Tout sur les massacres de Mbandaka du 13 mai 1997

Pendant que la  ville de MBANDAKA  tombait  aux  mains de la  rĂ©bellion  le Mardi 13/05/1997, deux  camions des militaires Tutsi du FPR en provenance de WENDJI SECLI, dirigĂ©s par le capitaine HAKIZIMANA Godefroid, arrivent Ă  Mbandaka environs 9h45 et s’arrĂªtent devant l’AFRIQUE HOTEL, oĂ¹ ces militaires se dispersent en groupes, prenant l’artère central et l’avenue BOLENGE. Ils bloquent la route vers l’AĂ©roport et font avancer les rĂ©fugiĂ©s vers le port de  l’ONATRA.     

Dès ce matin, un grand nombre de  rĂ©fugiĂ©s Hutu Rwandais et Burundais, environ 800 personnes, sont dĂ©cimĂ©s dans plusieurs coins de la ville et des corps couverts de sang gisaient sur le macadam, dans les espaces verts et sur les places publiques. 

Extermination des rĂ©fugiĂ©s dans l’enceinte de l’ONATRA.  

Il est 10h00 du matin du 13/05/1997, des milliers de rĂ©fugiĂ©s rwandais sont entassĂ©s Ă  ONATRA depuis le 09/05/1997.  Ils attendent un Ă©ventuel bateau qui  les embarquerait pour le CONGO-BRAZZAVILLE. Effectivement, un bateau en  panne se trouve dans le  port  et  des mĂ©caniciens  sont  entrain  de  tripoter  dans le moteur pour essayer de le rĂ©parer. Une barge apparemment hors d’usage se trouve non loin du bateau. Les rĂ©fugiĂ©s dĂ©sespĂ©rĂ©s s’entassent sur  cette  barge  comme  si  une  force  miraculeuse allait  la dĂ©placer de cet endroit pour le CONGO-BRAZZAVILLE.  

 L’ONATRA, Office National de Transport a ses bĂ¢timents alignĂ©s sur le fleuve entre LOMATA et BANKITA, en face du centre-ville de MBANDAKA. Il a une cour intĂ©rieure de 30 m sur 300 mètres, donnant sur le port principal de MBANDAKA.

10h30 du 13/05/1997, des rĂ©fugiĂ©s affolĂ©s  arrivent  en  toute  hĂ¢te  et  entrent  tant  bien que mal dans l’enceinte de l’ONATRA. Ce sont les rescapĂ©s de   WENDJI SECLI et de  la route IYONDA – MBANDAKA qui viennent mourir avec les autres. Les deux camions militaires qui Ă©taient stationnĂ©s devant  l’AFRIQUE  HOTEL viennent de dĂ©barquer leur chargement de la mort : Des  militaires  Tutsi. D’autres arrivent Ă  pieds et obligent  les  rĂ©fugiĂ©s  Ă   se  diriger  vers l’enceinte de l’ONATRA. Ils abattent systĂ©matiquement ceux  qui sont sur   l’Avenue BONSOMI et l’Avenue BOLENGE et bloquent toutes les issues.  Ils  bloquent les rĂ©fugiĂ©s Ă  deux endroits. D’abord dans le port, ensuite sur une place verte situĂ©e derrière la maison de la BANQUE CENTRALE DE MBANDAKA sur l’Avenue ZONGO. LĂ , les rĂ©fugiĂ©s sont tous exĂ©cutĂ©s sur place vers midi. Ce fut une scène horrible.  

Vers 11h00, les militaires ont complètement  encerclĂ©  les  rĂ©fugiĂ©s  dans  le  port de l’ONATRA.  Ils sont  dirigĂ©s  par  le sergent  GASHUMBA et le Sergent  MUGISHA.  A l’extĂ©rieur  ils  interpellent  ceux  qui  sont  dans  les  rues,  les  poignardent  ou  bien  les font agenouiller, leur lient les bras derrière le dos pour leur dĂ©foncer le crĂ¢ne avec de petites houes usagĂ©es  qu’ils  appellent en SWAHILI « FOKA – FOKA ». Dans l’enceinte de  l’ONATRA, c’est la panique. Les rĂ©fugiĂ©s de la barge, affolĂ©s, se prĂ©cipitent, vivants, dans le fleuve.  

Les agents de la Croix-Rouge qui assistaient les rĂ©fugiĂ©s sont tous mis Ă  l’écart. Certains rĂ©fugiĂ©s tentent  d’escalader  les  murs de l’enceinte  de  l’ONATRA. Beaucoup d’entre eux retombent lourdement  Ă   l’intĂ©rieur  atteints  par  les  balles  tirĂ©es  presque Ă  bout  portant. Ceux qui parviennent Ă   s’échapper  sont  abattus  par des patrouilles extĂ©rieures. Les rĂ©fugiĂ©s qui  ont  la malchance dâ€™Ăªtre tout près des militaires sont simplement poignardĂ©s Ă  l’aide de la baĂ¯onnette.   

Mais c’est vers 17h00, que le travail macabre commence sĂ©rieusement, les mitrailleuses, et les mitraillettes, crĂ©pitent et les rĂ©fugiĂ©s sont fauchĂ©s systĂ©matiquement par les balles. Comme si cela ne  suffisait  pas,  les  grenades  vont  dĂ©chiqueter  sans  pitiĂ©  les  rĂ©fugiĂ©s entassĂ©s en masse. Vers  18h00, un  bruit  insolite est entendu Ă   l’extĂ©rieur de  l’enceinte.  Les  militaires  Tutsi  en sortent prĂ©cipitamment. Dans ce laps de temps, des rĂ©fugiĂ©s non encore achevĂ©s bougent Ă  la recherche d’un abri Ă©ventuel. Certains se glissent dans les herbes, d’autres sont surpris par les militaires qui  reviennent.  On  ne  saura  pas  exactement  ce  qui  s’est  passĂ©  Ă   l’extĂ©rieur,  car  Ă  leur  retour  les  militaires  satisfaits  du  travail  qu’ils  venaient  d’accomplir  se  contentent  de  rĂ©unir  les  rares  survivants  et les  entassent  dans  une  pièce  du  bĂ¢timent  de  l’ONATRA. Les agents de la CROIX-ROUGE furent interpellĂ©s pour  commencer  le  travail  de  jeter  les  corps dans le fleuve.  

Un vĂ©hicule de la Croix-Rouge vint stationner Ă  l’extĂ©rieur. On intima l’ordre de faire sortir les rescapĂ©s. Un camion des militaire les embarqua vers l’AĂ©roport. Toutefois les militaires Tutsi, au lieu de les acheminer  vers  l’AĂ©roport,  dĂ©tournèrent  le camion  vers  la rĂ©sidence du Gouverneur.  LĂ   ils  les  exĂ©cutent  tous  au  FOKA – FOKA, c’est-Ă -dire avec  de vieille houes qu’on leur frappait Ă  la tĂªte, et Ă  la baĂ¯onnette et les jetèrent dans le fleuve. 

Le deuxième convoi fut Ă©galement dĂ©tournĂ© vers le mĂªme endroit. La Croix-Rouge remarqua la disparition des convois trop tard. Elle sera obligĂ©e d’escorter le dernier camion qui sera bel et bien dĂ©chargĂ© Ă  l’AĂ©roport.  Malheureusement,  sur  le  port  tous  les  rescapĂ©s  ne  furent  pas sauvĂ©s. Les militaires en avaient cachĂ© certains d’entre-deux, et pendant toute la nuit, ils vont les torturer de sorte qu’on entendra de loin des cris d’agonie. Pendant ce temps lĂ , dans une maison  appelĂ©e  IPEKO,  les  militaires  Tutsi  s’adonnèrent  Ă  une  barbarie  indescriptible. Ils tuaient des rĂ©fugiĂ©s et les coupaient en morceaux de  chair  de  cuisses  et  des  bras  et  faisaient des brochettes qu’ils grillaient sur le feu. Et ils les mangeaient en menaçant le vieux gardien de la parcelle, un ZaĂ¯rois, de ne rien rĂ©vĂ©ler de ce qu’il avait vu. Mais la scène Ă©tait tellement insupportable que le vieux finira par dĂ©voiler ce secret macabre.  

Massacres dans les rues et l’AĂ©roport. 

Quand  les  militaires  Tutsi  du  FPR  venaient  de  se  dĂ©ployer  dans  toute  la  ville,  ils  donnèrent l’ordre  aux  habitants  de  rester  dans  leurs  maisons  pour  laisser  les  rĂ©fugiĂ©s  seuls  repĂ©rables dans les rues. Les ZaĂ¯rois Ă©taient obligĂ©s de rester chez-eux au risque de se faire abattre  avec  les  rĂ©fugiĂ©s.  La chasse aux rĂ©fugiĂ©s commença. Les rĂ©fugiĂ©s Ă©taient facilement repĂ©rables avec leur  dĂ©marche  peureuse  et  hĂ©sitante,  un  petit  sac sur  la  tĂªte,  des  habits  sales etc.., ils restaient  dĂ©sespĂ©rĂ©ment seuls  dans  les  rues.  Ils  furent  fusillĂ©s en grand nombre, de sorte que les rues de MBANDAKA Ă©taient remplies de cadavres.

Le groupe de rĂ©fugiĂ©s qui s’était dirigĂ© vers l’AĂ©roport sur l’Avenue MOBUTU, fut coincĂ© Ă  la place verte de la Commune MBANDAKA. Il furent tous exĂ©cutĂ©s sur cette place publique. Ceux qui atteignirent l’AĂ©roport furent Ă©galement exĂ©cutĂ©s lĂ -bas. En mĂªme temps, les agents de la Croix-Rouge s’activaient Ă  ramasser les corps, et les entassaient dans des camions pour les dĂ©verser dans des fosses communes. 

Les fosses communes. 

Sur  ordre  des  militaires Tutsi,  dès  le  premier  jour  des  massacres la  Croix-Rouge fit creuser des fosses communes aux endroits suivants :   

  • Une fosse Ă   l’entrĂ©e du camp militaire « Capitaine  NGASHI  »,  
  • Une  autre  près de l’enceinte de l’ONATRA,  
  • Une Ă  une centaine de mètres du Stade BAKUSU, cĂ´tĂ© gauche de la route  vers l’AĂ©roport,  
  • Trois  fosses de part et d’autres de la route  Ă  1 km de l’AĂ©roport juste  Ă   l’endroit oĂ¹ sera Ă©rigĂ© un peu plus  tard le centre de transit,
  • Une autre fausse dans la forĂªt au delĂ  de l’AĂ©roport, 
  • Une Ă  WENDJI SECLI, 
  • Une Ă  BOLENGE et une fosse sur la route IYONDA – MBANDAKA. 

Ces fosses furent dĂ©terrĂ©es plus tard pour dĂ©jouer les enquĂªteurs de l’ONU venus pour Ă©tablir les faits et les squelettes furent acheminĂ©s vers des endroits inconnus.  

Quatre jours de calvaire.  

A partir du Mercredi le 14/05/1997, une course est engagĂ©e entre la Croix-Rouge et les militaires du  FPR.  Ces derniers chassent les rescapĂ©s dans  les  brousses,  dans  les  forĂªts  et dans  les maisons  des  ZaĂ¯rois.  Ils  les  tuent  partout  oĂ¹  ils  les  trouvent. Des chiens  sont  mĂªme  utilisĂ©s  pour  poursuivre  les  rĂ©fugiĂ©s dans les  forĂªts.  La Croix-Rouge  quant  Ă   elle,  recherche  les rĂ©fugiĂ©s pour les conduire Ă  l’AĂ©roport.  

A  l’AĂ©roport, ceux  qui  sont  entassĂ©s  lĂ   bas  n’ont  malheureusement  aucune protection. Nuit et jour, les militaires viennent enlever les gens, les amènent dans les brousses pour  les  torturer  et  les  tuer.  Ces  scènes  se  poursuivront  jusque  le  Vendredi  16/05/1997,  date  de  l’arrivĂ©e des agents du CICR. 

Dès leur arrivĂ©e, le massacre Ă  ciel ouvert fut arrĂªtĂ©. Il s’en est suivi des  assassinats  discrètement  organisĂ©s, des enlèvements et des disparitions.  Dès le Samedi 17/05/1997, le HCR installe un Centre de Transit Ă  1 km de l’AĂ©roport.

La population de MBANDAKA passera presque un mois sans manger de poisson ni boire l’eaux  du  fleuve,  de  peur  de  consommer  en  mĂªme  temps  la chair  humaine, tellement  les  cadavres  des  rĂ©fugiĂ©s  Hutu  Rwandais  et  Burundais flottaient nombreux sur le fleuve et rendaient la navigation impossible.

Extrait adaptĂ© du « Le gĂ©nocide des refugies hutu rwandais et burundais a l’est et dans les forets Ă©quatoriales du zaĂ¯re (DRC) par l’APR », rĂ©cits des rescapĂ©s de l’holocauste de la destruction des camps de rĂ©fugiĂ©s Ă  l’EST du ZAIRE/CONGO en 1997. http://www.mdrwi.org/rapports%20et%20doc/genocide%20hutu%20au%20zaire.pdf