Suite à cette interview le journaliste a été renvoyé par la BBC au motif que cela lui avait été demandé par les autorités rwandaises. Le syndicat des journalistes du Sénégal demande à la BBC de revenir sur sa décision.
Cela fait trois mois que le journaliste Jacques Matand employé par la BBC, a interviewé depuis la rédaction de dakar au Sénégal, l’écrivain Charles Onana. L’interview était consacrée à l’ouvrage qu’il venait de publier intitulé « Rwanda, la vérité sur l’opération Turquoise » en 1994.
Dans son livre l’écrivain Charles Onana affirme que l’Armée française a intervenu au Rwanda pour porter secours auxTutsis, et il ajoute que la France a été motivé parce que certains pays étrangers parmi la communauté internationale considéraient qu’elle soutenait le régime qui était accusé de commettre les massacres de 1994.
Dans cette interview diffusée à la BBC en deux parties distinctes en français, Charles Onana, a expliqué qu’il avait mené des recherches approfondies, en consultant des documents archivés à l’Elysée, la Présidence de la République française, au siège de l’ancien Tribunal pénal international pour le Rwanda à Arusha, au ministère français de la Défense, et ceux classés dans les bureaux de Bill Clinton, l’ancien président des Etats Unis, ainsi qu’au siège des nations Unies.
Selon lui, tous ces documents révèlent que ce qui est dit à propos des Français n’est pas vrai, que ces militaires n’ont jamais aidé et protégé les tueurs dans leur fuite.
L’écrivain Charles Onana indique que ces soldats envoyés au Rwanda le 22 juin 1994 ont bien rempli leur mission. Par ailleurs, alors qu’il remet en cause les forces du Front patriotique rwandais qui combattaient le pouvoir du président Juvénal Habyarimana, Onana indique que c’est le FPR qui a rejeté l’intervention des forces étrangères en vue d’arrêter les massacres, ensemble avec les troupes gouvernementales.
Ce n’est pas la première fois que l’écrivain Charles Onana écrit à propos du Rwanda.
Dernièrement, le 7 février le journaliste Matand a reçu un courrier l’informant de son licenciement sans préavis de trois mois prévus par son contrat d’emploi.
BBC a expliqué sa décision ainsi : « vous avez décidé de réaliser une interview sur un sujet controversé sans respecter les règles déontologiques/la ligne éditoriale et sans en aviser vos supérieurs ».
Toujours d’après la BBC “ce manque de prudence, et le non-respect des règles régissant les journalistes de la BBC ont amené les autorités rwandaises à formuler une plainte à l’encontre de la BBC et ce sont des raisons sérieuses qui justifient votre licenciement pour faute grave ».
La Voix de l’Amérique a cherché à savoir la version du gouvernement rwandais, notamment en ce qui concerne la plainte évoquée par la BBC : le ministre en charge de la Communauté des Etats d’Afrique de l’Est au ministère des Affaires étrangères, M. Olivier Nduhungirehe nous a indiqué que le gouvernement rwandais n’avait formulé aucune plainte et qu’il s’agissait d’un problème interne à la BBC.
Le Secrétaire général du Syndicat des Journalistes du Sénégal, Bamba Kassé, considère que même si le Rwanda s’était plaint, cela ne pouvait aboutir au licenciement d’un journaliste :
« Il disent que l’Etat rwandais a porté plainte. Où est cette plainte ? Et même si plainte il y a, l’Etat rwandais en a le droit, est-ce que ça justifie le licenciement du journaliste qui a réalisé l’interview ? J’aurais été d’accord si Jacques Matand avait interviewé un opposant au gouvernement rwandais qui porterait des accusations contre celui-ci et qu’il ne lui ait pas donné l’opportunité de réagir à ces accusations. Ça je pourrais le comprendre ».
Vu que la BBC a déclaré qu’elle a pris sa décision en raison de la plainte des autorités rwandaises, alors que de leur côté celles-ci affirment qu’elles n’ont pas formulé de plainte, la Voix de l’Amérique a écrit à la BBC pour confirmer que cette plainte existe bel et bien.
Dans le communiqué envoyé à la Voix de l’Amérique, il n’y avait pas de réponse à la question « Pouvez-vous confirmer avoir reçu une plainte du gouvernement rwandais ?»
La BBC a répondu : “ Nous ne pouvons rien déclarer à propos de nos employés. Quoi qu’il en soit tous les journalistes doivent respecter les règles déontologiques. Parmi celles-ci, il y a la publication d’informations qui sont vraies, donner l’opportunités aux gens et aux organisations de se défendre quand ils sont mis en cause. Ne rien faire qui puisse nuire à l’image de la BBC en tant qu’institution respectée, impartiale et qui diffuse des informations fiables sur l’Afrique et le monde”.
Le Secrétaire général du Syndicat des Journalistes du Sénégal, Bamba Kassé, estime que « la mesure prise par la BBC viole la liberté dont doivent jouir les journalistes dans l’exercice de leur mêtier, liberté pour laquelle nous nous sommes battus et que nous n’abandonnerons pas face à la BBC :
“ Nous nous sommes battus de nombreuses années pour la liberté d’expression. C’est écrit dans la Constitution de République du Sénégal. La BBC qui a ouvert un bureau à Dakar doit respecter les lois du Sénégal. La Constitution, le Droit du Travail au Sénégal. Et respecter les libertés fondamentales. Si la BBC ne peut se comporter ainsi, qu’elle aille s’installer ailleurs”.
Bamba Kassé a ajouté que c’est au chef du bureau de la BBC à Dakar de répondre par rapport à cette interview diffusée au moins six fois sur les ondes de la BBC, en plus de la publication en ligne. Ce n’est que ce lundi qu’elle a été retirée du site web, quatre jours après le licenciement de Jacques Matand.
Ajoutons qu’une pétition en faveur de la réintégration par la BBC de Jacques Matand à son poste a été mise en ligne. Elle a déjà été signée par près de 7500 personne.
Venuste Nshimiyimana
VOA-Londres