C’est toujours plus fort que lui! Dans sa dernière sortie remarquée, Evode Uwizeyimana n’a pas pu, une fois de plus, s’empêcher de « faire le hutu »; il a donc lâché en substance: « les Hutu sont idiots…ils ne peuvent pas gouverner…l’unité des Hutu ne relève que du rêve chimérique…. »!
Comme à l’acoutumée aussi, son auditoire, majoritairement tutsie, n’a pas pu s’empêcher de « faire le tutsi » : ils ont applaudi !
On a juste regretté l’absence de Gisupusupu sur cette scène « monarchique », lequel aurait « fait le twa » en chantant: « Mu Rwanda cyarakemutse »! Pas cons ces Batwa, ils ont compris le message de Michel Sardou: la vie, c’est moins désespérant en chantant…
SERIOUSLY SPEEKING…
Arrêtons un peu les conneries (toutes les bonnes choses ont une fin !), pour relever que, dans une réunion au plus haut sommet du « Unity Club – Ndumunyarwanda » , un ministre a été applaudi pour avoir traité d’idiots un groupe éthnique rwandais !
Le sommet du pouvoir rwandais vient donc de reconnaître enfin l’existence des ethnies au Rwanda et, plus extraordinaire encore, de valider la hiérarchie « naturelle » qui les caractérise.
Ce qui (ouf !) nous autorise à en parler, occasion rêvée de poser un certain nombre de questions fondamentales que soulève régulièrement le comportement des gens comme Evode Uwizeyimana…et beaucoup d’autres!
QUI SONT « LES HUTU » ?
Quel est ce « peuple » qui s’est fait découvrir par la planète entière au milieu des années nonante, quand ses élites, trente ans seulement après s’être payé cahin-cahan une révolution sensé les « émanciper » durablement, ont stupéfié le monde en prêtant naïvement le flanc à la restauration facile du régime qui les avait asservi 400 longues années ?
Et tout cela sur fond écarlate d’un des bains de sang les plus abondants que l’Humanité ait jamais expérimenté, tellement abondant que, depuis, il n’en finit pas de déborder sur la région toute entière…
RÉVOLUTION HUTUE = ÉMANCIPATION HUTUE?
Au fait, « les Hutu » existent-ils ?! Dans un monde qui fonctionne sous le modèle communautaire, le groupe éthnique hutu se conçoit-il comme une communauté sociologiquement constituée ?
En d’autres termes, un individu hutu est-il animé par une certaine « conscience » communautaire, au sens sociopolitique du concept? Se définit-il en permanence comme appartenant à une communauté éthnique, et en perçoit-il les implications, dans le temps et dans l’espace?
Se positionne-t-il par rapport aux membres d’autres communautés avec lesquelles il est emmené à interagir ?
Comment réagissent « les Hutu » quand, dans le temps et l’espace, d’autres communautés les envisagent (ou les ciblent !) logiquement comme une communauté ?
Existe-t-il une identité culturelle hutue ? Quelle était-elle avant l’arrivée des « Bimanuka »? Qu’est-elle devenue pendant la période du joug Nyiginya ?
En tant qu’esclaves, les Hutu auraient-ils pu apporter une quelconque contribution à ce qu’il est aujourd’hui convenu d’appeler la « culture rwandaise »? Auraient-ils pu conserver tant bien que mal la leur, ou en développer une autre, alors même que, contrairement aux Noirs d’Amérique et d’Afrique du Sud du temps de l’esclavage et de l’apartheid, les Hutu n’étaient pas « ghettoisés »?
Un peuple peut-il vraiment s’émanciper, s’il ne s’est pas au préalable (ré) approprié son histoire et son identité culturelle, condition par ailleurs sine qua non pour espérer inspirer le respect, sur la table inter-communautaire du donner et du recevoir ?
Les élites post-revolutionnaires de 1959 ont-elles pris conscience de l’enjeu, et œuvré à l’émancipation véritable de l’homme Hutu, ou ont-elles considéré comme suffisant le contrôle du pouvoir ?
Aligner cette liste (non exhaustive) de questions revient à y répondre…
Le « Peuple Hutu », s’il existe (!), se doit de déléguer ses élites, avec la mission urgente et impérieuse de revisiter sa véritable histoire et son identité culturelle. C’est le seul moyen d’assurer sa rencontre harmonieuse avec le « Peuple Tutsi » (s’il existe ! ), et d’assurer leur survie commune dans un État-Nation nommé Rwanda…
LE MOT DE LA FIN.
Mon père était hutu, et il était tout sauf idiot.
Les peuples idiots n’existent pas, il n’y a que des individus idiots, et Evode Uwizeyimana est de ceux-là.
Idiots aussi sont des dirigeants qui, plutôt que de fonder leur puissance sur les forces des enfants du pays, choisissent de miser sur leurs faiblesses.
Jean Yanne avait dit un jour : « on se console parfois de ne pas être un génie, quand on voit le nombre de cons auxquels on aurait à faire ».
J’achète!
Sylvestre Nsengiyumva