Les conditions que Paul Kagame pose à la France

Dr Charles Onana

Par Dr Charles Onana

Il faut « abandonner l’enquête sur l’attentat contre Juvénal Habyarimana » et en plus « soutenir mon ministre des Affaires étrangères, Mushikiwabo, à la tête de la Francophonie ».

Voilà les conditions que Paul Kagame pose à la France qui s’empresse de courber l’échine, de s’incliner. Des chercheurs américains, des responsables politiques africains, des anciens officiers de la MINUAR et des diplomates étrangers posent tous la même question : « Que se passe-t-il ? Pourquoi la France est-elle si soumise au petit Rwanda et à Kagame ? ».

Les plus navrés ajoutent : « on ne pouvait pas imaginer que la France était devenue si faible, si petite, au point de se faire humilier régulièrement par un criminel de guerre, un criminel contre l’Humanité ». « En plus, elle lui sert de VRP pour la Francophonie alors que Kagame est un francophobe notoire ».

L’étonnement est le même chez de nombreux Africains (Congolais, Burundais, Béninois, Sénégalais, Centrafricains, …) qui n’en reviennent toujours pas de ce que celui qui a fait assassiner trois Français, membres de l’équipage du président Habyarimana, et deux gendarmes français, dicte à la France ce qu’il veut et personne n’ose lui demander des comptes. Jusqu’où iront les dirigeants français dans leur génuflexion ? Jusqu’où se prosterneront-ils ? Ils ont manifestement baissé pavillon. Dans les milieux du pouvoir français, les « amis » de Kagame sont, paraît-il, influents. Ils disent à leurs interlocuteurs, « il faut oublier ce dossier, il faut laisser cette affaire ! », « on doit coopérer avec Kagame ». Il faudrait donc oublier l’assassinat de deux chefs d’État africains, leurs collaborateurs et trois Français ?

Les juges parisiens en charge du dossier devraient donc, après vingt ans d’enquête et de nombreuses preuves conclure à un « non-lieu » comme le souhaite et l’exige Kagame depuis quelques années maintenant ? Mais pourquoi celui qui n’aurait rien à voir avec l’attentat du 6 avril 1994 demande-t-il avec insistance l’abandon en France des procédures judiciaires en cours ? Pour les « amis » du dictateur-criminel, les juges français devraient se résoudre à dire par exemple : « On a les numéros de missiles qui ont abattu le Falcon 50 avec deux chefs d’État et trois Français, on a les noms des tireurs, on a des témoignages concordants, on a quatre enquêtes différentes du TPIR, de la justice espagnole, de l’ONU et du juge Bruguière, qui aboutissent toutes à la même conclusion concernant la responsabilité de Paul Kagame et du FPR qu’il dirigeait dans cet attentat terroriste mais on va classer l’affaire et on dira à la presse qu’il n’y a pas assez d’éléments pour dire avec certitude qui a tiré sur cet avion le 6 avril 1994 » ou encore : « il y a trop de pression sur la justice française dans cette affaire, finalement on laisse tomber. On nous dit de laisser tomber ».

Voilà le type de discours que le président de l’Union Africaine et ses amis français aimeraient entendre des juges en charge du dossier. Ce serait fantastique de glisser des milliers de documents de preuves au broyeur papier et se donner rendez-vous pour une coupe de champagne à Kigali.

Dans ce « deal » très louche et lâche avec Kagame, c’est quoi la contrepartie ? Le business ? Lequel ? Avec le Congo ? Même l’offense permanente aux militaires français, ça peut se monnayer aussi ? A combien ? Au point où on en est, on pourrait aussi donner un morceau du territoire français au dictateur-criminel puisqu’il occupe déjà la RDCongo, bientôt le Centrafrique.

On peut tenter de lui céder l’Alsace-Lorraine ou les banlieues… La France pourrait ainsi s’excuser d’avoir participé au génocide. Elle a déjà cédé un parc dans le 13e arrondissement de Paris après avoir accueilli une stèle, elle peut aller plus loin encore en offrant au bourreau de l’équipage français un carré au Panthéon pour le convaincre de sa bonne foi, de sa compassion et de sa volonté de coopération.

Et puis, si l’insatiable criminel n’est toujours pas satisfait devant ces interminables courbettes hexagonales, il faudrait créer un ministère chargée d’éduquer les Français sur l’implication de la France dans le génocide du Rwanda car les campagnes de presse sont insuffisantes.

Pour l’instant, les familles françaises qui ont perdu leur époux, leur père ou leur fils dans l’attentat n’ont ni aide psychologique ni soutien médiatique. Quant à savoir si elles ont besoin d’un lieu de recueillement ou de souvenir pour leur époux, leur père ou leur fils assassiné au Rwanda, ça… Il ne faut tout de même pas exagérer… Ils n’ont pas été victimes du génocide…