Rwanda: Titres militaires: un “Général BEM” n’existe pas!

Tous les médias audios ou écrits quand ils présentent le politicien rwandais et ancien officier des FAR et de l’APR Emmanuel Habyarimana, insistent pour le nommer par son grade militaire  car il serait “ un Général BEM”!

L’ancien officier des FAR puis de l’APR Emmanuel Habyarimana , ou il n’est pas un vrai «Général» ou alors il devrait corriger ceux qui écorchent son titre  et donc le dévaluent en l’appellant “ Général BEM”.

L’homme

Emmanuel Emmanuel Habyarimana alias « Cow boy » alias « Mukaru » est originaire de Byumba, commune Bwisige. Certaines sources indiquent qu’il serait plutôt originaire de Ruhengeri. La confusion viendrait de ce que ses parents sont effectivement originaires de Ruhengeri mais qui avaient émigré à Byumba de retour du Katanga au Congo belge où ils étaient allés travailler dans les mines  de l’UMHK ( Union Minière du Haut Katanga) comme beaucoup de rwandais avant l’indépendance. Il est issu de la 15° promotion ESM recruté en 1974 et sorti en 1977. D’après ceux qui l’ont connu, Emmanuel Habyarimana était un étudiant intelligent, que ça soit à l’Ecole Normale de Byumba, à l’Institut Pédagogique National (IPN) ou à l’ESM. Les mêmes observateurs ajoutent cependant qu’il possédait un côté « affabulateur » et « manipulateur ». Sa carrière militaire a évolué en dents de scie. Il eut du mal à convaincre l’EM AR qu’il était un officier intègre et capable. Conséquences : mutations trop rapprochées, affectations humiliantes, retard en avancement. Une certaine opinion veut que ses ennuis aient commencé au début des années 80, quand comme Lieutenant il était affecté à Ruhengeri. Il aurait alors eu maille à partir avec le préfet Zigiranyirazo alias « Mr. Z ». Vrai ou faux ? Au Rwanda le chemin de la vérité est parsemé de mensonges et de pièges. Dans tous les cas, l’ancien préfet de Ruhengeri affirme n’avoir pas souvenir de cet officier qu’il ne connait même pas de figure. L’officier Habyarimana a accusé un retard en avancement assez considérable. A titre illustratif, le commandant Habyarimana Emmanuel issu de la 15° promotion ESM était tellement dépassé dans l’avancement qu’en 1988, il fut nommé S3 du Bataillon para commando commandé alors par le commandant Ntabakuze Aloys issu de la 16° promotion ESM mais plus ancien que lui dans le grade. En 1989, il fut quand même envoyé en Belgique pour parachever ses études à l’Institut Royal Supérieur de Défense. En Août 1990, il reviendra au Rwanda comme Breveté d’Etat Major (BEM). Il sera alors affecté à l’ESM comme professeur. C’est là que lui “surprendra” la guerre. Au lendemain du 01 octobre 1990, il prit alors le commandement d’une compagnie de commandos venant du Bataillon Ruhengeri caserné au camp de Mukamira et reçut pour mission de se porter à la rencontre de l’ennemi au Mutara. Mais avant de prendre le commandement de cette compagnie, il fut un saut au domaine militaire de Bugesera où séjournait une des promotions de l’ESM  pour leur dire de rentrer à l’ESM à Kigali car le pays était attaqué. Les ordres qu’il a alors donné au Lt qui commandait cette promotion, mis côte à côte avec les informations qu’il fournit au camp Gako en retournant à Kigali laisseraient penser qu’il voulait que ces unités amies (ESM et Camp Gako) se tirent dessus. Curieusement quand le Cdt Habyarimana arriva à Rwamagana le 02 octobre 1990, les unités amies se tirèrent dessus, comme pour réaliser ce qui n’avait pas pu l’être au Bugesera. Le 03 avril 1990, il fut signalé dans la région de Rwamagana en progression vers le Mutara. Depuis lors, il fut introuvable que ça soit dans son unité ou dans les garnisons de la région (Rwamagana, Kibungo…). Il réapparaîtra quelques jours plus tard à …Kigali en racontant à qui voulait l’entendre qu’il avait été fait prisonnier par l’ennemi mais qu’il avait réussi à s’évader. Il fut inculpé d’ intelligence avec l’ennemi, de désertion devant l’ennemi et écroué à la prison centrale de Kigali. 

Pour revenir aux accusations d’intelligence avec l’ennemi et de désertion, le commandant Habyarimana passa devant le Conseil de guerre (tribunal de première instance militaire). Il maintint son « histoire » de capture par l’ennemi et parvint à convaincre la cour. Il fut libéré puis suite aux décitions politiques il sera réintégré dans l’armée avec le grade de Major. En avril 1994, il était S3 au secteur opérationnel de Mutara.  Il assurait l’intérim de ce commandement le 07/04/1994 quand le FPR déclencha son offensive généralisée. Le Commandant du secteur Mutara en la personne du Lieutenant-Colonel BEM Léonard Nkudiye était en effet à Kigali en réunion avec d’autres commandants d’unités et de secteurs convoqués après l’assassinat du président Habyarimana. Les unités du secteur Mutara n’opposèrent aucune résistance et se replièrent en débandade, les plus organisées parvinrent jusqu’au Bugesera. Le Major Habyarimana ainsi que d’ailleurs son chef le Lieutenant Colonel Léonard Nkundiye qui avait vite rejoint le secteur Mutara furent rappelés à Kigali et reçurent d’autres fonctions moins exposées au feu. Après la victoire du FPR, le Major Habyarimana fut parmi les premiers officiers des FAR à se rendre au FPR. Après six mois « d’instruction et d’éducation idéologique », il fut intégré dans l’armée patriotique rwandaise (APR) avec le grade de Colonel. Bien plus, il devint Secrétaire Général du Ministère de la Défense. Autrement dit n° 2 après Kagame lui-même qui était le Ministre de la Défense en titre, dans la gestion de l’armée patriotique. Il va connaître une ascension fulgurante. Quand Kagame accède à la présidence en 2000, le colonel sera promu « général » et Ministre de la Défense. Pas pour longtemps puisque en 2003, il prendra le chemin de l’exil. Il vit actuellement en Suisse (comme son prédécesseur Gasana) et anime un mouvement politique qui se réclame de l’opposition au régime du FPR qui change régulièrement de noms (Partenariat-Intwali ; CNR-Intwali…) et d’alliances comme dans le Conseil National pour le Changement Démocratique CNCD…).

Le Brevet d’Etat-Major: BEM

En Belgique le brevet d’état-major était obtenu après avoir suivi le «cycle d’études supérieures d’état-major» d’une durée d’un an à l’École de guerre. Actuellement  à l’Institut Royal Superieur de Defense ( IRSD), le cursus est allongé et le brevet obtenu après passage devant un jury militaire. 

Dans la tradition militaire belge, dès qu’un officier supérieur BEM devient « Général », on ne doit plus alors mentionner son brevet (BEM) devant son grade de Général étant entendu qu’un officier général est d’office inter-armes. 

Dans le cas de notre “Général BEM”, de deux choses l’une: ou bien le grade de Général qui lui est collé est “ bidon” de façon qu’il doit toujours rappeler qu’il fut BEM, alors qu’un officier général n’a pas besoin de le rappeler, ou alors il ne lit pas ou n’écoute pas ce qui est écrit et dit sur lui pour rectifier. Ce qui serait encore plus incompréhensible de la part d’un “ général”. 

Emmanuel Neretse

Autrefois Major BEM.