Umwiherero n°12: Lorsque Paul Kagame se fait taper sur les doigts par un certain Paul Kagame

En suivant les invectives de Paul Kagame à l’égard des convives de l’umwiherero n° 12, j’en ai conclu que cet homme fait subir à ses employés, ce que Gregory Bateson a appelé la double contrainte qui est une véritable chausse-trappe. Cela nous pousse à faire allusion à  l’histoire célèbre  du diable qui cherche à démontrer à Dieu qu’il n’est pas omnipotent. Voici l’histoire.

Un jour de printemps, le Diable se rend chez Dieu. « Bonjour Dieu. Tu as dis que tu es le Dieu Tout Puissant, n’est ce pas? Alors, je voudrais que tu crées un rocher si lourd que même toi, Dieu, Tu serais incapable de le soulever ». La fin de l’histoire est que Dieu sera mis en échec par le Diable.  Et comment?

En effet, si Dieu est capable de créer un tel rocher et s’il arrive à le soulever, il n’est pas omnipotent, puisqu’il n’a pas été capable de le créer assez énorme pour qu’il ne puisse pas le soulever. S’il ne peut pas le soulever, là aussi, il y a un souci. Il ne dispose pas de la puissance absolue puisqu’il n’a pas eu la force de soulever le rocher. Dans les deux cas Dieu a été mis en échec. Le Diable a gagné.

Voilà comment les hommes de Paul Kagame ont techniqué pour placer tous les hauts fonctionnaires dans une situation d’éternels incapables. Quoi qu’ils fassent, ils ne peuvent jamais réussir. Comprenez donc l’idée qui se cache derrière cette manigance: heureusement que le pilote Paul Kagame est dans l’avion. Soucieux de conserver son pouvoir et de peur d’être poursuivi par la cour internationale pour les crimes commis,  Paul Kagame vit constamment dans une paranoïa qui elle-même est génératrice de la méfiance.

Il est devenu paranoïaque écrivais-je. Il suspecte tout le monde en commençant par ses proches. Le danger, se dit-il, peut venir de n’importe où, donc prudence. Le commandant de sa garde personnelle?, en prison. Son médecin personnel? Sous terre. Abattu à bout portant. Demain à qui le tour? Ne risque-t-il pas d’éliminer  son épouse ou ses propres enfants? Son pouvoir est tellement féroce et tyrannique qu’il ne peut tolérer toute critique, si objective soit-elle. Docteur Charles Murego? Mort. de Rwigara Assinapol?Mort. Le Capitaine KayitareMort. Tharcisse Karugarama, en sursis.  Mais pour combien de temps?

Et pourtant, comme l’écrit Cecil Kami, cet homme-là, se croit investi de quelque autorité de droit divin, comme les monarques d’antan pour rester au pouvoir via la révision de la constitution.

Ses moyens pour y arriver?

Terroriser et humilier les hommes qu’il a placés au pouvoir.  Plus il les humilie, plus il enclenche encore plus de soutiens. Plus il les ridiculise, plus ils lui racontent des histoires et vont même jusqu’à renier, tel ce juriste prétentieux, les principes élémentaires de leurs savoirs, écrivait, si savamment, Cecil Kami.  Mais oui; Cecil Kami, il faut changer l’article 101 de la constitution d’autant que le fameux juriste prétentieux a montré qu’il y a une clé pour y arrive.

Quelqu’un m’a dit que Paul Kagamé adore les flatteries, les louanges et les encensements. Qu’il peut distribuer les cadeaux à ses thuriféraires sans compter: ministères, entreprises publiques et ou parapubliques….C’est un généreux débonnaire à condition qu’il soit considéré comme le seul capable de rester à la destinée du Rwanda. Dieu le père, donc. Par stratégie, il n’hésite pas donc à humilier ses anciens protégés en public lorsqu’il veut redistribuer les cadeaux aux nouveaux sbires. Les anciens étant considérés comme useless, has been ou encore human west et que sais-je encore.

Néanmoins, ce peuple terrorisé (ministres, administrés, sénateurs, députés, paysans et consort…) se place en position basse par peur. Certains racontent des histoires en  réclamant à cor et à cri le maintien de Paul Kagamé au pouvoir telle cette dame qui va jusqu’à dire qu’elle voudrait que Paul Kagamé reste au pouvoir jusqu’au retour de Jésus Christ. Franchement! Cela se passe de commentaires. Voilà une preuve tangible que Paul Kagame dirige par la terreur. Cette stratégie de terreur  lui permet de se maintenir au pouvoir. Mais, le jour où cette peur disparaitra, son  pouvoir disparaitra (inévitablement) en même temps.

Revenons à l’umwiherero n° 12 (et il était temps)

Voilà un Paul Kagame qui se présente en maître d’école furieux devant ses petits écoliers tétanisés. En y prêtant l’attention, on se rend compte qu’en réalité Paul Kagamé s’adresse à Paul Kagame lui-même. Il lui parle des ses échecs, de ses visions 20/20 qui ne seront jamais atteintes,  de la peur de se voir un jour devant les tribunaux nationaux ou internationaux pour les crimes commis…. D’où le titre  « Paul Kagame se fait taper sur les doigts par un certain Paul Kagame. »

Eh oui! Lorsque nos comportements ne produisent pas l’effet désiré, nous accusons la rigidité des autres ou la mauvaises volonté, en oubliant que leur rigidité nous renvoie à notre propre rigidité.  Voilà pourquoi Paul Kagame accuse de tous les maux ces hauts fonctionnaires et commis de l’Etat en ces termes: mauvais fonctionnaires, si ça ne marche pas c’est à cause de vous et ces administrés, apeurés, acquiescent et accusent le coup.

Ce qui nous ramène à l’umwiherero n°11 où l’ancien premier ministre, Pierre Damien Habumuremyi, avait déclaré haut et fort devant Paul Kagame fou furieux,  » Excellence, nous avons tous failli à notre mission. Il n y a que vous qui avez bien travaillé ».  Et le public a applaudi. Dans le même ordre d’idées, j’ai suivi les propos de Musa Fazil, le Ministre de l’intérieur en marge de l’umwiherero n°12.  Il n’ a pas hésité de déclarer que lorsque le Président Kagame s’approchait près de lui, il ne savait plus où mettre la tête ou plutôt, il restait tête baissée (par peur?). Ces genres des propos émanant d’un ministre de la République laissent pantois et sans voix.  Paul Kagamé, y croit-il vraiment?

Il oublie ( Paul Kagame) que trouver un coupable à ses propres errements et échecs ne mènera pas à la solution. Bien au contraire. S’il veut vraiment éliminer le mal qui gangrène la société rwandaise une fois pour toutes, il devrait d’abord savoir que c’est lui et lui seul qui est  le problème et la solution en même temps, la maladie et le remède en même temps; le malade et son propre médecin en même temps. C’est tout dit.

Méfiez-vous du lion qui dort et qui montre ses dents, dit-on. On ne sait pas s’il rit ou s’il a faim. Mais mieux vaut alors privilégier l’hypothèse qu’il a faim et qu’il risque de vous attaquer d’un moment à l’autre. Paul Kagame devrait savoir que celui qui se situe en position haute hiérarchiquement n’est pas forcément celui qui maîtrise le mieux la situation. Ce que nous croyons posséder  nous possède, écrivait Cecil  Kami. Et moi d’ajouter, ce que nous croyons dominer nous domine. Dans un futur proche, ce peuple va se réveiller. Qui vivra verra!

Maurice Shankuru