Rwanda:La France serait-elle prête pour une nouvelle humiliation?

La ministre de la justice et Garde des sceaux, Christiane Taubira, représentera la France, le 7 avril à Kigali lors des célébrations du 20e anniversaire du génocide rwandais, écrit le journal Le Monde. Depuis l’avènment du FPR au pouvoir au Rwanda en 1994, les relations entre la France et le Rwanda ont été toujours tumultueuses.

La France fustigée à chaque anniversaire de commémoration du génocide

Le 07/04/2004, la France délégua le secrétaire d’Etat Renaud Muselier aux cérémonies de commémoration du 10èanniversaire du  génocide. L’envoyé français fut pris à partie par le président Paul Kagame qui, dans son discours, reprocha aux Français d’avoir sciemment entraîné et armé les troupes gouvernementales et les milices alors qu’ils savaient qu’ils allaient commettre un génocide. Kagame le dit en tournant son regard vers les gradins où était assis le secrétaire d’Etat français. Il a ajouté, comme s’il s’adressait directement à son hôte, qu’il est impensable d’  « avoir l’audace de rester là sans s’excuser ». Renaud Muselier comprit vite. Il sortit du stade et prit son avion pour retourner à Paris avant la fin des cérémonies.

Durant les cérémonies du 07/04/2007, le président Paul Kagame revint à la charge. Dans son discours de circonstance à Murambi (sud-ouest), il accusa les militaires français de l’Opération Turquoise d’avoir construit sciemment un terrain de volley-ball sur une fosse commune des victimes du génocide. Il ajouta qu’ils ont même participé aux tueries aux côtés des Interahamwe quand ceux-ci commençèrent à battre en retraite.

A Nyamata le 7/4/2008, le président Paul Kagame a lancé des insultes au juge français J-L Bruguière en le traitant de « Kabwera » qui veut dire « vagabond », « prostitué ».

En août 2008, la commission Mucyo. Son rapport, bricolé de toutes pièces et se basant sur de faux documents, mit en cause 13 personnalités politiques françaises et 20 officiers français dans le génocide de 1994.

Lors de la commémoration du génocide en avril 2011, Bernard Kouchner se rendit au Rwanda. Laurent Contini, y était encore ambassadeur. Il prononça, dans l’enceinte de l’ambassade de France à Kigali le 9 avril 2011, un discours fustigeant officiellement l’action de l’armée française au Rwanda en 1994, se mettant ainsi en porte-à-faux avec la position de son nouveau ministre des Affaires étrangères Alain Juppé pour qui les soldats français avaient fait leur devoir et qu’en aucun cas leur honneur ne pouvait être sali.

En mars 2012, le Rwanda a chassé de son territoire une commission rogatoire française qui venait poursuivre ses enquêtes en rapport avec le génocide rwandais de 1994 au motif que les enquêteurs faisaient perdre du temps à la justice rwandaise. Pour la nième fois, la France se fit éconduire du Rwanda ou y reçut un traitement humiliant.

A la veille de la commémoration du vingtième anniversaire du génocide, les autorités rwandaises, par le biais du sénateur Jean Damascène Bizimana, par ailleurs possédant la nationalité française, ont encore mis la pression sur la France en rendant public les noms des militaires qui, selon Kigali, devraient être poursuivis pour « génocide et complicité de génocide ». C’était le 4 février 2014, au Sud du Rwanda, lors « de la cérémonie de réception de la Flamme Eternelle de l’Espoir ».

Le contentieux franco-rwandais est loin d’être soldé

La France continue de subir « la terreur rwandaise » via les associations comme Survie ou le couple Gauthier mais également via les agents de Kigali disseminés sur le territoire français. Cela a été encore démontré le 01/04/2014 lors du Colloque sur le drame rwandais au Sénat français. Le régime rwandais, via son ambassade à Paris, a demandé officiellement au Quai d’Orsay qu’un délégué fasse partie des orateurs pour faire valoir le point de vue rwandais. Cette demande n’a pas été exaucée vu que la conférence avait été organisée par l’association « Démocraties » dont le président a regretté, après la séance, que les autorités rwandaises ne se soient pas adressées à l’asbl directement car rien ne s’opposait à ce qu’un représentant du Rwanda soit retenu parmi les conférenciers.

Mais Kigali avait tenu à ce que sa version des faits se fasse entendre et avait envoyé une forte équipe composée du sénateur du FPR José Kagabo (professeur à l’EHESS à Paris), de l’anthropologue Damien Rwagera et d’un certain Cyprien Mihigo, un activiste du FPR en France. Leur virulence envers leurs compatriotes sur le podium Gérard Gahima et Jean Marie Micombero (Théogène Rudasingwa est intervenu par vidéo-conférence) ont été remarquée par l’assistance. Le modérateur a dû utiliser de son autorité pour ramener l’ordre dans les rangs de ces propagandistes de Kigali.

Le FPR pourrait-il encore revenir à charge lors de l’anniversaire des 20 ans du génocide pour reprocher à la France d’avoir servi de porte-voix de ses opposants comme l’a fait valoir le groupe Kagabo lors de la conférence de Paris ? Mais Taubira étant très proche de Kigali, aucun doute qu’elle pourra sans tirer sans grande casse.

Taubira sera dans son rôle à Kigali.

L’on se souviendra qu’en septembre 2009, alors qu’elle était encore députée, Christiane Taubira a été citée comme témoin à charge dans le procès Péan accusé alors d’avoir écrit, dans son livre qu’il y a chez les Rwandais notamment chez des Tutsi, une « culture du mensonge ».

Comme ministre français de la justice, Taubira peut encore inscrire à son actif le récent procès de Pascal Simbikagwa et faire valoir ce bilan à Kigali. Ce procès est tellement vicié que l’Appel fait par les avocats du condamné a été retenu.

Par ailleurs Taubira avait été au Rwanda en 2006 dans le cadre d’un « dialogue des mémoires ».

Puisse  Christiane Taubira être la personne la mieux indiquée pour représenter la France dans l’anniversaire du 07/04/2014 et qu’elle pourra ainsi éviter une humiliation publique de plus à la France.

Gaspard Musabyimana
04/04/2014