RWANDA: QUI ESPIONNE QUI?

Le Général Joseph Nzabamwita, le chef des services de renseignement rwandais

Par RUGEMINTWAZA Erasme.

Le Rwanda est un pays renommé pour son espionnage contre ses voisins, à la recherche d’informations sur ses ennemis. Ceci est tout à fait normal car aucun pays ne peut se passer de le faire. En plus de cela, cependant, alors qu’il n’y a pas de liberté d’expression au Rwanda, toute personne a peur de parler, de dire ce qu’elle veut, ce qu’elle voit et comme elle le ressent, même à propos de choses  censées être ordinaires. Parce que le système de renseignement qui constitue la base du régime de  Kigali, a l’œil partout. Hormis les services de renseignements bien connus, ou les départements d’intelligence des organes de sécurité, l’on dit qu’au Rwanda  quand il y a 3 personnes ensemble, l’une d’entre elles espionne les autres! Comment est-elle construite, cette panoplie de structures de renseignement du Rwanda?

Ce qui caractérise tout  régime dictatorial, c’est une combinaison ou mieux une panoplie de forces de sécurité et de renseignement. Les citoyens de ces pays sont encadrés par les forces de sécurité et de renseignement, de telle sorte que ces forces sont toujours et en toute circonstance, les premiers interlocuteurs de ces citoyens, à la place des autorités administratives. C’est cela le Rwanda de Paul KAGAME, agent bien connu de la CIA (Central Intelligence Agency) qui l’a mis au pouvoir à Kigali pour enfin éliminer l’un après l’autre, -après Habyarimana et Ntaryamira-, Mobutu qui n’était plus l’enfant chéri des Américains, Jonas Savimbi et d’autres, plus récents, que la vérité ajoutera sur sa liste infernale. 

Lors d’une conférence de presse, le 8/11/2019, le président Paul KAGAME a déclaré qu’il espionnait l’Ouganda, car il est courant dans tous les pays d’espionner ses voisins pour des raisons de sécurité ; mais il s’est moqué de Musaveni qui au lieu d’arrêter de vrais espions rwandais qui sont certes en Ouganda, s’en prend aux simples et candides citoyens! Il a dit qu’en plus des hommes, il y a aussi la technologie. « L’espionnage est l’apanage de tous les pays. Nous sommes habitués à utiliser les ressources humaines, et nous excellons en la matière. Et il m’arrive moi-même de me reprocher de le faire, Nous faisons plus que cela », a-t-il déclaré. Il est à rappeler que le Rwanda a promulgué une loi sur l’écoute de tout le monde, et il le fait avec l’aide de son ami Israël, par le biais de la société NSO (Niv, Shalev et Omri), qui a eu un procès avec Facebook, propriétaire de WhatsApp, pour avoir installé une technologie d’écoute dans les téléphones des gens. Concernant le système d’écoute ou d’interception des communications par Kigali, vous êtes sans ignorer que David HIMBARA en fut victime. En fait le contenu de son interview avec le journal gouvernemental ougandais, New Vision, a été publié par le journal d’État rwandais New Times!

L’espionnage est en soi ordinaire et constitue pour tout Etat, une des principales préoccupations en matière de sécurité ; il fait d’ailleurs partie des facteurs de classement de puissances en matière de sécurité. Au niveau mondial quand on parle d’espionnage, tout le monde pense immédiatement aux trois principaux géants de l’espionnage à savoir la CIA, la KGB (FSB) et la MOSSAD respectivement américaine, russe et juive, sans oublier la M16 britannique et  l’ISI pakistanaise, qui  sans trêves ni répit éliminent leurs ennemis avec habileté.

Outre l’espionnage international par des agents professionnels bien formés dans l’art de bien tuer et d’enlèvement, il existe des agences publiques de renseignement bien connues au Rwanda. Il y a la NISS (National Intelligence Security Service), chargée des renseignements intérieurs du pays et la Direction générale de l’Immigration. En plus ces deux agences, viennent s’ajouter les organes de sécurité, RDF, la RNP, le RCS, le RIB, le Parquet, le DASSO et ainsi que la « Reserve Force » qui opère jusque dans le village. Ces institutions, en conjonction avec les organes administratifs, de district et provinciaux, constituent respectivement sur ces échelons le Conseil de sécurité, un organe décisionnel fort, reconnu dans l’imposition de démission aux autorités politiques et simples fonctionnaires de ces échelons. Mais comment ces agences et organes de renseignement travaillent-ils avec l’administration locale et la communauté?

Tous les organes administratifs du niveau national, en passant par la province, le district, le secteur, la cellule, le village à Isibo (entre 10-15 ménages) même si ce dernier n’a pas encore acquis le droit d’entité de gouvernance, doivent veiller à la sécurité. À chaque échelon de l’administration, la sécurité est une priorité, de sorte que les conseils de sécurité, sont régis par de lois très rigoureuses Les réunions  de ces conseils se concentrent sur des questions relevant de la compétence et de la capacité de chaque niveau. Cela ne peut donc pas être possible sans collecte d’informations.

Dans la vie courante, cependant, il y a de nombreux agents de renseignements ou informateurs, au Rwanda. La première chose frappante est que chaque chef de village est un grand informateur! Ces élus de la population au nombre de 14.837, constituent un réseau de base d’informateurs, On leur a acheté des téléphones portables pour cela. Ils ont un système prépayé de communications entre eux et avec les autres autorités. Chaque matin et chaque soir, ils doivent envoyer un message écrit, indiquant la situation sécuritaire du village, au secrétaire exécutif de cellule. Ce message est appelé « Sitrep » (de l’anglais « situation report »), terme normalement utilisé dans les services de sécurité. Le message reflète la situation sécuritaire du village ; tout y est reporté, même une simple dispute entre époux. Ces messages sont, à chaque échelon de l’administration, compilés et harmonisés. En plus du « Sitrep », ces chefs de villages sont tenus d’appeler immédiatement n’importe quelle autorité, et même le président de la république, s’ils constatent quelque chose d’inhabituelle, telle une personne inconnue ou suspecte. De plus, chaque Rwandais est tenu de signaler tout ce qui est inhabituel qu’il a vu ou entendu. C’est ainsi que le Maire du District de Kirehe MURAYIRE Protais a été demis de ces fonctions lors d’une réunion par le Ministre KABONEKA Francis, pour un simple appel d’un paysan, rapportant que le maire les empêche de parler! 

En général, chaque Rwandais est appelé à espionner, à tel point que rapporter quelque de chose, souvent en compétition avec les autorités, lui procure satisfaction et confiance. Dans un petit système qu’on traduirait littéralement du Kinyarwanda de « Œil du voisin », chaque ménage est tenu de connaître les informations de la maison du voisin et de signaler tout élément suspect. Chaque ménage est également tenu d’avoir un cahier des visiteurs, pour y consigner toute personne qui passe la nuit dans la maison, qu’il faut d’ailleurs présenter au chef du village. Cet esprit de fouiner tout, en tout, et de tout rapporter aux autorités et, aux cas échéant, dénoncer parents, frères et sœurs, a été adopté par les Rwandais pour des raisons de sécurité. N’est-ce pas qu’un adage rwandais, traduit littéralement, dit que « quand les vies sont en danger, toute personne défend la sienne »! Cet esprit de suspicion prend son essence dans la période d’insécurité –dans la nord du pays- pendant laquelle on était obligé d’accepter de cacher « l’ennemi » -même s’il s’agissait de votre enfant-, mais de le rapporter discrètement aux services de sécurité sous peine d’être traité de traitre ou complice et de subir ainsi le même sort que cet ennemi. L’esprit se renforça pendant la période des procès des juridictions Gacaca, où l’on devait dire tout ce qu’on a vu et entendu sous peine d’emprisonnement. 

J’ai souligné qu’au Rwanda, lorsque vous êtes à trois l’un de vous espionne les autres. Ce système de renseignement est bien ramifié dans tous les secteurs et services de la vie. Dans le secteur du transport en commun, surtout dans la ville de Kigali, il est connu de tout que les chauffeurs de ces fameux taxis-voitures VW sont des agents de renseignement, mais aussi ceux des taxis ordinaires. Les associations de motocyclistes, en particulier, sont dirigées par des militaires démobilisés. Que dire de ces étudiants également envoyés dans des écoles, des universités, où ils utilisent toutes leurs forces pour devenir des représentants des autres, car cela les aide à mieux infiltrer et aborder les enseignants et l’administration au non de ceux qu’ils représentent. Ne soyez donc pas surpris si vous rencontrez votre chef de classe, étoiles sur les épaules, le lendemain de votre graduation! Des prisonniers espionneraient également leurs compères de la geôle dans leur calvaire quotidien. Ces espions-prisonniers sont souvent placés dans les organes de représentation, ce qui les aide à  mieux se rapprocher des autres car ils sont leur porte-parole.

 Les Institutions gouvernementales, comme le district et la province,  ont un budget libellé « sécurité ». Cet argent ne sert à rien d’autre que d’acheter des informations à certains informateurs, qui sèment la panique dans villages où ils vivent parce qu’ils se ventent et se considèrent eux-mêmes comme de vrais agents de renseignement. Ce budget n’est pas audité!

En plus de cela, il existe divers forums, que ce soit pour les femmes, les jeunes, les personnes handicapées et les enfants, dans lesquels pullulent des informateurs Je ne voudrais m’attarder sur l’élection des comités de ces forums : depuis les instances de bases jusqu’aux échelons supérieurs, les membres des comités sont désignés par les services de sécurité. Ce sont les services de sécurité qui s’assoient et déterminent les membres du comité, les électeurs ne reçoivent que les noms des candidats désignés à chaque place pour accomplir les formalités. Dans ce système intriqué de renseignement, il y a surtout un nouvel organe de Volontaires, Ce sont les jeunes chômeurs, dirigés au niveau national par l’ancien maire de Nyanza, MURENZI Abdallah. Ce sont de vrais agents de renseignement à part entière qui, du matin au soir sont à la chasse des informations, dans les villages. C’est une vraie branche civile de la Police Nationale qui travaille avec diligence sous la motivation de quelques faveurs ou avantages comme contre partie. Ces jeunes gens escomptent ainsi qu’ils pourront avoir de l’emploi et bénéficier de quelques fonds qui sont mis à la disposition de la jeunesse. Ils s’illustrent actuellement dans la campagne de lutter contre Covid-19.

Je ne peux pas clore cette tentative d’analyse du réseau de renseignement de Paul KAGAME, qui amalgame bien les vraies institutions de renseignement, l’administration publique ainsi que les citoyens de tout acabit, sans parler des religieux, notamment ceux de ces innombrables églises nouvelles. Beaucoup  de ces églises sont des outils de pointe pour obtenir facilement des informations sous l’habit pastoral. Pour beaucoup, elles en tirent les moyens de survie d’autant plus leurs communautés ne savent pas les prendre en charge. Ainsi ce n’est pas seulement NIYOMWUNGERE Constantin qui a commis un sacrilège d’être plus mondain qu’un vrai pasteur. Il y en a  beaucoup d’autres qui entrent sans audience chez les ministres ou autres bureaux pour fournir des informations et en sortir avec des liasses de billets. Beaucoup sont également sélectionnés parmi les Hutus pour aider le FPR-Inkotanyi à espionner leurs frères de sang. Personne n’ignore le cas de NEMEYE, un pasteur de la ville de Musanze au Nord du Rwanda qui allait souvent livrer de faux témoignages contre ses frères hutus à Arusha. Pour lui faciliter la libre circulation dans les pays voisins du Rwanda, sous le couvert de l’évangélisation, le gouvernement l’a aidé et facilité de créer une secte chrétienne du nom de Shalom. Maintenant, il a été délaissé et même ruine par ses anciens maitres du FPR, tel que le dit le dicton « Quand on a pressé l’orange, on jette les écorces »! C’est ce qui est arrivé au rustre pasteur BIKEKA Faustin, actuellement incarcéré dans la prison de Ruhengeri. Si ces pasteurs espionnaient l’étranger, ce n’était rien pour les citoyens, le comble de l’ironie est qu’ils s’en prennent entre eux. Lorsque vous parlez à l’un d’eux, il peut aisément vous confier qu’untel est l’œil du gouvernement parmi eux, que personne ne parle à sa présence. La question reste de savoir pourquoi « ces enfants de Dieu » s’acharnent pour les bassesses mondaines! Mais là aussi l’un d’eux me suggéra la réponse: pour devenir un évêque, l’aval de l’Etat est obligatoire au Vatican ou à Canterbury! 

Je ne voudrais pas  beaucoup parler de la plus vieille méthode d’espionnage même avant Jesus Christ, utilisation de belles filles dont Dalila est l’ancêtre. Ainsi, le Rwanda, en raison de la beauté des femmes tutsies, excelle en cette méthode. Beaucoup de ces filles passent par la voie simple de devenir ces prostituées des media sociaux sous le label de « Slay Queens ». Mais il y en a d’autres qui sont des agents publics ordinaires, employés dans des ministères et des institutions publiques. En plus de la beauté, ces femmes doivent maîtriser les langues étrangères et connaître les informations nationales. Ce sont elles qui accueillent différentes personnes qui visitent le pays, les aident à connaître le pays, les accompagnent partout et quand il le faut les accompagnent jusque dans les chambres d’hôtels. Ceci est une réalité et non une fabulation ! 

Quand on parle d’espionnage  au Rwanda, l’on peut de facto penser aux personnes pour lesquelles le FRP n’a ou a perdu la confiance, qui sont sur la liste noire. Ce n’est pas le cas, car le fait est même avéré parmi ses hauts dignitaires. Vous constaterez par exemple que dans tel ou tel autre district, l’homme puissant dans le système du FPR, n’est pas le maire ni le vice maire, plutôt quelqu’un d’autre, apr exemple le secrétaire exécutif de district Ce quidam est l’enfant du régime envoyé pour faire le compte rendu de tout ce qui se passe dans le district. Même de simples blagues ou humours débités sans aucune arrière pensée dans de simples réunions de travail de routines, sont enregistrés et sujets des rapports! Cela crée la suspicion ou le scepticisme au sein du Comité exécutif du district, ce qui constitue une réelle  entrave à la bonne gouvernance et  retarde quelques fois les décisions sur des projets d’intérêt public. Même dans les hautes sphères de l’Etant, parmi les principaux dirigeants du pays, députés et ministres, la donne est de mise: on ne se permet pas de parler comme on veut. On se souvient que quand KABONEKA Francis était député, ses paires du FPR, le craignaient terriblement ; tout le monde se taisait  à sa présence ou l’on préférait parler de choses vulgaires du quotidien. Car le moindre dérapage était sujet d’une brimade. On n’oubliera jamais le cas des ministres  Mugorewera Drocelle et Joseph Habineza quand ce dernier transféra à la présidence le massage personnel  de sa collègue qui lui demandait la retenue et d’être plus raisonnable! 

On se demanderait à forte raison où toutes ces informations, fournies par tant de personnes, par tant d’organes, à tant de niveaux, sont acheminées, comment elles sont traitées et utilisées. En un clin d’œil, les informations de première urgence sont envoyées, traitées ou brutes, aux échelons supérieurs concernés et à la présidence de la république pour une réponse rapide. C’est pourquoi quelqu’un dira quelque chose d’« interdit », se croyant avec des amis, et se verra, après un laps de temps, demandé de porter des menottes! Ou s’il rentre, n’arrivera jamais à la maison! Si Dieu veuille encore sur lui on entendra que la personne disparue réapparaît dans un poste de police, ici et là!

Grosso modo, voici le système de renseignement du régime du FPR-Inkotanyi et son super espion Paul KAGAME. Le système d’espionnage qui  empêche de parler même des vicissitudes de la vie autour d’un verre de bière! Car « In vino veritas » ! Un parent espionne et dénonce son enfant, et vice versa! Même un pasteur trahit ses ouailles : le berger n’a pas honte d’amener l’un de ses moutons et de l’enfermer dans l’antre des loups! Au Rwanda, c’est la maîtrise de soi en tout et partout. Il faut marcher sur les œufs, sur les pointes des pieds car si on ne regarde pas bien on marche sur les pieds du RPF-Inkotanyi ou là où l’espion Paul KAGAME a étalé sa farine. Gare à vous si vous y jetez la moindre saleté! A quand tout cela ?