Rwanda. Pourquoi le général Dallaire est condamné à mentir ?

Vingt ans après la conquête du Rwanda par la rébellion du Front Patriotique Rwandais, les puissances et les lobbies qui l’ont soutenue et qui ont favorisé sa victoire  traînent un événement comme une épine dans le pied : l’attentat terroriste du 6 avril 1994 ayant coûté la vie au président rwandais Juvénal Habyarimana et son homologue burundais Cyprien Ntaryamira ainsi que leurs suites et trois officiers français membres de l’équipage.

A défaut d’occulter cet événement considéré comme élément déclencheur du génocide, les parrains du dictateur Paul Kagame, commanditaire de cet attentat, tentent désespérément, depuis des années, à mette ce crime sur le dos des boucs émissaires bien désignés : « les extrémistes hutu ». En effet s’il était admis que l’avion fut abattu par cette nébuleuse aux contours flous, celle-ci ne pourrait  pas se défendre tout comme il ne serait pas nécessaire de mettre le doigt sur les supposés exécutants en son sein, ce qui arrangerait tout le monde.

C’est dans ce cadre qu’il faut placer la dernière sortie du général canadien Roméo Dallaire dans le huffingtonpost.cade ce 23 mai 2014.

Le général Dallaire récidive

L’officier canadien commandait la force de l’ONU déployée au Rwanda en 1993 -1994 (MINUAR). Il a failli à sa mission car il a été partial en prenant fait et cause pour l’un des belligérants, trahissant ainsi son devoir de neutralité, tout cela pour favoriser la prise du pouvoir par le FPR de Paul Kagame.

L’action nocive du Général Dallaire au Rwanda est titanesque. Le 22 juin 1993, le Conseil de sécurité de l’ONU votait la résolution 846 instituant la Force des Nations-Unies pour le contrôle de la frontière rwando-ougandaise (MONUOR). Celle-ci était chargée de veiller à ce que le FPR n’utilise l’Ouganda comme base arrière, pour ses approvisionnements en ressources matérielles et humaines. Cette force, commandée par le Général canadien Roméo Dallaire, ferma les yeux et la frontière rwando-ougandaise fut une passoire des approvisionnements du FPR dans son attaque contre le Rwanda. Roger Booh Booh, patron du Général Roméo Dallaire au Rwanda, est affirmatif à ce sujet. Dans une interview accordée au journal belge « Le Soir » du 15 avril 2004, il déclare que l’Ouganda a continué à acheminer au Rwanda des armes destinées au FPR malgré la présence de la MONUOR à la frontière.

Dallaire sera muté à Kigali à la tête de la Force des Nations-Unies pour le Rwanda, la MINUAR. Là, il va carrément prendre partie pour le FPR. Ainsi come le dit encore Roger Booh Booh, Dallaire a été vu plusieurs fois avec des militaires du FPR dans la salle d’état-major de la MINUAR, à l’hôtel Méridien de Kigali, en train de leur monter des cartes avec les positions des forces Armées rwandaises (FAR). Dans son livre, « Shake hands with the devil » [2004 :121], Dallaire ne cache pas qu’il fournissait des renseignements militaires sur l’armée rwandaise au chef militaire du FPR, Paul Kagame.

Un autre témoignage montrant le penchant du général Dallaire pour le FPR nous vient de Vénuste Nshimiyimana, attaché de presse de la MINUAR en 1994. Dans son livre, « Prélude du génocide rwandais » [1995 : 67], il révèle que les Nations unies ayant envisagé de muter le général Dallaire du Rwanda, en janvier 1994, celui-ci a déclaré qu’il allait demander à son successeur d’aider les jeunes combattants du FPR, si gentils, si disciplinés. Robin Philpot a raison quand il écrit dans son livre « Rwanda, crimes, mensonges et étouffement de la vérité » [2007] que Dallaire avait « une mission dans la mission ». Pour cet analyste politique, la mission officielle du général Dallaire consistait au maintien de la paix en mettant en application les accords d’Arusha. Quant à sa mission non déclarée, lui confiée par les puissances anglo-saxonnes pour des intérêts géostratégiques, elle consistait à faciliter la prise du pouvoir par le FPR. Ce que Dallaire a fait avec succès. L’ONU ira même jusqu’à retirer ses Casques bleus pour ne pas gêner l’offensive finale du FPR pour la conquête du pouvoir au Rwanda.

Vingt ans après son “exploit”, Dallaire est obligé de recourir aux mensonges pour dédouaner son ami Paul Kagame de l’attentat terroriste du 6 avril 1994 qui fut l’élément déclencheur du génocide. Mais il le fait si maladroitement que tout ce qu’il raconte à propos du Rwanda perd toute crédibilité.

Le général Dallaire, dans l’article cité, a déclaré allègrement que l’avion du président Habyarimana avait été abattu par les extrémistes hutu. Pour preuve, il parle du lieu d’où les missiles furent tirés qui selon lui était trop gardé par la Garde présidentielle, et du genre de missiles utilisés à savoir les MISTRAL de fabrication française dont il affirme que les FAR en étaient dotées.

Kanombe ou Masaka?

En parlant du site de tir, le sénateur Dallaire fait allusion à cet expert acoustique appelé en catimini pour joindre son expertise aux balisticiens et géomètres qui revenaient du Rwanda et qui n’a trouvé mieux que de faire une simulation dans un champ de tir du centre de la France pour enfin s’exclamer et conclure que les missiles tirés en avril 1994 étaient partis de Kanombe! Même en prenant note de ce chef d’œuvre d’expertise , notre général va trop vite en besogne car le juge français chargé du dossier n’a pas encore conclu à quoi que ce soit étant entendu que les expertises ne sont que des éléments d’appréciation parmi tant d’autres dont dispose le même juge. A moins que ce ne soit un clin d’œil au même juge comme il en reçoit  régulièrement de la part des mêmes milieux. Pourvu que le juge anti-terroriste puisse tenir le coup, tellement les pressions sont énormes.

Missiles soviétiques ou français?

Le général Dallaire parle aussi des missiles MISTRAL. Là alors, notre brave général nous fait pitié. D’abord il oublie que la question du genre de missiles utilisés a déjà été résolue et que même leur traçabilité a été établie et qu’il a été prouvé que les missiles SAM 16 de fabrication soviétique venaient du stock de l’armée ougandaise. Ensuite, il n’a certainement pas suivi que l’histoire des missiles MISTRAL rapportée par Maria Malagardis dans le journal français « Libération » en 2012 a été dégonflée notamment par celui qui était l’adjoint même de Dallaire en 1994 et commandant du Secteur Kigali donc chargé de consigner les armes s’y trouvant,  ainsi que d’autres spécialistes et témoins directs. Maria Malagardis, dont on connaît le militantisme pro-FPR, avait alors prétendu qu’un ancien officier de la MINUAR, le capitaine Sean MOORHOUSE, avait affirmé avoir fait un inventaire du matériel des FAR et y avait découvert des missiles MISTRAL. A noter que le capitaine MOORHOUSE a été G2 de la MINUAR II, donc après juillet 1994.

Le Colonel belge Luc Marchal, qui était commandant des Casques Bleus de la de la MINUAR, dans le secteur Kigali, est formel : les FAR ne disposaient pas de missiles de type MISTRAL. Ci-après sa réaction :

« …Je voudrais préciser deux choses :

1. le Capt Sean MOORHOUSE qui a rédigé le rapport en question ne faisait pas partie de la MINUAR au moment de l’attentat, ce n’est que bien plus tard qu’il est arrivé sur place.

2. il est évident que si les FAR disposaient de SAM type MISTRAL je n’aurais pas pu ne pas le savoir ; en outre posséder simplement des missiles sol-air est une ineptie car cela implique toute une chaîne logistique et une infrastructure d’entraînement adaptées, ce qui n’était pas le cas ; il faut savoir que l’aptitude au tir exige un entraînement très, très régulier sur simulateur à défaut de pouvoir procéder à des tirs réels, or ce genre d’infrastructure n’existait pas ! » 

D’autres spécialistes comme le professeur Filip Reyntjens se sont penchés sur cette affaire et leurs conclusions furent claires et formelles : le document qui parle des missiles MISTRAL est un faux.

Le professeur Filip Reyntjens a eu une correspondance avec le concerné. Cet officier est lui aussi formel. Il a écrit au professeur Reyntjens ce qui suit :  « « Je n’ai pas rédigé la liste d’armes soupçonnées d’être en possession des FAR. Je l’ai hérité ». Clair, non? Et il explique par la suite qu’il n’accorde pas beaucoup de foi à la fiabilité de cette liste. Il suggère d’ailleurs que les Mistral y ont été ajoutés plus tard ».

Par ailleurs, signalons que ce capitaine Moorhouse, rédacteur de la fameuse liste, est « cité dans le rapport Mutsinzi, qui lui fait dire l’inverse de ce qu’il a dit », ajoute Reyntjens dans ses réactions sur les fora.

Ci-après l’intégralité du message posté par le professeur Filip Reyntjens sur le net dans des groupes de discussions sur la région des Grands Lacs le 01/06/2012 :

« Je réagis avec retard à cause d’une mission à l’étranger. L’enfumage continue donc. Le document « révélé » par Maria Malagardis est en réalité ancien, connu depuis longtemps et -surtout- dépourvu de toute pertinence. Il s’agit d’une information donnée par Human Rights Watch.

Je copie ci-après un extrait d’un mail m’envoyé il y a un an par le Capitaine Sean Moorhouse, officier G2 (renseignements) de la MINUAR II, source de ces « informations »:
« Regarding the question of the possession of SA missiles by the FAR:  I did not draw up the list of weapons suspected to be in the possession of the FAR.  
I inherited it.  UNAMIR was such a dysfunctional entity that I don’t even know where the list came from.  There were no means available to verify the accuracy (or otherwise) of this list of weapons.  This was made clear to Human Rights Watch at the time.  Whilst I am sure that Alison Des Forges understood just how many unfounded rumours were swirling around, her assistants could easily have been swayed by these.  I can think of no other reason that the Mistral missiles appeared on the list of weapons.

Rwanda was (and often still is) the land of a thousand rumours, usually unsubstantiated and impossible to substantiate.  All of my comments to the investigators were preceded by the caveat that it was not possible to say with any certainty who had shot down the aircraft or from where.

There was an informal network of intelligence officers in Kigali in late 1994.  This included myself, some other military officers and some diplomatic officers.  This was not part of UNAMIR.  It was this informal network that came to the conclusion that, based on the preponderance of rumours, the most likely scenario for the shooting down of the aircraft involved whites using missiles fired from the area of Kanombe Camp.

Please note that this was simply decided to be, ‘the most likely scenario’ – based on nothing more than rumour and speculation.  In the absence of any evidence whatsoever, nobody in the network would ever state that this was a determination that could be defended in any way.  I explained this to the investigators producing the Mutsinzi report.

The intelligence function in UNAMIR 2 was, quite simply, laughable.  I had no team, rarely a vehicle, and was forbidden to recruit human sources.  These factors, when combined with the absence of any technical methods, meant that rumours and speculation were all I had to go on. »  

On observe que Moorhouse s’étonne de l’inclusion des missiles Mistral, qu’il considère l’information comme aléatoire, et qu’il a fait part de ces incertitudes au comité Mutsinzi (qui pourtant cite Moorhouse de façon péremptoire). Tout ceci n’est donc pas sérieux, et tout ce que Maria Malagardis a « révélé » est sa propre légèreté dans le traitement d’un dossier qui mérite un peu plus de sérieux ».

Extinction des lumières à l’aéroport

Le Huffington Post rapporte aussi que le général Dallaire, dans son intervention, note aussi que les lumières de l’aéroport ont été éteintes à l’approche de l’avion présidentiel, forçant celui-ci à reprendre de l’altitude. «C’est à ce moment-là qu’il a offert la meilleure cible pour pouvoir être frappé», ajoute-t-il. Ou bien le général Dallaire est trop affecté par la maladie d’Alzheimer à seulement 67ans pour ne plus se souvenir de ce qui s’est passé jusqu’à se confondre dans les ordres qu’il a donnés et les rapports qu’il a reçus de ses subordonnés, ou alors il est d’une mauvaise foi déconcertante. En effet, c’est le lieutenant Mboneko des FAR du bataillon LAA (Light Anti Aircraft) détaché à l’aéroport et encadré par les éléments de la MINUAR comme il se devait dans le cadre de la KWSA (Kigali Weapons Secure Area) qui a ordonné, vingt minutes après l’attentat, encore dans la confusion totale, d’éteindre les lumières, car un avion C130 belge non annoncé s’apprêtait à atterrir sur l’aéroport directement après le crash du Falcon présidentiel. Le général Dallaire en a été préalablement informé par ses éléments qui étaient à l’aéroport et a approuvé. Mais voilà que vingt ans après, il en fait une preuve qui incrimine ceux qu’il appelle les « extrémistes hutu » dans l’attentat terroriste du 6 avril 1994.

On le voit, l’attentat du 6 avril 1994 empêche de dormir les criminels qui l’ont commis car ils savent qu’un jour ils seront rattrapés par la justice, mais aussi ceux qui ont bâti l’histoire du Rwanda et de la région des Grands Lacs depuis 1990 sur des mensonges, car le château de cartes risque un jour de s’effondrer si l’attentat était formellement attribué à leurs créatures du FPR et en premier lieu à Paul Kagame. La sortie du général Dallaire est donc à placer dans ce combat d’arrière-garde.

Ghislain Mikeno
24/05/2014

Source:musabyimana.net