DOIT-ON VRAIMENT S’INQUIÉTER POUR NYIRAMONGI ?

On la surnomme la « First lady » et Jeannette Nyiramongi , épouse Kagame serait dans des sales draps. En tout cas c’est ce que certains milieux d’internautes susurrent depuis une semaine déjà. La « go » de His Excellency serait invisible depuis exactement le 11 du mois dernier. So what ! suis-je tenté de me hérisser. Qu’elle soit en train de lécher les vitrines d’un luxueux magasin quelque part aux States ou qu’elle soit en train de conspirer autour du trône de sa moitié, qu’est-ce qu’on peut bien s’en ficher ! Ceux que pareille frivolité intéresse n’ont-ils donc pas d’autres chats à fouetter ? Auraient-ils perdu leur latin ? Désolant. Vraiment horripilant.

Relevons d’abord cette étourderie : madame l’épouse du président n’a pas disparu. Non, pas du tout ; sinon ceux qui s’égosillent à nous le faire avaler devraient rapidement trouver un autre (verbe) attribut pour qualifier l’état actuel de madame Kagame. Car si réellement la « first des ladies » a disparu, qu’est-il donc advenu aux dizaines de milliers d’innocents mentionnés dans un communiqué de Human Rights Watch  (16 mai 2014) et rapporté par le très pro-régime Igihe.com dans son édition du 2 juin 2014 ? Qu’est-il advenu aux centaines de milliers d’ « unaccounted for » qui ne sont jamais revenus des forêts congolaises (Mapping report) ? Qu’est-il advenu au colonel Augustin Cyiza ? Alors, trêve de lapsus faussement entretenu, Jeannette Nyiramongi n’a pas disparu. Non !

Ensuite, cela fait un bout de temps en effet que divers faits révèlent un malaise – c’est un euphémisme – au sein du clan Kagame. Tenez : le médecin personnel du président (Dr Emmanuel Gasakure) est tué et vite remplacé par une autre (Dr Agnes Binagwaho). Cette dernière est promue ministre de la santé avant d’être limogée pour, paraît-il, des louches opérations financières couvertes par une fondation (Imbuto) dont la patronne est… la First lady. Oui, herself. Pendant ce temps, le responsable de la sécurité du président (col. Tom Byabagamba) était mis aux arrêts. Pour ne rien arranger, le ministre-ambassadeur  et baby sitter choisi par le couple présidentiel pour leur progéniture quitte, comme un rat, le navire. Pourquoi dès lors faire grand cas des tribulations actuelles de Nyiramongi ?

Il y a indubitablement plus préoccupant : des centaines de milliers de paysans quittent le pays espérant que l’herbe est verte ailleurs. Une famine d’ampleur inquiétante progresse en effet d’Est à l’Ouest du territoire national ; des élèves sont entassés à 75 par classe dans certaines écoles primaires, ceux d’une école polytechnique ont pour repas des cannes à sucre ; le choléra s’est invité au Nord-ouest ; l’eau potable est un luxe ; les relations avec au moins un des voisins du pays sont des plus exécrables ; la police tue les citoyens qu’elle devrait protéger à bout portant, etc. Oser ainsi s’émouvoir sur la soi-disant disparition de Nyiramongi, si ce n’est du cynisme, qu’est-ce ?

Enfin, les choses à leur place: Jeannette Kagame n’est pas Winnie Madikizela Mandela (icône de la lutte anti-apartheid) ni Wangari Muta Maathai (première femme africaine lauréate du prix Nobel de la Paix). S’apitoyer à longueur de journée sur le sort de la rwandaise alors que ceux qui le font oublient tout cela est un favoritisme sans nom doublé d’une amnésie coupable. Si tout ce que l’on reproche à cette femme est avéré (l’affaire Kizito Mihigo par exemple), la traversée du désert qu’elle a entamé n’est qu’un juste retour de bâton et, même cela, ne devrait pas accaparer toute notre attention. What goes around comes around disent les anglophones. Les francophones eux, diraient de ce cas Nyiramongi, que « comme on fait son lit on se couche ».

Cecil Kami