Il était une fois un homme qui refusait de mourir, obstinément.

Um'Khonde Habamenshi

Par Um’Khonde Habamenshi

Depuis que j’ai écouté les enregistrements de Kizito, sa voix ne quitte plus ma tête. Mon imagination vivide ne me laisse pas m’échapper de l’horreur de cette réalité qu’il nous a décrite de sa voix si calme, si posée, si mâture. 

Oubliés, ces jours d’attente qui laissaent insidieusement place à l’ambiguïté, il a parlé et nous avons été tous soufflés dans tous les sens au fur et à mesure de ses mots, de ses lettres. Si sa mort a été un choc total pour nous tous, pour emprunter les mots d’un cher ami, ses enregistrements ont été un tremblement de terre, de ceux qui annoncent une éruption volcanique imminente. Nyiragongo s’est réveillée!

J’ai l’impression d’avoir vieilli de 10 ans en un coup! Ces noms qu’il a proroncé tournent dans ma tête, en moi se confrontent leur image publique et ces personnages diaboliques qui se cachent derrière leur façades parfois si polies.

J’aime dire que c’est l’année de la clarté mais je ne me doutais pas que l’ultime clarté viendrait d’un des cachots sombres de notre république modèle et qu’elle éclairerait les recoins les plus ténébreux et les plus honteux de notre pays.

Kizito Mihigo

Je suis aveuglé mais je vois!

J’ai finalement compris pourquoi Kizito Mihigo est resté si silencieux ces dernières années. Je me sens encore plus désemparé à posteriori en pensant à ce poids qu’il portait tout seul, en nous souriant. Je ne regarderai plus ces yeux de la même façon, ses yeux qui ont regardé les yeux dans les yeux ceux qui enchaînent aux autres les boulets de leur puissance si oppressive.

Il les regardait et il savait et eux aussi savaient.

Que cache ce silence fracassant qui couvre nos mille collines? Est-ce un silence de la honte, un silence de la haine, un silence du repentir ou celui d’une prochaine abomination?

J’attends la suite avec patience. Kizito, parles nous à ton propre rythme et en ton propre temps. Il y en a qui ne sont pas encore prêts à tout entendre.