Rwanda:Comment un régime puissant peut être inquiété par la lecture d’un livre par 7 personnes?

Par Erasme Rugemintwaza

Ce jeudi, le 21 Octobre, 2021, INGABIRE Victoire, présidente de DALFA-Umurinzi, parti non encore agréé au Rwanda, a été convoquée par le Bureau Rwandais d’Investigation (RIB), pour répondre aux questions relatives à l’arrestation des membres de son parti. Selon l’interview qu’elle a accordée à la VOA, INGABIRE Victoire a été surprise par les charges retenues contre les membres de son parti. Malgré cette volonté absurde d’arrêter les ses membres, sous de terribles fausses allégations, INGABIRE Victoire semble nourrir l’espoir que le RIB va retrouver la raison, et relâcher ces personnes injustement arrêtées. Qu’en est-il au vrai?

Du 13 au 17 octobre, 2021, le Bureau Rwandais d’Investigation (RIB) a procédé à une vague d’arrestations arbitraires des défenseurs des droits humains et de libertés d’expressions, les accusant de « répandre des rumeurs » visant à saper le régime de Kigali. Ces arrestations ont principalement ciblé les membres du Parti politique de Madame INGABIRE Victoire, DALFA-Umurinzi, qui n’est pas encore agréé dans le pays et un animateur de la chaîne YouTube Umubavu TV, Théoneste NSENGIYUMVA. Cette chaîne est la mieux prisée par led Rwandais, car elle publie des émissions qui parent de problèmes reels des Rwandais, ce qui l’a mise dans la ligne de mire de Kagame. Le 17 octobre, le nombre de personnes arrêtées était au total de 10 dont 9 partisans de DALFA-Umurinzi, comme l’a fait savoir INGABIRE Victoire sur son compte Tweeter : « Ce dimanche 17 /10/2021, le nombre de personnes arrêtées par les forces de sécurité sont au nombre de 10. Hier, on a arrêté une femme amie, Régine Kadoyimana. Je vous apprends que jusqu’à l’heure actuelle, on ignore toujours les motifs de leur arrestation». Parlant à la VOA, le porte-parole de RIB, Thierrey Murangira a nié toute liaison d’arrestation à INGABIRE Victoire et au parti DALFA-Umurinzi, déclarant que les détenus n’avaient pas été arrêtés pour motif d’appartenance à un parti politique particulier. Le communiqué émanant de RIB disait des personnes arrêtées qu’ « Elles sont accusées de publication de rumeurs destinées à provoquer des soulèvements et des troubles au sein de la population. Elles ont des points communs, elles constituent un groupe organisé ayant l’intention de diffuser des rumeurs destinées à provoquer des soulèvements et des troubles au sein de la population en utilisant différentes plateformes de medias sociaux », selon le porte-parole de RIB Thierry Murangira.

Si les personnes arrêtées n’ont rien à voir avec Madame INGABIRE Victoire, pourquoi, serait-elle alors convoquée par le RIB?

Ce jeudi, le 21 Octobre, 2021, Madame INGABIRE Victoire a été convoquée par le RIB pour passer un interrogatoire en rapport exactement avec l’arrestation de ses membres. Ainsi au RIB, selon VOA, INGABIRE Victoire a été interrogée sur l’incarcération de certains de ses partisans, arrêtés avec le journaliste Théoneste NSENGIMANA de la chaîne Umubavu TV. INGABIRE a déclaré : « Ils disent que mes partisans auraient eu une formation basée sur un livre intitulé ‘Comment renverser la dictature sans armes’, l’autre chose concerne, je dirais, cette journée-là, la journée appelée ‘ Journée INGABIRE ou INGABIRE Day’; et ceci semble être le noeud du problème. Car on veut faire un lien entre la prétendue formation que ces personnes auraient reçue et cette journée « INGABIRE Day », allégant qu’on allait provoquer les troubles dans la population, propres à saper le pouvoir. Les crimes sont graves, vous pensez vous-mêmes comment dire que 7 personnes qui n’ont même pas une pierre Dan’s la main, veulent renverser le gouvernement à cette date [14/10/2021 Ndlr]. J’ai essayé de leur montrer qu’ils ont relié les choses qui n’ont rien de commun. Premièrement, je ne sais pas si cette formation a eu lieu; mais prétendre aussi que 7 personnes avaient un plan pour renverser le gouvernement sans utiliser d’armes, dans un pays dirigé par le FPR, avec sa puissance militaire reconnue est également irréaliste. « 

Ceci est une pire fabulation de ce qui a été annoncé par le porte-parole de RIB, Thierry MURANGIRA. En fait, au moment de leur arrestation, ces personnes ont été chargées de trois chefs d’accusations, dont la moins grave est sanctionnée d’une peine 3 à 5 ans de prison tandis que la plus lourde est de 10 à 15 ans.

INGABIRE Victoite a expliqué que tous les détenus ont été arrêtés un jour avant la célébration de la « Journée INGABIRE », expliquant que cette journée a été fixée en 2016 alors qu’elle était toujours en prison. La journée est dédiée à une commémoration, chaque année, des politiciens qui sont emprisonnés pour leurs opinions. INGABIRE explique que c’est une journée normale à célébrer et qui n’a jusqu’alors posé aucun problème à personne. « C’est une journée pour les Rwandais de penser, ‘est-il nécessaire que quelqu’un soit emprisonné pour ses opinions?’ Déo Mushayidi est emprisonné, j’ai des membres de mon parti emprisonnés, donc ce sont ces personnes dont il nous faut parler sans cesse pour qu’elles ne soient pas oubliées. Ceci nous rappelle qu’elles ont été emprisonnées pour leurs idées, elles ont été emprisonnées parce qu’elles étaient dans le même combat pour lequel j’ai été emprisonnée, s’efforçant de construire un pays démocratique. Les agents de RIB m’ont assailli avant que je termine le message, que nous devrions utiliser et même la photo. Et puis ils ont fabulé disant que ces images qu’on allait utiliser, sont destinées à provoquer ce chaos. Je leur ai dit que cela n’était pas notre intention. On en a marre de l’exacerbation de la situation du pays; il y a beaucoup de gens qui ont été abattus pour de simples raisons. Pour nous, aucun Rwandais ne doit pas être tué, car on a plus la peine de mort. Aucun leader rwandais ne doit frapper les gens car c’est une honte que nous soyons dans un pays où un leader sent qu’il doit frapper les gens. Ces choses ne sont pas autorisées dans notre pays. Nous nous battons contre cet état de choses, et ce sont les Rwandais qui se battront pour que cette situation cesse, pas les autres. »

Mme INGABIRE Victoire a déclaré que lorsqu’elle a été interrogée, elle est rentrée chez elle immédiatement, elle n’a pas été détenue, quand bien même elle ne se présentera, le lundi 25 octobre 2021; ceci lui donne une lueur d’espoir que ses collègues seront également libérés. « Je crois qu’ils seront libérés […], lire un livre ne devrait pas être un crime », a-t-elle déclaré.

D’aucuns pourront penser que la répression musclée de toute voix dissidente, comme celle-ci, est un signe de puissance du régime de Kigali. Je ne le vois pas de ce même oeil; pour moi cela reflète plutôt les faiblesses qui poussent Kigali à craindre tout. Il y a ce qui semble même incroyable. Comment un régime puissant peut être inquiété par la lecture d’un livre par 7 personnes? Emprisonner quelqu’un pour avoir lu un livre sur le renversement d’une dictature, c’est aussi admettre qu’on est dictateur, dont les gens apprennent à se libérer! Ces arrestations reflètent également la crainte de Paul Kagame à l’égard de INGABIRE Victoire, dont le parti semble gagner des adhésions dans diverses régions du pays, malgré le quadrillage musclé du FPR-Inkotanyi qui estime qu’aucun Rwandais n’oserait rejoindre le parti d’opposition qui plus est n’est pas encore autorisé. Dire que ses 7 partisans d’INGABIRE Victoire étaient sur le point de renverser le pouvoir, plus qu’une fabulation, c’est reconnaître la puissance de cette femme de fer -même si certainement ses idées elles-mêmes sont puissantes-, mais c’est aussi se ridiculiser parce que ces 7 personnes ne sont ni généraux, ni hauts dirigeants, ce sont des gens ordinaires qui font trembler le lion! Je me demande comment un pays qui vole à la rescousse d’autres pays, pour sauver leur pouvoir aux abois, peut réellement craindre 7 personnes et en faire un cas! Notez que le jour où il y aura une réunion comme celle tenue à La Baule en 1989, ce sera la fin d’un régime de terreur du FPR-Inkotanyi. L’ouverture de l’espace politique devrait ainsi constituer, désormais, la seule pression que la Communauté Internationale puisse mettre sur Kagame. Tenez bon, résistez, écrivez, parlez, finalement l’encre va remporter sur la poudre, car la dictature de Kagame tremble: le moindre zéphyir, est un ouragan pour lui!