Vendredi de gratitude: Assinapol Rwigara, homme généreux.

Assinapol Rwigara

Par Mukundente Ariane

Encore un autre rendez-vous pour notre vendredi de gratitude hebdomadaire. Vous l’aurez certainement constaté à la lecture du titre : nous nous consacrons aujourd’hui à Mr. Assinapol Rwigara. Je vous présente ce père de famille et homme d’affaires qui, grâce à sa générosité et ses actions sur l’économie du pays a changé la vie de beaucoup de ses concitoyens. Son parcours n’est rien de moins que spectaculaire puisqu’il s’agissait d’un self-made man dont le très grand succès est attribuable directement à ses décisions et ses actions plutôt qu’aux conditions extérieures à celles-ci.

Assinapol Rwigara est né le 20 Octobre 1957 dans une famille d’adventistes du septième jour, dans l’ancienne commune de Rwamatamu de la préfecture de Kibuye. fit ses études primaires à l’école de Mugonero et ses études secondaires à Kivoga au Burundi et dans l’ex-Zaïre (actuel DRC). Entre 12 et 14 ans, il était engagé dans le commerce ambulant de cigarettes et autres produits de contrebande qu’il se procurait dans l’ex-zaïre (l’actuel RDC) pour les revendre dans la région ouest du Rwanda. Ainsi tombé dans la pratique du commerce dès son plus jeune âge, il fut en amour avec ce métier tout au long de sa vie. Il avait déjà l’ambition de prospérer comme le faisait, à cette époque, feu Seth Bimenyimana qui était reconnu comme le plus grand commerçant de la préfecture de Kibuye.

À la fin de ses études secondaires, il disposait déjà de tout le capital nécessaire pour réaliser ses ambitions d’affaires. Il a travaillé si fort qu’à ses 18 ans, il était propriétaire d’une camionnette qui l’aida à réaliser le commerce d’importation de produits en provenance des pays étrangers, notamment le Kenya. Vers l’âge de 22 ans, Assinapol Rwigara s’est marié avec Adeline Mukangemanyi avec qui ils eurent six enfants. À l’âge de 30 ans, Assinapol Rwigara était devenu un grand industriel très respecté, importateur et exportateur de tabac notamment, et faisait partie des cinq premiers hommes d’affaires en importance du Rwanda. En tout temps, on se souviendra d’Assinapol Rwigara comme un homme d’affaires rwandais ayant prospéré alors qu’il était très jeune.

À titre d’anecdote, le président Habyarimana avait invité un jour les plus grands hommes d’affaires rwandais du pays pour échanger sur les pratiques et l’état du commerce. Voyant un jeune homme qui siégeait avec tous ces grands noms déjà bien établis tels que les Kabuga, Mironko, Majyambere, Rubangura et autres, il lui demanda s’il était le fils de Rwigara venu représenter les intérêts de son père. Ce jeune homme était Assinapol Rwigara. Quand celui-ci avoua qu’il venait se représenter lui-même, le président Habyarimana n’en revenait pas. Il était émerveillé que le pays puisse compter sur un des rares hommes d’affaires ayant pu atteindre un si grand succès dans ce domaine à un âge si peu avancé.

Les affaires de Mr. Rwigara, il faut le mentionner, ont largement profité à l’État rwandais et à l’économie nationale par le biais d’impôts et de droits de douanes versés au trésor, ainsi que la création de milliers d’emplois. Son usine Premier Tobacco Company au Rwanda employait à peu près 500 personnes. Ses affaires s’étendaient même en dehors des frontières du pays en Ouganda avec plus de 350 employés et fermiers et en RDC où Mr. Rwigara comptait entre 450 et 500 employés et fermiers. Mr Rwigara possédait aussi des usines de produits alimentaires, produits cosmétiques et d’emballage. Il avait aussi investi dans l’immobilier ainsi que dans différents services financiers, tels que les banques et les assurances. Homme généreux, il a par ailleurs aidé les jeunes entrepreneurs à faire prospérer leurs affaires en leur offrant des avances de stocks de marchandises avec possibilité de remboursement après la conclusion de leurs ventes. Il a aussi offert des fonds de démarrage d’affaires aux jeunes entrepreneurs et commerçants, notamment ceux qui étaient originaires de la préfecture de Kibuye.

Ses bonnes actions ne se sont pas arrêtées au seul monde des affaires : il a su faire profiter sa communauté de sa très grande générosité. Chrétien pratiquant, il a construit et rénové le bâtiment de l’église adventiste du septième jour de Nyamirambo. Mr. Rwigara a soutenu une multitude d’orphelins et de veuves du génocide contre les Tutsis en leur procurant les fonds nécessaires pour subvenir à leurs besoins. En outre, plusieurs jeunes ont grandement bénéficié de ses bourses d’études dont beaucoup d’entre eux occupent actuellement une excellente position sociale tant au Rwanda qu’à l’étranger. Il a aidé beaucoup de personnes qui cherchaient à obtenir un visa d’entrée dans les pays occidentaux en s’en portant garant auprès de leur service d’immigration respectif. Mais ce n’est pas tout : est-il nécessaire de préciser qu’il a aidé le FPR à conquérir le pouvoir en l’appuyant financièrement?

La vie de Rwigara s’arrêta brutalement le 4 Février 2015, à l’âge de 57 ans, dans un accident de voiture attribuable à une collision avec un camion, mais dont les circonstances restent pour le moins troublantes. Un passant en avait informé sa famille qui s’était présentée rapidement sur les lieux de l’accident. Selon les témoignages de la famille, Mr. Rwigara était toujours en vie au moment de leur arrivée. La police aurait passé plus d’une heure à dégager la voiture de la rue avec une dépanneuse sans se secourir le père à l’intérieur. Sans avoir été vérifié par le médecin pour un rapport médical, le père a été mis dans un sac mortuaire et embarqué dans la camionnette de la police non-approprié pour les circonstances, alors même qu’il y avait une ambulance à côté. La famille a protesté pour voir leur père et l’accompagner, mais en vain, la police a conduit Mr. Rwigara à la morgue de la police plutôt qu’à l’hôpital situé, pourtant, près du lieu des événements. N’ayant pas d’autre choix, elle a suivi la camionnette jusqu’à la morgue et a pu voir que leur père saignait beaucoup suite, d’après elle, au coup reçu derrière la tête. Elle supplie, encore une fois, la police de l’emmener à l’hôpital pour voir un médecin, mai le refus fut catégorique.

La famille demanda bien qu’une enquête soit menée par la suite, mais les autorités y opposèrent une fin de non-recevoir. Étrange! Pourquoi refuser de tenir une enquête alors que la police connaissait l’identité du présumé coupable? Car en effet, immédiatement après l’accident, la Police avait annoncé que le chauffeur du camion, traumatisé par ce qui venait de se produire, s’était enfui à la station de police. L’accident s’est déroulée il y a de ça six ans maintenant et on n’a jamais pu voir jusqu’à l’ombre de ce chauffeur et c’est la police qui le détiendrait toujours? Pourquoi n’y a-t-il pas eu d’enquête alors que même un accident non-prémédité devrait être puni par la loi? C’est pour cette raison que la famille n’a jamais cru à la version officielle de l’accident. Elle a toujours pensé qu’il s’agissait d’un assassinat déguisé en accident. Seul le chauffeur pourrait nous dire ce qu’il en est, mais où la Police Rwandaise l’a-t-elle mis?

La veuve et les orphelins ont pleuré Mr. Rwigara publiquement en réclamant justice, mais erreur monumentale! Crime de lèse-majesté! La police des sentiments s’est déployée! Il ne fallait pas pleurer, ni poser des questions, ni montrer la solidarité à la famille! C’est à ce moment que la descente aux enfers a commencé pour ce qui reste de la famille Rwigara: après la mort suit le dépouillement et, pour en finir, l’emprisonnement. Car le reste de l’histoire vous est tout aussi familière, chers lecteurs.

C’était comme un ouragan ravageant tout sur son passage. Ils ont tout pris, absolument tout : l’usine Premier Tobacco Company, les différents projets de construction de bâtiments commerciaux et autres bien immobiliers, une usine située à Kicukiro, une autre usine située à Musanze et l’acte le plus ignoble, la destruction de l’hotel quatre étoiles des Rwigara situé au centre de Kigali. Des images ont circulé, visionnées et revisionnées des milliers de fois. Quel déchirement! C’était comme un couteau qui traversait le cœur des Rwandais. Un silence mortel s’abattit sur le Rwanda tandis qu’on assistait à l’acte de destruction. Seul le bruit des excavatrices s’employant à anéantir le travail d’une vie d’homme se faisait entendre.

Et voilà! C’était fini! Un père disparaissait avec tous les biens gagnés honnêtement à la sueur de son front! Une famille entière se trouvait par là-même anéantie. Une veuve et des orphelins dépouillés par l’État en direct, sous nos yeux transis. La famille s’est battue toute seule jusqu’à l’épuisement. Et alors qu’elle se trouvait encore au sol, assommée par l’épreuve, le coup fatal fut porté, soit l’emprisonnement de toutes les femmes de la famille. Une opération commando comme s’il s’agissait de terroristes, fut lancée à leur endroit. Ce n’était pourtant qu’une mère et ses deux filles. La boucle est close, la famille Rwigara anéantie. Anne Rwigara, en vertu de sa nationalité américaine fut libérée, après un mois en prison. Diane Rwigara et leur maman, Adeline Mukangemanyi, ont croupi plus d’une année en prison. Après un long procès, elles furent lavées de tout soupçons et libérées. Mais à quel prix et pour quelles raisons? Quand je vois l’acharnement portée à l’endroit de cette famille, je demande à leurs bourreaux: Et puis? Êtes-vous contents? Êtes-vous fiers?

Voilà pour la vie de Mr. Assinapol Rwigara ayant travaillé dès son plus jeune âge à la sueur de son front. Sa fortune faisait la richesse de plusieurs personnes, et même celle de son pays. À preuve, si on ignore le volet touchant à la création d’emploi même, son usine Premier Tobacco Company payait à l’État un tribut de plus de 4 million de US en impôts, et ce sur une base annuelle. Cette usine a été vendue aux enchères sous prétexte d’avoir accumulée de lourdes dettes en taxes impayées. La famille a nié cette dette, mais comment le prouver? En effet, les agents de Rwanda Revenu ont envahi l’usine et ont confisqué tous les documents et les ordinateurs de l’usine et deux jours plus tard, ils réclamèrent à l’usine cette somme de plus de 4 millions de $US. La famille a voulu récupérer leur documents et ordinateurs pour prouver qu’elle ne doit rien à Rwanda Revenu, mais ce dernier refusa de restituer les documents et ordinateurs confisqués. Au lieu de ça, Rwanda Revenu a emmené une lettre et a demandé à Anne Rwigara de signer qu’elle acceptait que Tobacco Company devait à Rwanda Revenu les impôts de plus de 4 millions et que c’était la seule condition pour que l’usine réouvre ses portes le lendemain. Anne Rwigara a refusé catégoriquement, car c’était accepter un délit que l’usine n’a pas commis.

La famille s’est battue jusqu’à la dernière minute pour conserver l’usine, sans succès, elle a été vendue aux enchères. Mais ce qui fait encore plus mal, c’est que les nouveaux propriétaires ont aussi privé de précieux revenus l’État ainsi que d’autres rwandais. L’usine a fermé ses portes depuis mettant à la rue plus de 500 personnes engagées par la famille Rwigara et privant ainsi l’État d’une somme colossale de plus de 4 millions $US en impôts. Au moment de mourir, Assinapol Rwigara avait pourtant laissé sa famille dans l’abondance car, à part ses biens, il venait de gagner un procès de plus de 1 milliards de FRWS (près de 1 million de dollars américain) contre la ville de Kigali. En outre, il aura accompli son devoir de citoyen en contribuant activement et significativement au développement de son pays. Il part la tête haute car il aura pu remplir sa mission sur cette terre, mais malheur à celui par qui le scandale arrive.

Assinapol Rwigara a laissé à sa famille le plus beau cadeau: l’amour. Malgré ces épisode apocalyptiques sa famille reste forte et soudée et donne à tous rwandais et citoyens du monde qui le souhaitent la possibilité d’honorer avec eux leur père, mari, frère, oncle, amis…Et c’est un rendez-vous annuel, les gens ne tarissent pas d’éloges sur lui et avec raison. Un grand artiste de chez nous a chanté ‘’uzasiga nkuru ki imusozi’’, c’est-à-dire « qu’est-ce que tu laisseras derrière toi »? De Mr. Assinapol Rwigara, nous avons appris le courage, la valeur du travail, le partage, le civisme, la responsabilité, l’honneur et le respect de soi. Il a été une grande source d’inspiration pour beaucoup de jeunes qui se sont lancés en affaires grâce à lui. Sa générosité aura changé de manière déterminante et directe la vie de plusieurs personnes. Vivement, rendons hommage à cet homme exceptionnel, un self-made man purement Rwandais qui a été et restera une source de fierté pour nous tous.

Assinapol Rwigara, niyubahwe!