu publique la décision suivante : « La Déclaration spéciale de retrait faite par le Rwanda pour examiner l’Article 34 (6) est soumise à la notification d’une durée de 12 mois pour devenir effective ; elle n’affectera pas le procès dans l’Affaire INGABIRE ni ceux des autres affaires qui sont pendantes devant la Cour ».

En effet, la Cour n’a compétence que sur les Etats qui ont fait une déclaration en vertu de l’article 34(6) du Protocole d’accepter la juridiction de la Cour. Le Rwanda avait fait cette déclaration en février 2014.

Aujourd’hui le retrait du Rwanda du Protocole de la Cour africaine ne semble plus d’actualité, eu égard au fait que le gouvernement rwandais vient de faire élire par les Etats membres de l’Union Africaine une juge rwandaise en la personne de Madame Marie Thérèse Mukamulisa, qui fait désormais partie des onze juges qui composent la Cour africaine. Il est à constater que Madame Marie Thérèse Mukamulisa était juge à la Cour Suprême du Rwanda qui a condamné Madame Victoire INGABIRE UMUHOZA à 15 ans de prison.

A moins que ce ne soit fait à dessin, il est tout aussi incompréhensible que les Etats membres de l’Union africaine n’aient pas réalisé qu’en élisant Madame Marie Thérèse Mukamulisa au siège des juges qui composent la Cour africaine, le Rwanda devenait de ce fait juge et partie. Un conflit d’intérêt est évident puisque le Rwanda se trouve déjà au banc des accusés.

Les FDU INKINGI  trouvent donc les propos tenus par l’honorable Louis Michel très déplacés.

 

Fait à Bruxelles, le 12 octobre 2016

 

FDU INKINGI

Joseph BUKEYE

Deuxième Vice-Président

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RWANDA – LETTRE OUVERTE A L HONORABLE DEPUTE LOUIS MICHEL SUR LA RESOLUTION DU PARLEMENT EUROPEEN SUR VICTOIRE INGABIRE