Le concept politique « Ndi Umunyarwanda » : une analyse linguistique et discursive

La conception politique « Ndi umunyarwanda (je suis Rwandais)» serait toujours d’actualité. Après avoir subi de sévères critiques, cette politique a baissé d’intensité sans être apparemment abandonnée définitivement. Quoi qu’il en soit, le « ndi umunyarwanda (je suis Rwandais)», demeure confus et source de polémiques au sein de l’élite rwandaise.

La politique rwandaise de tous les temps s’est toujours appuyée sur des « mots » ou des « énoncés », bien souvent chargés affectivement et émotionnellement. Au-delà du sens premier de l’énoncé, il faut bien creuser plus loin, interroger le contexte, mieux encore, il faut être en « situation d’initié » pour comprendre et décortiquer tous les enjeux qui se cachent derrière les politiques rwandaises et les mots qui les sous-tendent. L’exemple de la politique de l’équilibre (iringanganiza) reste dans beaucoup de mémoires !

Comme tout énoncé, le « Ndi Umunyarwanda : Je suis Rwandais », est un message qui se produit dans une situation d’énonciation bien précise. Cette dernière renvoie à : qui parle ? A qui ? Où ? Quand ? Avec quelle intention ?

Le « Ndi Umunyarwanda » sous-entend que le gouvernement rwandais s’adresse à une population bien ciblée qui refuse l’identité rwandaise ou qui est simplement en concurrence. Or, Jusqu’à maintenant, on ne connait aucun groupuscule de Rwandais qui refuse leur identité.

Le choix du pronom personnel « je » suivi du verbe « être » au présent (n-di)  semble confirmer cette identité subjective qui exclut « l’autre en face » selon la logique: «  je suis, donc toi tu n’es pas ».

Le « je» met en évidence d’autres identités tout en affirmant sa supériorité. Pour le gouvernement rwandais, est-ce que cela signifie qu’il existe plusieurs identités rwandaises et qu’il en y a qui sont plus rwandaises que d’autres ? Le concept de « Ndi Umunyarwanda » tel qu’il est énoncé, n’est pas une invitation destinée à d’autres identités mais une forte affirmation de soi voire une tendance exclusive.

A qui s’adresse donc le gouvernement rwandais, lui demandant ainsi de clamer et d’affirmer son identité et pourquoi ? Mystères !
Envisageons une autre piste de réflexion : par rapport à notre histoire récente, on peut penser que le gouvernement appelle les Rwandais à mettre leur priorité sur la rwandité et non sur leurs origines ethniques. Cette dimension ethnique n’est en revanche évoquée nulle part dans le document-cadre, signé par le président de la république . La problématique ethnique est complètement esquivée d’une manière surprenante alors que c’est le vrai nerf de la guerre.

Jusqu’à ce jour, malgré le génocide et des massacres de masse, aucune instance n’a jamais été mise en place pour aborder la question ethnique et les drames afférents. Bien évidemment, Cela exigerait un débat dépassionné et impartial, en présence de tous les représentants des organisations sociopolitiques rwandaises, et de manière inclusive. A l’heure actuelle, le « Ndi Umunyarwanda» ne semble pas être préoccupé par cette dimension. A qui donc s’adresse-t-il et avec quelle intention ?

Le flou qui entoure ce concept ne permet pas aujourd’hui de bien le cerner et de dégager son réel objectif. Cela pousse certains Rwandais à penser que c’est un instrument et un outil du pouvoir actuel à diviser les Rwandais pour mieux régner. Il est temps que ce concept soit mieux expliqué aux Rwandais ou carrément abandonné s’il encourt plus de problèmes que de solutions.

Faustin KABANZA