Les Twa, victimes oubliées de la tragédie rwandaise.

«Le fait d’effacer le nom des Twa des textes officiels ne fera pas disparaître les nombreuses discriminations dont ils sont victimes» dit SANDRINE GASHONGA, Ancienne réfugiée rwandaise - Lëtzebuerger Journal

«Le fait d’effacer le nom des Twa des textes officiels ne fera pas disparaître les nombreuses discriminations dont ils sont victimes» dit SANDRINE GASHONGA, Ancienne réfugiée rwandaise.

Alors que la journée Internationale de réflexion sur le génocide de 1994 au Rwanda est célébrée aujourd’hui, Sandrine Gashonga, qui a dû fuir le Rwanda avec sa famille pour le Luxembourg, revient sur les oubliés d’un pays qui panse toujours ses plaies.

«Pour la première fois ce 7 avril, la plupart des activités commémoratives du génocide rwandais seront annulées en raison de la pandémie du Covid-19. Elles seront remplacées par des célébrations virtuelles à travers le monde, invitant à honorer les 800.000 personnes qui ont été assassinées en moins de trois mois en 1994, et à réfléchir aux souffrances de ceux et celles qui ont survécu.

Ce chapitre parmi les plus sombres de l’humanité fut l’aboutissement de près d’un siècle de divisions, renforcées par la domination belge lors de la colonisation. Le choix stratégique de la Belgique d’imposer les éleveurs Tutsi sur ce territoire pour exercer l‘autorité, sous la tutelle de l‘administration coloniale, a eu pour conséquence le renversement de l’ordre social préexistant. Dans cette alternance du pouvoir, on trouve pourtant une continuité depuis l’arrivée des Hutu entre le XIe et le XIVe siècle, puis des Tutsi au cours du XVe siècle: la persécution de la troisième ethnie du Rwanda, les Twa.

Les Twa (ou Batwa, ou encore Pygmées d’Afrique Centrale), les plus anciens habitants connus de la région des Grands Lacs, sont un peuple de chasseurs-cueilleurs marginalisé, qui ne constitue plus que 0,4% de la population rwandaise. La pression dont ils ont constamment fait l’objet au cours de l’histoire pour quitter leurs terres au profit des deux autres ethnies, les forçant à abandonner leur mode de vie traditionnel et leur culture, a connu son apogée avec les politiques de déforestation et de préservation de l’environnement mises en place par le gouvernement Hutu au pouvoir après l’indépendance. L’accaparement de ses terres par l’État et la privation de sa principale source de subsistance a provoqué sa précarisation croissante, entraînant par la même occasion sa marginalisation et sa stigmatisation par le reste de la population. Au point qu’un préjugé populaire leur attribuait une connivence avec les Tutsi, entraînant sans doute le massacre de 10.000 personnes (un tiers de la population Twa du Rwanda) pendant le génocide des Tutsi.

L’issue du génocide et l’arrivée au pouvoir du Front Patriotique Rwandais (FPR) de Paul Kagame est loin d’avoir amélioré la situation des Twa. En 2004, le Ministère de la Justice rwandais décide de suspendre les activités de la Communauté des Autochtones Rwandais (CAURWA), une association de défense des droits des Batwa. Les raisons invoquées sont l’antagonisme entre la mission de l’ONG et la politique d‘unité nationale et de réconciliation inscrite dans la constitution en l’an 2000, sensée forger une identité unifiée du peuple rwandais en gommant l’appartenance ethnique. Plus tard, prise à la gorge par un chantage à la subvention, la CAURWA fut contrainte de changer sa dénomination en COPORWA (Communauté des Potiers du Rwanda).

Pourtant, le fait d’effacer le nom des Twa des textes officiels ne fera pas disparaître les nombreuses discriminations dont ils sont victimes. Afin de s’acquitter de son obligation de protéger les minorités et les peuples autochtones en vertu du droit international, le Rwanda doit permettre l’établissement de données statistiques à propos des communautés batwa. Le regroupement de données est essentiel à ce que les programmes de développement répondent de manière suffisante et appropriée aux besoins spécifiques de cette population.»

Source: Kloertext