Répression politique au Rwanda : le RPD aussitôt formé, aussitôt réprimé

Le 16 mars 2021, le Dr Kayumba annonçait la formation d’un nouveau parti politique au Rwanda, le RPD (Rwandese Platform for Democracy)[1] dont il préside et est membre fondateur. Dans le communiqué de presse il disait que le RPD allait rendre public les leaders du mouvement. Du côté du public l’on pouvait se demander si le RPD allait être dans la lignée du Front Patriotique Rwandais (FPR), un parti qui a le monopole du pouvoir au Rwanda depuis 27 ans ou s’il allait être libre et indépendant. Néanmoins les points de vue de Christopher Kayumba qu’il avait rendus public dans deux lettres adressées au président Paul Kagame laissaient présager que son parti sera libre et indépendant. De lors le suspense résidait dans l’accueil que le FPR allait réserver au RPD. Il a été de courte durée car deux des leaders du parti sont actuellement poursuivis par le RIB (le Bureau rwandais chargé d’investigation), une institution qui travaille au service du parti unique pour faire taire toute voix discordante. Retour sur les deux affaires.

RPD : L’unité, la liberté, la compassion, le travail

Le cas du Dr Kayumba Christopher convoqué ce 23 mars au RIB

Une journée après l’annonce de la création du RPR, une femme sortie de nulle part, par l’intermédiaire du compte twitter d’un certain Kamabara, a accusé le Dr Kayumba de tentative de viol. Les faits auraient eu lieu lorsqu’elle était étudiante en 2017, Christopher Kayumba était alors son professeur. La jeune femme a raconté que : « en 2017, lorsque j’étais étudiante en 3eme année à l’Université du Rwanda, j’ai demandé un stage au sein du RBA (l’agence de presse rwandaise), Kayumba était mon professeur, quelques jours après ma demande, un lundi matin, j’ai reçu un coup de fil qui m’a surpris. ».

Toujours selon ses dires, à l’autre bout du fil, Kayumba lui aurait qu’une personne de la RBA lui avait demandé de lui recommander un stagiaire, il aurait ajouté : « je suis influent dans le journalisme, tu devrais venir me voir assez rapidement pour que je te donne des conseils et une lettre de recommandation »[2].

La jeune fille aurait accepté la rencontre avec beaucoup d’espoir. Le professeur lui aurait donné rendez-vous à Remera, la jeune fille s’était rendue sans savoir que c’est au domicile du professeur, un fait qu’elle aurait découvert plus tard. La jeune femme a expliqué qu’à l’époque qu’elle avait beaucoup de respect pour le Dr Kayumba. Elle a jouté qu’après lui avoir accueillie, le professeur qui était ivre aurait voulu la violer et elle aurait réussi à s’enfuir.

Le 17 mars le RIB annonçait qu’il avait accepté la plainte de la jeune femme et qu’il allait convoquer le Dr kayumba après une enquête préliminaire.

Dr Christopher Kayumba

Ce 23 mars le Dr Kayumba a été convoqué par le RIB à 9h00. En fin de soirée, le compte Twitter de son parti a annoncé que son leader était rentré chez lui : « Chers membres, concitoyens, amis et sympathisants, nous vous informons que notre leader, le Dr Christopher Kayumba, est rentré chez lui sain et sauf après des heures d’interrogatoire au RIB pour des accusations factices de tentative de viol prétendument commises en 2017. Nous vous remercions pour votre soutien. ».

Questions : le DR Kayumba vient de purger une année de prison entre décembre 2029 et décembre 2020. Pourquoi la jeune femme serait restée silencieuse lorsqu’il était affaibli (en prison) ? Peut-on toujours attribué son silence à la position influente qu’aurait eu Christopher Kayumba ? Pourquoi sort-elle de son silence au moment ou son ancien professeur annonce la formation d’un nouveau mouvement politique ? Justice ou parodie de Justice ?

Le cas de Nkusi Jean Bosco, chargé de mobilisation, arrêté par le RIB pour vol

 Dimanche le 21 mars 2021, Jean Bosco Nkusi a été arrêté par le RIB pour vol avec l’utilisation de la violence.

Le porte-parole du RIB, le Dr Murangira B Thierry, a déclaré au journal Umuseke.com[3] que le 3 mars 2021 le RIB avait reçu une plainte d’un homme dont l’identité était gardée secrète pour ne pas entraver l’enquête. Selon lui les faits se serait déroulés comme suit : « Un homme d’affaires exerçant son activité dans le quartier artisanal situé à Gisozi (Kigali, Gasabo), cet homme vendeur de bois et des lits avait accusé six personnes d’être venus sur son lieu de travail, trois d’entre-elles se seraient faites passer pour des employés du service des impôts ( RRA Rwanda Revenue Agency) et trois autres pour des agents de la Police. Ils auraient menacé le vendeur et lui auraient dit qu’il ne payait pas ses impôts et qu’ils allaient l’emprisonner ».  Il ajouté qu’il est courant au Rwanda d’intimider un vendeur en lui disant qu’il n’a pas payé ses impôts, même si cela n’est pas vrai. Ceci expliquerait pourquoi l’homme aurait eu peur. Après lui avoir parlé des impôts, les 6 hommes auraient dit au vendeur qu’ils allaient l’emmener en prison. Ils lui auraient fait faire des tours dans la ville de Kigali et l’auraient battu dans la voiture. Ils lui auraient demandé de leur donner 10 millions de Frw (~8600 €) s’il ne l’avait pas fait qu’ils allaient le tuer et faire fermer sa boutique.

Nkusi Jean Bosco

L’homme leur répondu qu’il ne pouvait pas trouver un repreneur pour sa boutique mais qu’il avait un million de Frw (861€) sur son compte mobile (Mobile Money). Il leur aurait donné cet argent près et ils lui auraient laissé partir.

Salon le Dr. Murangira B Thierry, le vendeur aurait fini par découvrir la supercherie et aurait déposé une plainte. Le vol aurait eu lieu le 02 mars 2021 et la plainte déposée le 03 mars 2021.

Le RIB aurait immédiatement ouvert une enquête. Il aurait arrêté dans un premier temps trois personnes, Muhire Theogene, qui avait été renvoyé de la police pour mauvaise conduite, c’est lui qui aurait menotté l’homme d’affaires utilisant les menottes qu’il avait volé à la police.

Le chauffeur Mugwaneza Ismael a également été arrêté.  La troisième personne est Kabayabaya François qui est également chauffeur.

La police aurait continué à rechercher les trois dernières personnes et a arrêté dimanche Nkusi Jean Bosco qui serait la quatrième personne de la bande. Il se serait fait passer pour un agent du RRA. Il a été arrêté à Nyarugenge, secteur de Nyarugenge, cellule de Kiyovu, village de Nyarurembo. 

Pour le porte -parole de la police, le Dr Murangira, l’arrestation n’a rien avoir avec son engagement dans le parti politique. : « le vol a eu lieu le 02 mars 2021 et le parti n’avait pas encore été rendu public, le RIB le poursuivrait pour ce délit qui n’a rien avoir avec la politique. Nkusi Jean Bosco lors de son arrestation aurait immédiatement avoué. Il est actuellement détenu au centre de détention du RIB de Kimironko. Les véhicules qui auraient été utilisées dans le vol auraient été saisies par la police. Selon la police M Nkusi bénéficierait de tous ses droits celui à la défense et celui de bénéficier des visites.

Le Dr Kayumba a informé le journal Umuseke.com que M Nkusi Jean Bosco est le secrétaire de son parti chargé de mobilisation. Nkusi Jean-Bosco est comptable dans une société de nettoyage dans la ville de Kigali. Christopher Kayumba n’était pas au courant du vol.

Il a exprimé au journal son étonnement car le RIB, la Police avaient nié détenir Nkusi Jean Bosco lorsqu’il leur avait demandé. Selon lui Nkusi est un homme droit qui exerce son métier avec professionnalisme, pour lui c’est une personne qui ne serait pas impliquée dans une affaire criminelle.

Nkusi Jean Bosco n’est pas le premier prisonnier politique à avouer pour des faits qu’il n’a pas commis, l’utilisation des faux témoins est courante au Rwanda pour faire taire les voix critiques. Lorsqu’il s’agit du Rwanda il est permis de douter lorsqu’un homme politique est arrêté dans des circonstances énigmatiques.

Malgré les recommandations de l’UPR 37 et l’engagement du ministre rwandais de la justice Johnston Busingye, le Front Patriotique Rwandais continue sur sa lignée : la pensée unique et le monopole du pouvoir peu importe le coût humain.

Alice Mutikeys


[1] https://rpdrwanda.wordpress.com/

[2] Traduction corrigée pour donner du sens au texte en Kinyarwanda décousu

[3] https://www.umuseke.rw/ushinzwe-ubukangurambaga-mu-ishyaka-rya-dr-kayumba-akurikiranyweho-ubujura.html