Réponse à Monseigneur Jean Damascène BIMENYIMANA. Abbé Thomas Nahimana.

« La résistance contre l’oppression est un droit naturel et imprescriptible de la personne humaine. »

Abbé Thomas Nahimana                                                               Le Havre, ce 27 juin 2012.
62, rue Joseph Morlent
76600, Le Havre

Objet : Réponse à Monseigneur Jean Damascène BIMENYIMANA

Excellence Monseigneur,

Hier, à l’heure de 19h, j’ai reçu votre lettre datée du 16 mai 2012 ! Je l’ai lue avec beaucoup d’attention et d’intérêt. Mais après avoir pris connaissance de son contenu, je n’en croyais pas mes yeux, j’ai même pensé un moment que cette lettre était une fausse, qu’elle ne venait pas de vous ! En tout cas, il s’agit d’une lettre pas comme les autres. Je signale en passant que la lettre que vous dites avoir envoyée à Monseigneur GUYARD et celle qu’il vous aurait envoyée en retour, de ces deux là, je n’ai pas eu de copies ! J’aurais aimé les avoir du moment qu’elles me concernaient ! Et comme vous terminez votre présente lettre en exprimant le souhait de recevoir une réponse de ma part, je viens donc vous livrer, en toute sincérité, ma façon de comprendre le problème qui semble nous opposer. Ma réponse s’articulera autour de deux points : Les problèmes (I) et les solutions (II°).

I. Les problèmes

A. Votre point de vue

Dans votre lettre vous mettez clairement sur mon actif « trois accusations » suivantes :

1°Avoir fondé le site www.leprophete.fr.

2°« Publier » sur ce site des écrits « à caractère politique ».

3°Des « écrits qui suscitent les tensions dans le clergé de ce Diocèse de Cyangugu et dans tout le pays ».

En clair,bien qu’aucun texte législatif (d’origine ecclésiastique ou étatique) n’incrimine le fait de fonder un site internet, il ressort de votre lettre que, selon votre analyse, tous les problèmes « de tensions, de divisions, de manque de dialogue et de réconciliation » que connaissent « le clergé du Diocèse de Cyangugu et tout le pays » sont provoqués par les écrits à caractère politique que je publie sur le site.

B. Ma vision des choses

Excellence Monseigneur,

Vous savez bien que le site www.leprophete.fr a débuté ces publications le 1/01/2011 seulement, dans le but d’accorder aux Rwandais qui le souhaitent le seul espace libre où ils peuvent exprimer leur vécu en rapport avec les injustices innombrables qu’ils subissent. La nouveauté de ce site aura été de revaloriser la critique constructive, ce qui est très mal pris par le gouvernement rwandais mortellement handicapé par la phobie du débat contradictoire ! Ainsi se pose la question essentielle à laquelle il convient de donner une réponse correcte : pourriez-vous, Excellence Monseigneur, affirmer avec la même assurance qu’avant la date du 1 janvier 2011, il n y avait, « au sein du clergé du diocèse de Cyangugu et dans tout le pays », aucun problème « de tensions, de divisions, de manque de dialogue et de réconciliation » ?

Quelques réponses

1°. Auriez-vous déjà oublié les conflits trop graves qui vous ont opposé, dès votre prise du siège épiscopal de Cyangugu, le 16 mars 1997, à Monseigneur Jean Ndorimana, Vicaire général du diocèse, et qui ont profondément secoué le clergé de Cyangugu ? A ma connaissance, le site leprophète.fr n’était pas encore créé.

2. Vous connaissez le cas de l’Abbé Ubald Rugirangonga, qui, avec son frère le Superintendant Révérien Rugwizangoga, (alors colonel dans l’armée gouvernementale) a assassiné, en 1995, Monsieur Jean Pierre SINDAYIHEBA, un paroissien de Mwezi. Ce contentieux est arrivé sur votre bureau, et vous n’ignorez pas combien il a suscité de vives réprobations au sein du clergé et de la communauté chrétienne de la paroisse de Mwezi. Les victimes innocentes de cette affaire que l’abbé Ubald a fait emprisonner croupissent toujours dans les geôles du FPR, sans défense ! La fille aînée de feu Jean Sindayibeba, c’est-à dire, Marie Goretti Musabyemariya, vous a personnellement adressé deux lettres vous expliquant ces faits criminels où la responsabilité de l’abbé Ubald semble engagée ! Qu’avez-vous répondu à la demande de cette pauvre fille qui s’est réfugiée sous votre protection ? Rien ! Votre silence n’aura fait que couvrir ce crime et l’honneur de votre prêtre au mépris de la souffrance des victimes. Est-ce moi qui ai porté main forte à Ubald pour la commission de ce crime ?

3. Le cas de l’abbé Ignace Kabera, vu en flagrant délit, par certains paroissiens de Mushaka, lorsque lui et son cousin Réné, officier de la police nationale, kidnappaient un jeune paroissien de Mushaka nommé Felix Kaboko, en 1995, pour l’assassiner par la suite à Kigali. Qu’avez-vous dit à la famille de la victime qui en appelle à la justice de Dieu ? Qu’avez-vous dit à l’abbé Ignace Kabera ? Ne continue-t-il pas son ministère comme si de rien n’était, en tant que curé de votre Cathédrale ? Vous savez bien qu’un tel assassinant connu de tous mais impuni n’est pas de nature à favoriser la réconciliation au sein du clergé et au sein de la communauté chrétienne de Mushaka ! Et pourtant vous ne vous en prenez qu’au site leprophete.fr pour avoir permis que soient mises au grand jour ces hypocrisies qui ne servent pas l’avènement du Royaume.

Je pourrais bien multiplier les exemples de vrais cas que vous connaissez et qui alimentent les divisions au sein du clergé de Cyangugu. Les trois prêtres que je viens de citer plus haut, ont en commun le fait d’être d’ethnie tutsi, se comportant comme des parvenus, très proches du régime rwandais, super-riches, indépendants. Depuis 1994, eux, ils ont le droit de faire tout ce qu’ils veulent, jusqu’à commettre des crimes ! Et ils bénéficient de la plus grande impunité, du côté de la justice étatique qui les considère comme ses agents à part entière, qui vont jusqu’à envoyer les rapports de leurs actions directement au ministère de l’administration du territoire plutôt qu’à l’Evêché ! Ce qui est amusant, c’est que cela, ne s’appelle pas « faire de la politique » ! Jusqu’à maintenant, on s’était déjà habitué à ce genre de pratiques. Ce qui est nouveau, c’est l’Evêque diocésain qui s’y met aussi : il veut protéger les criminels et frapper « les journalistes », exactement comme fait le régime dictatorial, au pouvoir au Rwanda, depuis juillet 1994 !

4. J’en viens maintenant aux choses plus sérieuses encore.

Excellence Monseigneur,

Personne, sinon vous, n’ignore la vraie nature du régime qui dirige le Rwanda depuis 1994 :

(1) Une dictature militaire féroce qui fait régner la terreur sur tout le territoire national.

(2) Depuis 1994, il a froidement assassiné 6 Evêques catholiques (4 du Rwanda et 2 du Congo), sans parler de plusieurs dizaines de prêtres, religieux et religieuses assassinés, exilés ou croupissant en prison. Aucune poursuite n’est possible contre les auteurs de ces crimes. L’Eglise catholique du Rwanda n’a même pas le droit d’inhumer ces Evêques dans la dignité liée à leur rang !

(3) Il a fermé l’espace politique, assassiné et emprisonné tous les opposants politiques (Rwisereka, Victoire Ingabire, Deogratias Mushayidi, Bernard Ntaganda…) pour le simple motif d’avoir revendiqué leurs droits civiques et politiques.

(4) Il pourchasse les journalistes, les met en prison, les exile ou les assassine (Messieurs Jean Leonard Rugambage et Charles Ingabire, Mesdames Agnès Uwimana Nkusi et Saidati Mukakibibi….)

(5) Il a fait main basse sur tout le patrimoine de la nation qui ne profite qu’à une clique au pouvoir qui vit dans l’abondance alors que le peuple meurt de faim et est réduit presqu’à l’état d’esclavage.

(6) Il met en œuvre des politiques publiques destinées à appauvrir la population ou à détruire astucieusement les ressortissants de l’ethnie majoritaire des Bahutu (loi sur l’avortement à grande échelle, la stérilisation forcée par méthode de vasectomie dirigée principalement contre les Bahutu…cette dernière pratique pouvant, à elle seule, constituer un crime de génocide s’il venait à être établi devant une juridiction compétente que l’actuel gouvernement cherche à anéantir une ethnie ).

(7) Il a fait voter une série de lois liberticides dirigées principalement contre la liberté de presse et d’expression. Tel est le cas de la loi de 2000 réprimant l’idéologie du génocide, un texte assez flou destiné à harceler l’opposition et à faire taire toute voix discordante.

(8) Certaines de ses politiques publiques sont clairement injustes et sont destinées à appauvrir la population au profit de la clique au pouvoir :

a) Depuis l’année 2011, nous avons assisté, impuissants, à la destruction forcée et systématique des maisonnettes des pauvres, sans aide ni contrepartie de la part de l’administration. A quoi sert-il de détruire les maisons des pauvres, au mépris du droit à la propriété privée, si vous ne leur donnez pas le pouvoir matériel de se doter d’une maison aux standards voulus par le gouvernement ? Est-ce juste et opportun de faire souffrir autant les pauvres pour répondre à une simple politique destinée à mentir à la communauté internationale sur les progrès supposés d’un pays où 80 % de la population s’enfonce dans une misère abyssale ?

b) Dans le domaine de l’agriculture, la politique de la monoculture imposée sur tout le territoire national crée une situation de famine chronique, provoque l’exode de la population vers les pays étrangers (l’Ouganda et le Burundi principalement). Mais les nouveaux riches de Kigali (Abanyamurengwe) ne manquent pas de génie quand ils doivent vanter les mérites d’une politique criminelle qui ne cesse de faire des morts dans les rangs des couches les plus fragiles de la population ! L’Eglise doit-elle se laisser prendre à ce jeu ?

c) La mise en application de la loi sur la redistribution des terres qui est clairement destinée à cautionner la spoliation des terres des pauvres sans défense au profit de ceux qui sont au pouvoir , ne change t-il pas nos villages en poudrière où une petite étincelle pourrait faire des dégâts ?

d) Dans le domaine de la justice : Nous assistons passivement, depuis 2002, à l’installation des Juridictions Gacaca (Juridictions d’exception) qui ont jugé, dans des conditions clairement contraires aux principes les plus fondamentaux du droit, 1.951.388 de Bahutu, pendant 8 ans seulement ! Il faut toujours rappeler que le gouvernement du FPR a vidé ces juridictions de leur potentialité de réconcilier le peuple rwandais, lorsqu’il a soustrait aux compétences de celles-ci la possibilité de juger les crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis par les soldats du FPR, contrairement à ce que prévoyait la première loi Gacaca. Depuis cette triste décision, les juridictions Gacaca n’avaient pour toute mission qu’à servir une justice sélective et orientée, destinée à détruire la seule ethnie des Bahutu.

Une autre énormité établie par ces juridictions Gacaca concerne le contentieux de l’indemnisation ou la réparation des biens matériels qui continue d’allumer le feu dans les relations entre la communauté des Bahutu et des Batutsi. Car, contre le principe de la continuité de l’Etat, l’actuel gouvernement rwandais a refusé d’indemniser les victimes du génocide, alors qu’il ne cesse de crier haut et fort, que ce génocide fut planifié et exécuté par le gouvernement antérieur. Pourquoi l’actuel gouvernement, s’il veut vraiment réconcilier le peuple rwandais, n’assume pas ses responsabilités, en indemnisant, dans les limites de ses moyens, les victimes du génocide ? En décidant de faire peser sur les seules épaules des accusés, souvent très pauvres, le fardeau de l’indemnisation, le gouvernement actuel a ouvert, astucieusement, un précipice et un bourbier où le peuple rwandais s’abîmera pendant plusieurs années encore! Les Clercs doivent-ils rester bouches-cousues devant un danger réel et gravissime ?

Pour information, un Mémoire bien fouillé et documenté vient d’être soutenu avec succès devant un jury de professeurs éminents de droit de la Faculté des affaires Internationales de l’Université du Havre, démontrant combien ces juridictions Gacaca auront été un instrument que le pouvoir du FPR a utilisé astucieusement pour commettre « un génocide judiciaire » contre les Bahutu, depuis 2004.

Voilà ce qui crée « des tensions, des divisions, des manques de dialogue et de réconciliation dans tout le pays » et non pas le pauvre site leprophete.fr.

e) S’acharner contrer le site leprophete.fr a été, depuis sa création, une préoccupation majeure du gouvernement rwandais qui n’aime jamais que le peuple puisse s’exprimer et dire ce qu’il pense. C’est le droit au débat contradictoire qui est ici en jeu. Une campagne musclée et démesurée a été orchestrée au niveau international et jusque dans les contrées les plus reculées du territoire national, contre les deux prêtres qui ont ouvert ce site ! Campagne faite d’injures, de diffamations…. L’objectif était de les faire taire à jamais. Jusque-là, nous comprenions que le gouvernement rwandais suive la logique dictatoriale qui est la sienne ! Rien d’étonnant. Mais que l’Evêque de Cyangugu adopte le même langage et les mêmes travers, voilà ce qui donne matière à réflexion.

II. Les solutions

A. Excellence Monseigneur, dans votre premier « avertissement » vous me demandez pour la dernière fois et avec insistance :

1°.D’arrêter le site www.leprophete.fr (§1)

2°.De ne plus publier sur ce site et sur aucun autre site web ces écrits à caractère politique.

B. Ce que j’en pense

1. Le devoir de l’obéissance à l’Evêque m’incombe et je m’y soumettrai toujours. Cependant, vous êtes sans ignorer que le prêtre n’a pas que des devoirs, il lui est également reconnu un certain nombre de droits, en tant que clerc et en tant que citoyen.

Comme clerc, je n’obéirai à mon Evêque qu’en ce qui touche au domaine précis de ma vocation sacerdotale et de mon ministère dans l’Eglise dans ses divers aspects : dogmatiques, pastorale, spirituelle, disciplinaire, etc. A ce niveau là, je crois que rien ne pourra jamais m’opposer à mon Evêque.

2. Toutefois, je me crois dans l’obligation de ne pas hésiter à exprimer mon désaccord à mon Evêque, quand nous nous opposons en ce qui concerne nos droits et devoirs en tant que simples citoyens. Car en effet, le vrai problème est là ! La solution doit être également située à ce niveau !

Excellence Monseigneur,

Nous sommes confrontés, tous les deux, à une situation politique inédite et très grave qui peut affecter très profondément l’exercice de notre ministère sacerdotal. Face à la dictature qui fait rage dans notre pays depuis 1994, nous n’avons pas les mêmes idées, ni les mêmes réactions, et tant mieux. Les faits sont là :

1°Vous avez choisi de garder le silence devant toutes les injustices commises contre les pauvres.

2°Vous préférez adopter le langage du gouvernement dictatorial qui traite de « divisionnistes » toutes les voix discordantes mêmes les mieux intentionnées.

3°Vous adoptez la politique de faire taire, au besoin par la menace et la force, tous ceux qui dénoncent l’injustice et en appellent à plus de justice sociale.

4°Vous soutenez le régime en place en cautionnant toutes ses politiques publiques les plus injustes que réprouvent la doctrine sociale de l’Eglise notamment l’avortement à grande échelle et la stérilisation forcée. Le silence étant une prise de position parfois trop criante !

Bref, votre passivité, votre silence et votre action (menaces) contre ceux qui souhaitent la démocratisation des institutions et le respect des libertés publiques (libertés d’expression, de réunion, d’aller et venir…) et autres droits de la personne humaine, …autant d’attitudes vous placent dans le camp des soutiens au régime qui martyrise son peuple.

3. Dans ces conditions, vous comprenez, Excellence Monseigneur, que je ne suis pas obligé, même pas par le vœu de l’obéissance, de vous suivre dans ce que d’aucuns jugeront, aujourd’hui ou demain, comme «une compromission avec le pouvoir tyrannique en place ».

Excellence Monseigneur, permettez-moi de vous rappeler certaines choses que vous semblez oublier :

1° Je ne suis pas un politicien, puisque je ne suis engagé dans aucune organisation politique pour concourir au pouvoir temporel. Jusqu’à maintenant, la politique active n’est pas mon domaine et je me garde fort bien de m’y entraîner. La notion d’écrits à caractères politique à laquelle vous faites recours est vague et porte à confusion et doit donc être clairement définie.

2°Je suis un intellectuel sensé jouir pleinement des droits et honneurs attachés à ce statut. Vous êtes sans ignorer que je possède des diplômes universitaires dans le domaine du droit (Master), de la philosophie politique (bientôt Doctorat) et du journalisme. La liberté des académiciens est un droit que je ne suis pas prêt à sacrifier pour rien. Pourquoi m’avoir laissé faire toutes ces études si je ne devais jamais avoir le droit de penser et de m’exprimer sur des sujets qui touchent aux domaines de mes compétences ?

Du moment que mes idées ne contredisent pas les vérités révélées et la doctrine sociale de notre chère mère l’Eglise, je ne vois pas dans quelle mesure vous vous reconnaissez le droit de me dicter ce que je dois penser et ne pas penser, ce que je dois écrire et ce que je ne dois pas publier. J’estime qu’il s’agit ici d’une conception abusive, de votre part, de l’autorité épiscopale que vous exercez sur moi. Cette attitude est bien évidemment le corollaire, au niveau politique, de l’autorité dictatoriale qui régit tous les domaines de la vie nationale et dirige le Rwanda d’une main de fer depuis juillet 1994. Je m’inscris donc en faux contre cet abus de pouvoir que je ne veux pas du tout cautionner en renonçant à une initiative clairement inoffensive et appréciée par beaucoup de nos concitoyens ( laïcs, prêtres, religieux et religieuses) épuisés par les injustices insupportables qu’ils subissent. Mais à y regarder de près, votre attitude n’est pas un simple abus de pouvoir mais elle remplit tous les critères qui constituent le délit de détournement de pouvoir qui n’est pas loin de la simonie. C’est ce que j’entends ici démontrer :

4. La réception de votre lettre du 16 mai 2012, a été précédée par un email du 2 juin 2012, émanant de l’Abbé Evariste NAMBAJE (autoproclamé « Gouverneur Exceptionnel du diocèse », « l’Homme fort du diocèse de Cyangugu »), qui n’est qu’économe diocésain mais qui m’intimait l’ordre (j’ignore avec quelle autorité !) de fermer le plus rapidement possible le site www.leprophete.fr, en brandissant la menace prochain ou en cours de la suspension a divinis ! Vous avez certainement été mis au courant de cet incident puisque, dès le lendemain, j’ai publiquement répondu à l’abbé Evariste, dans un article paru sur le site leprophete.fr intitulé « Abbé Evariste Nambaje, connais-toi, toi-même ». Cet article était destiné à supplier l’abbé Evariste de reprendre sa place et de ne pas se donner les ailes qu’il n’a pas !

Cet incident que je trouve majeur révèle enfin un lien nécessaire entre votre avertissement du 16 mai 2012 et les injonctions du « Gouverneur Exceptionnel » à mon égard ! Maintenant, tout s’éclaire !

5. Excellence Monseigneur,

Nous sommes parfaitement au courant de graves problèmes matériels que connaît notre diocèse de Cyangugu, dus à la faillite du projet exorbitant de la construction d’un Hôtel 5 étoiles (ITUZE) que l’abbé Evariste a géré d’une manière catastrophique et éhontée. Nous regrettons que l’essentiel du patrimoine immobilier du diocèse (Evêché, Centre pastoral…) soit hypothéqué et risque d’être saisi par les Banques (cautions). Je reconnais que cette affaire est très difficile pour vous, mais il faut savoir l’assumer et la gérer avec calme et honnêteté. En plus, vous savez que je n’y suis pour rien.

6. Pourtant, nous sommes également au courant (preuves à l’appui) de toutes les tractations que l’abbé Evariste NAMBAJE a menées avec le FPR en vue d’obtenir une aide financière pour la poursuite des travaux de construction de l’Hôtel. Nous avons donc été surpris de savoir que la contrepartie que vous entendiez donner au gouvernement était le site leprophete.fr et- qui sait- la tête des prêtres qui l’ont fondé et continuent de l’animer ! Dans ce cadre, les promesses que vous a faites le FPR vous ont convaincu que le gouvernement avait vraiment la bonne volonté de débloquer des fonds pour vous aider. Vous continuez peut-être d’espérer que le gouvernement débloquera cette aide une fois que vous lui aurez livré en échange le silence de vos prêtres et la mort du site leprophete.fr. Vous finirez par découvrir, et ce sera trop tard, qu’il ne s’agissait malheureusement que d’une manœuvre destinée à vous faire miroiter en vue de vous lancer dans un marchandage qui n’honore personne, et dans lequel le diocèse perdra plus qu’il ne gagnera.

Les faits étant ce qu’ils sont, au vu de vos réactions écrites, même un petit enfant comprendrait que votre pouvoir épiscopal est en train d’être détourné ou même vendu, pour une cause qui n’a rien à voir avec la saine religion. A vous d’en juger et de faire appel au discernement.

CONCLUSION

Je me sens très mal à l’aise de découvrir que je suis en train d’être transformé en Bouc-émissaire par celui-là même qui avait la mission de me défendre et de me protéger : Mon Evêque diocésain !

Excellence Monseigneur, vous terminez votre lettre sur une menace ouverte: « Je vous informe que la convention signée entre l’Évêque du Havre et moi-même concernant votre ministère sacerdotal dans le Diocésain du Havre prendra fin le 31/08/2012 ». Parfait.

Je signale simplement que vous oubliez un élément très important : que je suis, moi aussi, partie au contrat !

ExcellenceMonseigneur, cette pratique est d’un autre âge, il faudrait franchement l’abandonner, pour l’amour du Christ : « Vous savez que ceux qui gouvernent les nations dominent sur elles en seigneurs, et que les grands font sentir leur autorité. Il n’en est pas de même parmi vous. Au contraire, quiconque veut devenir grand parmi vous sera votre serviteur »(Mc 10,42-43).

Je suis arrivé en France le 18 décembre 2005, dans les conditions que vous connaissez très bien, en grande partie liées au ministère que vous m’aviez confié, celui d’être Président de la Commission diocésaine Justice et Paix ! Durant les sept années de mon séjour en terre d’exile, vous n’avez jamais jugé nécessaire de me rendre visite, comme un pasteur s’occupant de sa brebis avec sollicitude ! Très bien.

Et maintenant, vous ne reprenez tout votre pouvoir de pasteur que pour me coincer. Là, je ne vous comprends plus du tout. Eh bien, si vous trouvez que les conditions de ma sécurité sont réunies pour revenir exercer mon ministère au Rwanda, commandez, je m’exécuterai tout aussitôt ! Mais je ne vous promets pas de fermer mes yeux et ma bouche sur les injustices commises contre les sans voix. Le principe de l’option préférentielle pour les pauvres, l’Eglise du Rwanda l’aurait-elle abandonné et enterrée ?

Par ailleurs, le nouvel Evêque du Havre, Monseigneur Jean-Luc BRUNIN qui est un homme très humain et très sensé attend de nous un vrai partenariat entre nos deux diocèses plutôt que ces querelles liées à l’obscurantisme érigé en règle de droit au pays des Milles Collines !

Enfin, la résolution de ce conflit qui concerne, au moins dans certains de ses aspects, « tous le pays », selon votre propre expression, nécessite, peut-être, le courage d’aller demander conseil aux autres Evêques du Rwanda, un par un et/ou en Conseil, pour qu’ils vous disent ce qu’ils en pensent, au lieu de ne vous laisser dicter votre conduite que par les intrigues et les penchants revanchards d’un abbé Evariste Nambaje, en difficulté.

Je vous remercie d’avoir accordé un peu d’attention à mon long cri de détresse.

En union de prière,
Abbé Thomas Nahimana.

C.P.I:

-S.E Mgr Luciano Russo
Nonce Apostolique à Kigali
B.P 261 Kigali/Rwanda

-S.E Mgr Smaragde Mbonyintege
Evêque de Kabgayi et président de la C.Ep.R.
B.P 357 Kigali/Rwanda

-SE Monseigneur Jean-Luc BRUNIN,
Evêque du Havre
22, rue Sery
6061 Le Havre Cedex.

-Les Evêques du Rwanda(Tous)