Vers un changement de politique au Rwanda?

Affirmer qu’il y a des signes qui ne trompent pas, c’est peut-être une exagération, mais  tout geste politique doit, à l’heure actuelle, être pris au sérieux car il est souvent porteur de message important.

On a récemment  assisté à deux  événements politiques dont l’analyse laisse penser, sans en être trop dupe, que l’exécutif rwandais serait en train de se questionner, de réfléchir sur une éventuelle ouverture plus large de l’espace politique.

1)      Le président Kagame rencontre l’opposition française

Lors de son passage à Paris, le président Kagame a rencontré le chef de file de l’opposition française, monsieur Nicolas Sarkozy. Cette rencontre est symbolique, à mon avis, car le président Kagame aurait pu (aussi) s’entretenir avec un haut responsable du parti au pouvoir (si ce dernier n’a pas refusé de lui accorder son audience).

De façon générale, un président qui rencontre un dirigeant de l’opposition d’un autre pays, à moins qu’il y ait d’autres intérêts personnels, est censé comprendre et soutenir, normalement, le principe d’ouverture et du pluralisme politique.

Or, justement, c’est tout le paradoxe pour le cas du Rwanda. L’opposition rwandaise est très mal vue, considérée comme l’ennemi juré du pays.  Jusque là, en tout cas, aucune tentative de dialogue n’a été, à ma connaissance, entreprise entre le pouvoir en place et l’opposition, obligée de mener ses activités en dehors du pays.

Si le président rwandais rencontre l’opposition d’un pays tiers, cela veut dire, par analogie, que l’opposition rwandaise est aussi susceptible d’être accueillie partout, sans que cela ne heurte le gouvernement  rwandais. En se montrant fasciné et attentif aux idées d’une opposition politique d’un pays étranger, pourquoi ne le serait-on pas pour l’opposition de son propre pays?

2)      Message du président Kagame à Gabiro

Après le passage éclair à Paris, le président rwandais était attendu à Gabiro pour ouvrir officiellement la 12ème « retraite » de hautes autorités du pays, militaires et civiles. Cette rencontre annuelle est un moment de recadrage en interne. Tout au long de cette session, le président Kagame s’est montré très remonté contre presque toutes les personnalités présentes,  reprochées d’incompétence ou d’abus de confiance.

Le Président a particulièrement exhorté ou plutôt exigé à ces hauts décideurs d’être ouverts et sensibles aux critiques. Il a martelé ses propos en soulignant que pour mieux avancer, ces décideurs ont besoin, d’un moment à l’autre, de voix discordantes qui ne les encensent pas à tout prix,  mais qui remettent en question certaines choses pour éventuellement proposer autres choses.

Ce message d’ouverture nettement clair, s’adressait-il aussi à l’exécutif qui, désormais, s’obligerait à son tour à s’ouvrir aux idées proposées par d’autres rwandais, dits de l’opposition ou de la société civile, n’appartenant pas au parti au pouvoir? Le pouvoir en place serait-il prêt à ouvrir plus d’espace pour la liberté d’expression, son point noir selon les organismes internationaux de défense des droits humains?

Bref, le lien ou la coïncidence entre ces deux événements politiques (la rencontre de Kagame avec le chef du grand parti d’opposition en France ainsi que ses propos à Gabiro), laisse croire que la situation politique au Rwanda va prendre de nouvelles dimensions. Reste à savoir si les paroles seront concrétisées par des actes. Après tout, pourquoi pas ?

Faustin Kabanza